Interview

"Nous répondrons à l’intégralité des lots du Grand Paris Express", Jérôme Stubler, président de Vinci Construction

Selon le président de Vinci Construction, tous les plannings du GPE sont tenables.

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Jérôme Stubler, président de Vinci Construction

Au sommaire de l'entretien avec Jérôme Stubler (cliquez sur les liens pour accéder directement à la partie qui vous intéresse)

Grand Paris Express : l’agenda et le méga-lot

Grand Paris Express : management et formation

Grand paris Express : le défi technique

Vinci Construction : conjoncture

Vinci Construction : l’international

Vinci Construction : quid de l’A45 et du contournement de Strasbourg ?

Le gouvernement semble vouloir préserver le schéma d’ensemble du Grand Paris Express. En revanche sa réalisation pourrait être étalée dans le temps. Qu’en pensez-vous ?

Jérôme Stubler : Tous les plannings tels qu’ils ont été prévus sont à la fois réalistes et bien conçus. Le projet du Grand Paris Express est étudié depuis longtemps, un travail de fond a été mené. Les appels d’offres ont été précédés de deux ans d’études d’avant-projet sommaire. Ils sont très précis en termes de technique, de délais, de faisabilité…  Les dossiers sont donc très bien ficelés, avec des plannings tenables et surtout, ce qui est remarquable, des plannings tenus à ce stade. Je ne me souviens pas, même au grand international, de projets tenus avec une telle précision.

Qu’en est-il du « méga-lot » 16-1 ?

J.S : La Société du Grand Paris devrait attribuer ce lot en décembre. Contrairement à certaines informations parues dans la presse, nous n’aurons pas besoin d’accélérer les travaux de ce tronçon pour être à l’heure des Jeux olympiques Paris 2024. Tous les plannings d’origine sont compatibles avec une livraison à fin 2023.

Comment Vinci Construction s’est-il organisé pour réaliser les études d’exécution ?

J.S : Elles sont réalisées en grande partie en interne, sur la base des dossiers d’appels d’offres qui, comme je l’ai déjà indiqué, sont de grande qualité. Les travaux géotechniques présentent une particularité : les entreprises travaillent avec une connaissance extrêmement partielle du terrain, malgré les sondages géotechniques. La connaissance du sol progresse au fur et à mesure du chantier. Il faut donc observer et être en mesure de réagir quasiment en temps réel sur la conception. C’est ce que nous appelons la "méthode observationnelle". Elle nécessite une boucle très courte entre la conception et la réalisation. Les entreprises hexagonales sont habituées à cette méthode dont la France est un des précurseurs.

Comment se former à cette méthode observationnelle ?

J.S : Nous avons créé une école de formation interne : l’école de « La ville sous la ville ». La formation porte sur cette méthode et vise, à ce jour, principalement l’encadrement et le management. Chacun doit comprendre ce que signifie, dans son métier, observer, mesurer, comprendre les pressions de la terre, de l’eau, les mouvements de la structure, des bâtiments adjacents… et être capable de réagir en conséquence… La première promotion a démarré en juillet. Une introduction à la formation est développée en e-learning, accessible à tous les collaborateurs. Nous serions heureux d'ouvrir cette formation à nos clients et à nos maîtres d’œuvre. Nous considérons que si toutes les équipes partagent la même compréhension du sujet, elles auront une plus grande capacité à le traiter.

Les effectifs en interne seront-ils suffisants pour réaliser toutes ces études d’exécution ?

J.S : Vinci Construction peut compter sur ses nombreuses entités avec des ingénieurs, des techniciens qui ont déjà travaillé sur des projets de travaux géotechniques de toute taille. Vinci Construction a une longue tradition dans les travaux réalisés en sous-sols. Nous parvenons ainsi à structurer et mobiliser rapidement des collaborateurs capables d’encadrer les équipes du Grand Paris Express. Nous formons de surcroît aux travaux souterrains des ingénieurs expérimentés qui, jusqu’alors, étaient spécialisés dans les superstructures.

