Outils industriels : les Français entrent enfin dans la course au CLT

La production française du prometteur lamellé-croisé reste minoritaire face à la concurrence étrangère, mais les capacités commencent à monter en puissance.

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D'une qualité mécanique suffisamment élevée pour devenir un concurrent crédible de la dalle béton, relativement facile à poser, le CLT (cross laminated timber) « a trouvé sa place sur le marché, comme une solution parmi d'autres. C'est particulièrement le cas pour les bureaux et l'habitat collectif à partir de R+ 4 et, avant tout, en application en planchers », selon l'un de ses principaux consommateurs, Frank Mathis, président du constructeur bois familial alsacien du même nom.

Avec des ventes en croissance de 75 % entre 2017 et 2022 (à 700 000 m2 , soit environ 120 000 m3 ), cet assemblage de planches lamellées, croisées et collées serait promis à franchir le cap symbolique du million de mètres carrés à l'horizon 2030, selon une étude du cabinet Mornas commandée par la filière. Ce travail de prospection se veut prudent, jugeant le marché insuffisamment lisible. Encore trop dépendant de gros projets, ce dernier manquerait pour l'heure de « récurrence » pour pouvoir postuler une progression linéaire.

Les feux virent toutefois globalement au vert, mais ils restent allumés par les fabricants étrangers, autrichiens et scandinaves notamment. « Des créations et des augmentations de capacité s'annoncent ou viennent de se mettre en place en France, mais les acteurs tricolores en gardent encore sous la pédale », observe Dominique Cottineau, secrétaire général de l'Union des industriels et constructeurs bois et biosourcé (UICB). Cette offre nationale se concentre pour l'essentiel sur un trio d'acteurs : Piveteaubois, le plus avancé avec son unité en place en Vendée depuis 2018 productrice de 35 000 m3 l'an dernier, pour 50 000 m3 de capacité annuelle ; Xlam Industrie, jeune filiale de la scierie Chauvin dans le Jura (20 000 m3 ) ; et Schilliger, acteur suisse qui a commencé à produire du CLT en ce début 2024 en aval de sa scierie de Volgelsheim (Haut-Rhin).

Le nombre de joueurs est donc restreint et ne devrait pas grimper en flèche, tant le CLT obéit à des considérations financières et techniques qui ne mettent pas sa confection à la portée du premier venu. D'une part, « le ticket d'entrée se situe autour de 40 M€ d'investissement pour acquérir une dimension industrielle minimale pertinente, c'est-à-dire entre 20 000 et 50 000 m3 », relève Guillaume Wermelinger, directeur général de Schilliger France. D'autre part, « il faut disposer de toute une chaîne en amont - sciage, installations de séchage du bois… - et de la ressource en bois à proximité, mais aussi maîtriser le process d'une certaine complexité du collage », ajoute Gwénolé Lees, directeur prescription chez Piveteaubois.

La montée en puissance qui s'amorce devrait s'accélérer dans les prochaines années, sous l'effet de la RE 2020 et de la décarbonation en général. « Nous visons 2027 pour amener la production de la ligne à sa pleine capacité de 50 000 m3 , pour la France et d'autres marchés européens », avance Guillaume Wermelinger. Chez Piveteaubois, on dit « réfléchir » à la création d'une seconde installation, sur le site de sa scierie des Farges en Corrèze. Selon le fabricant vendéen, c'est à l'échéance du seuil 2028 de la RE 2020 que le CLT pourrait s'imposer plus franchement.

Quant au « petit frère » du lamellé-croisé, le LVL ou « lamibois », il voit lui aussi émerger un acteur bleu-blanc-rouge au milieu de concurrents tous étrangers : le groupe de bois Thebault ouvrira à l'été 2025 la première ligne dédiée dans le pays, en Auvergne (100 M€ d'investissement) pour produire 70 000 m3 par an à l'horizon.

Le choix tricolore des majors

  • Bouygues Bâtiment France. En 2021, elle a signé avec Piveteaubois et Stora Enso deux contrats-cadres portant chacun sur la fourniture de 50 000 m2 de CLT sur deux ans, qu'elle a renouvelés en 2023. « Nous avons été des précurseurs. Les majors ont un rôle à jouer dans le développement de la filière française en donnant aux industriels de la visibilité sur les volumes pour qu'ils puissent investir », souligne Christophe Lemaitre, directeur du pôle construction bois.
  • Eiffage Construction. L'entreprise qui s'approvisionne à plus de 80 % auprès de Piveteaubois met en œuvre moins de CLT qu'avant. « Nous adaptons l'usage du bois en fonction du marché de destination et des impératifs réglementaires liés. Sur celui du logement, le CLT est propagateur de feu et il faut l'encapsuler, ce qui coûte plus cher. L'enjeu sur ce marché est de faire valider le sprinklage », indique Jacques Bouillot, directeur filière sèche & solutions bas carbone.
  • Vinci Construction. Sa filiale Arbonis met en place 15 000 m2 de CLT par an provenant à 40 % de Piveteaubois et de Xlam Industrie. « Les contraintes liées au CLT nous ont conduits à développer un plancher mixte bois-béton que nous posons de plus en plus. Ce type de dalle préfabriquée en usine fait travailler les deux matériaux de manière complémentaire et optimale : le bois en traction, le béton en compression », explique Arnaud Lefebvre, directeur régional.
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