Tribune

«Nouvelle réglementation environnementale : où est passé l’humain?», par Dominique Bidou

Faire progresser la cause de la planète ? Une nécessité impérieuse. A condition de (re)mettre l’humain au cœur des politiques, prévient le président d’honneur de l’association HQE…

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Dominique Bidou, président d’honneur de l’association HQE.

Les grandes lignes de la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments, la RE2020, viennent d’être rendues publiques. Une bonne surprise à la réception du dossier de presse : le titre. « Éco-construire pour le confort de tous ». Les habitants et usagers ne sont pas oubliés, il faut assurer leur confort. Il en va autrement quand vous ouvrez le dossier. Le confort en question se réduit à une seule chose : survivre aux canicules. C’est bien la moindre des choses, merci d’y avoir pensé. Il ne s’agit que d’un dossier de présentation, et non pas d’un projet complet de réglementation, mais il donne le ton.

Réchauffement et carbone

Trois objectifs principaux sont mentionnés : donner la priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation de l’énergie ; diminuer l’impact carbone de la construction des bâtiments ; en garantir la fraîcheur en cas de forte chaleur. Il n’y en a que pour le réchauffement et le carbone. Nous sommes tous d’accord sur l’importance du sujet, poursuivons nos efforts de ce côté, mais ne nous trompons pas : on ne construit pas pour lutter contre l’effet de serre, mais pour offrir des lieux de vie sains et agréables à des être humains.

Hors-sujet

L’accent exclusif mis sur l’effet de serre - et l’oubli consécutif de l’occupant, sauf à ce qu’il ne succombe à la canicule - n’est pas nouveau. L’expérimentation conduite en préparation de cette nouvelle réglementation s’appelle E+/C-, énergie positive et réduction carbone, n’évoque guère le futur usager. De nombreuses enquêtes sont réalisées pour connaître les préoccupations des Français concernant leur logement, leurs attentes, mais elles semblent curieusement hors-sujet. L’accent est mis sur des aspects techniques qui n’intéressent que les professionnels et pas du tout ceux auxquels ces bâtiments sont destinés.

Taux de CO2

Le peu d’appétence des Français pour les travaux de réhabilitation thermique, malgré des aides et autres incitations, montre que leur souci est ailleurs : plus de lumière, plus de calme, plus de mètres carrés, plus de confort, d’ouvertures sur l’extérieur, plus de volume de rangement, et bien d’autres choses encore, pour leur plaisir et leur position sociale car, ne l’oublions pas, «l’habitation ne répond pas seulement à fonction de se loger, c’est un marqueur social qui étaie les représentations que l’on a de sa position sociale» (étude 2015 «Consommation et mode de vie» du Credoc). On ne tombe pas amoureux d’un taux de CO2, pour paraphraser le mot célèbre de Jacques Delors. Le nécessaire effort pour l’amélioration du parc de logement et de bureaux, avec la qualité du neuf et la réhabilitation de l’existant, doit à l’évidence prendre en charge les enjeux climatiques, mais ce n’est pas son but premier.

Observateurs et payeurs

Négliger les souhaits des intéressés dans l’élaboration de la politique de construction, c’est abandonner a priori toute idée d’adhésion des intéressés à cette politique, à moins de considérer que seuls les professionnels soient concernés. C’est comme pour l’alimentation, qui ne concernerait que les agriculteurs, les industriels et les distributeurs, les consommateurs étant cantonnés dans un rôle d’observateur et de payeurs. Une politique active de logement et de construction en général ne trouvera pas d’écho ni de soutien dans la population s’il elle reste une affaire d’initiés. La puissance publique devra alors supporter tout le poids de l’effort, et ne progressera sur ses objectifs qu’à force de règlements et d’aides financières. Toujours plus d’Etat…

L’humain au cœur

L’urgence climatique ne trouvera pas de réponse satisfaisante sans une adhésion forte des citoyens, et les laisser de côté dans l’élaboration des politiques les concernant est une erreur manifeste, et ne peut être qualifiée de « durable » qu’au prix d’un abus de langage. Il ne s’agit aujourd’hui que d’un dossier de présentation, et non pas du détail de la réglementation, laquelle est sans nul doute plus riche et plus diversifiée. Mais le discours est là, il marque clairement la tendance. Mettons l’humain au cœur des politiques, et il sera alors possible de faire progresser la cause de la planète.

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