Répondrez-vous à tous les appels d’offres du Grand Paris Express ?

J.S : Chez Vinci Construction, nous avons fait le choix de répondre à l’intégralité des lots du Grand Paris Express, ce qui représente une charge d’investissements importante. Nous sommes la seule société à avoir procédé de la sorte. Sur tous les appels d’offres, nous avons candidaté en groupement avec Spie Batignolles.

La construction de la gare de Villejuif-Aragon à 49 m de profondeur représente-t-elle un défi technique particulier ?

J.S : A près de 50 m de profondeur, la pression qui s’exerce sur les parois représente douze fois la pression atmosphérique. Tout devient plus compliqué, plus sensible, plus subtil… Les parois doivent être réalisées avec une très grande précision et il faut s’assurer qu’il n’y a pas de pianotage, c’est-à-dire que les panneaux qui forment la paroi ne sont pas déviés les uns par rapport aux autres. Des défauts d’alignement peuvent affaiblir la structure et altérer son étanchéité. Nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet et mis au point des dispositifs qui équipent l’ensemble de nos machines. Depuis des années, Vinci Construction réalise d’importants investissements en recherche et développement sur les travaux souterrains. Notre objectif est de nous doter d’outils toujours plus performants, mettant en œuvre de modes de réalisation plus sûrs, plus robustes face aux aléas géotechniques.

Votre chiffre d’affaires, sur les neuf premiers mois de l’année, a progressé de près de 3%, à plus de 10 milliards d’euros. 2017 va-t-elle être l’année du retour de la croissance ?

J.S : Je confirme que notre chiffre d’affaires est en croissance, à la fois en France et à l’international. Sur les neuf premiers mois de l’année, nos prises de commandes progressent de 15 %. C’est une nouvelle d’autant plus appréciable que nous connaissions une décroissance de notre chiffre d’affaires depuis quatre exercices. Elle s’expliquait par le cumul de trois phénomènes : la fin du pic de la construction lié à la réalisation de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, la baisse des investissements des collectivités locales en France, ainsi que la crise du pétrole. Ce dernier point conduit à la baisse des dépenses d’infrastructures des pays exportateurs et des sociétés productrices.

Le rebond d’activité se confirme donc dans le temps ?

J.S : Nous anticipons une reprise depuis un certain temps. Notre carnet de commandes est en croissance depuis 2016. Nous serons en progression en 2017 et 2018 et notre carnet en 2019 est en avance sur notre tableau de marche.

En France, qu’est ce qui porte la croissance ? Est-ce l’immobilier ?

J.S : Le secteur du logement connaît une croissance encore insuffisante. Dans les grandes métropoles, un dynamisme se fait sentir dans les grandes opérations de bureaux depuis maintenant 18 mois. A titre d’exemples, nous avons récemment démarré les tours Trinity et Saint-Gobain à La Défense, les tours Duo à Paris, ou l’opération Testimonio à Monaco.

Les tours poussent dans le monde. Sur quels projets êtes-vous positionnés ?

J.S : Nous venons de remporter le projet de la tour Skyliner à Varsovie. Nous sommes également en négociation finale pour deux beaux bâtiments en Asie, qui seraient les plus hautes tours jamais construites par Vinci, puisqu’elles culminent à 260 mètres environ. Nos divisions de bâtiment internationales enregistrent une très belle croissance, notamment portée par ces opérations.  Nous avons par ailleurs lancé en 2016 une nouvelle marque de bâtiment de luxe : Plendi. Cette marque s’adresse aux acteurs du luxe – hôteliers, investisseurs, décorateurs et particuliers – souhaitant concevoir, construire ou rénover des ouvrages haut de gamme dans l’immobilier résidentiel de luxe et l’hôtellerie de prestige. Le gros œuvre est relativement similaire mais avec un degré de précision millimétrique afin que les calepinages puissent avoir la régularité réclamée. Nous réalisons ainsi à Londres la rénovation de l’hôtel Mandarin Oriental, ainsi que le premier hôtel Fauchon, Place de la Madeleine, à Paris.

Vous venez de racheter Seymour Whyte (280 millions d’euros de chiffre d’affaires), en Australie. Quelle est votre stratégie à l’international ?     

J.S : Vinci Construction est fortement implanté à l’international, et nous y réalisons près de la moitié de notre chiffre d’affaires. Notre stratégie d’internationalisation se poursuit suivant trois axes. Le premier consiste à nous implanter via nos métiers de spécialités. L’exemple le plus connu est bien évidemment Soletanche Freyssinet, présent dans plus de 90 pays. Le second axe est celui de la croissance organique avec la réalisation de grands projets en mode export. Enfin, nous ne nous interdisons pas de réaliser des opérations de croissance externe, comme dans le cas de Seymour Whyte. Il s’agit d’un pays qui répond à nos principaux critères : une stabilité politique et un marché où l’on prévoit une croissance très durable. C’est le cas plus largement de l’Océanie, une zone qui représente désormais pour nous 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Nous y avions acquis un autre gros opérateur, le néo-zélandais Heb Construction, en 2015.

Dans quelles autres zones comptez-vous vous développer ?

J.S : Nous disposons d’un réseau déjà étoffé de filiales d’entreprises générales à l’international et avons vocation à le développer encore. Nous sommes déjà très présents en Afrique, et en Europe de l’Est. Nous avons remporté des contrats en Amérique du Nord et en Amérique latine et nous progressons en Asie. Au Moyen-Orient, nous sommes le leader de la construction, via notre joint-venture QDVC. Notre approche consiste à avancer pas à pas, en réalisant des premiers projets nous permettant de comprendre et de nous adapter à la culture locale, tout en démontrant notre savoir-faire et la qualité de nos réalisations.

Vous venez de réunir six de vos entreprises spécialisées dans une nouvelle filiale, Vinci Construction Maritime et Fluvial. Pourquoi ?

J.S : Nous considérons que ces travaux vont continuer à croître dans le sillage du développement du transport maritime qui, par son empreinte écologique réduite, est l’un des grands leviers de la mondialisation des échanges. De nouveaux ports vont être construits, les infrastructures existantes seront approfondies… Nous disposons d’un savoir-faire historique en matière de travaux maritimes et fluviaux. Cette nouvelle entité, née du rapprochement de six filiales françaises, doit nous permettre d’accroître notre visibilité sur ces métiers et de mieux répondre aux projets complexes en France ou à l’international, associés aux capacités de nos filiales locales, de spécialité et de grands projets. Nous comptons déjà de belles références en Afrique, ou en Amérique du Sud comme les ports de Lomé au Togo, de Kingston en Jamaïque ou de Buenaventura en Colombie …

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Le président de Vinci Construction est confiant quant à la réalisation du contournement de Strasbourg et l'autoroute Lyon-Saint-Etienne Le président de Vinci Construction est confiant quant à la réalisation du contournement de Strasbourg et l'autoroute Lyon-Saint-Etienne

Plusieurs de vos grands projets sont ralentis. Quid de l’A45 (autoroute Lyon-Saint-Etienne) ?

J.S : Nous attendons la confirmation de l’avis favorable du Conseil d’Etat. Le projet porte une  ambition importante en matière de sécurité routière, d’environnement et de développement économique et d’emploi pour la région Auvergne Rhône Alpes. De notre côté, nous sommes prêts, à tous les niveaux : notre dossier est techniquement complet.

Vous avez également subi une contestation, sur le plan environnemental, concernant le contournement ouest de Strasbourg...

J.S : Le projet n’a jamais été remis en question en tant que tel et il a concrètement débuté sur le terrain depuis un an.  Ce contournement de 24 km est attendu depuis plusieurs décennies.  Il va compléter le réseau existant et permettre de réduire les congestions de plus en plus importantes sur l’A35. La sécurité routière en sera améliorée et l’attractivité du territoire sera confortée. 

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