Elaborés sous la conduite du conseil régional, les schémas d’aménagement des régions d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion), fixent des orientations fondamentales de développement, de mise en valeur et de protection de l’environnement. Ils déterminent la destination générale des sols, l’implantation des grands équipements d’infrastructures, la localisation des zones d’extension urbaine et des activités industrielles, portuaires, artisanales, agricoles, forestières et touristiques. Ces documents d’urbanisme valent prescription d’aménagement et d’urbanisme (article L. 111-1-1 du Code de l’urbanisme) ainsi que schémas de mise en valeur de la mer (article L. 4433-15 du CGCT).
En raison de leur nature et de leur valeur juridique, ils occupent une place particulière dans la hiérarchie des normes et sont soumis au principe de compatibilité prévu par l’article L. 111-1-1 du Code de l’urbanisme. Quant aux autorisations d’urbanisme et opérations d’aménagement, si elles ne sont pas soumises à un rapport de compatibilité avec le schéma d’aménagement régional (SAR), leurs relations avec ses orientations sont très strictes.
Une place à part dans la hiérarchie des normes. Selon la stricte hiérarchie établie par l’article L.111-1-1 du Code de l’urbanisme, la légalité d’un document d’urbanisme ne doit pas s’apprécier au regard de l’ensemble des normes qui lui sont superposées mais uniquement par rapport à la norme immédiatement supérieure. En revanche, en l’absence de norme immédiatement supérieure, il convient de se reporter à l’autre norme supérieure. Le SAR doit donc être compatible avec les lois « Montagne » et « Littoral », les servitudes d’utilité publique, les projets d’intérêt général (PIG) mais aussi les dispositions en matière de protection des sites et paysages et des monuments inscrits ou classés. En revanche, les schémas de cohérence territoriale (Scot) et, en leur absence, les plans locaux d’urbanisme (PLU) doivent être compatibles avec les orientations du SAR.
Pourtant, la compatibilité du PLU avec les orientations du SAR, en l’absence de Scot, n’est pas si évidente. L’avant-dernier alinéa de l’article L.111-1-1 du Code de l’urbanisme envisage, parmi les normes auxquelles s’applique la compatibilité limitée, uniquement les directives territoriales d’aménagement (DTA) et « les prescriptions particulières prévues par le titre III de l’article L.145-7 ». Il semble donc exclure l’application de ce principe à d’autres normes et notamment aux schémas d’aménagement, faute de les avoir expressément envisagées. Toutefois, dans la mesure où la compatibilité limitée est un élément attaché aux effets juridiques des DTA définis par l’article L.111-1-1, et que tous les documents ayant les mêmes effets juridiques que les DTA s’inscrivent dans ce système de compatibilité limitée, en l’absence de Scot, il existe une obligation de compatibilité entre le PLU et les orientations du SAR (TA 24 avril 2002, Banou, « Llurens c/commune de Saint-Paul de la Réunion » n° 0100515, 0100528, 0100532).
La plupart des régions et départements d’outre-mer (DOM) ne sont encore qu’au stade de l’élaboration de leur Scot. Il est donc fort probable, qu’à ce jour, certains POS/PLU soient illégaux comme non compatibles avec les orientations du SAR. Lorsque les Scot seront approuvés, la même question se posera également puisque les Scot devront être compatibles avec les SAR.
Le principe : inopposabilité aux autorisations d’urbanisme. La légalité des autorisations d’urbanisme s’apprécie au regard des documents d’urbanisme qui leur sont opposables.
Le principe est que le SAR, documentation d’orientation, n’est pas opposable aux autorisations d’occupation et d’utilisation des sols. Sa vocation est de « déterminer la destination générale des différentes parties du territoire de la région et l’implantation des grands équipements d’infrastructure » (article L.4433-7 du Code général des collectivités territoriales). Il doit donc être considéré comme un document d’orientation (CE, 25 juin 2003, « Usine du Marin », n° 245 518). Or, de tels documents ne sont pas directement opposables aux demandes d’autorisations d’occuper ou d’utiliser le sol (CE, 2 mars 1977, « Domat », Recueil T p. 1104). Le SAR n’étant donc pas, en principe, opposable aux autorisations d’occupation et d’utilisation des sols, un permis de construire ne devrait pas pouvoir être refusé au motif qu’il est incompatible avec le SAR.
Exception : application de la loi « Littoral ». Ce principe d’inopposabilité n’est pas absolu. Le Conseil d’Etat considère que les documents ayant valeur de schéma de mise en valeur de la mer sont opposables aux permis de construire, lorsqu’ils précisent les conditions d’application des articles L.146-1 et suivants du Code de l’urbanisme issus de la loi « Littoral » (CE, 29 juin 2001, « SCI Vetricella »).
Ainsi, il est permis d’envisager un refus de permis de construire sur le fondement d’une incompatibilité avec le SAR, lorsque celui-ci précise les conditions d’application des dispositions de la loi Littoral et que ce refus repose sur une de ces dispositions (1). S’agissant des espaces proches du rivage, le rapport du SAR de la Réunion se réfère à l’article L.146-6 du Code de l’urbanisme selon lequel : « Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l’occupation et à l’utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver […]. Toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu’ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. Un décret définit la nature et les modalités de réalisation de ces aménagements ».
Interprétations jurisprudentielles. Le permis de construire est-il une « décision relative à la vocation des zones ou à l’occupation et à l’utilisation des sols » au sens de l’article L.146-6 du Code de l’urbanisme ? Autrement dit, l’article précité est-il opposable au permis de construire ?
Les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel ont toujours considéré que cet article était opposable aux permis de construire (TA Rennes, 27 janvier 1994 « Préfet de la région Bretagne » ; CAA Nantes, 25 janvier 1996, « Commune de La Richardais » ; CAA Marseille, 20 janvier 2000 « Commune de Ramatuelle », n° 97MA01046). Tel n’est pas le cas du Conseil d’Etat. Dans un premier temps, celui-ci a considéré que le permis de construire n’était pas une des décisions visées par l’article L.146-6 du Code de l’urbanisme (CE 29 novembre 1996, « Mme Huas », n° 116282). Finalement, après quelques hésitations, la haute juridiction est revenue sur sa position. Aujourd’hui, toutes les juridictions s’accordent pour considérer que la légalité d’un permis de construire s’apprécie aussi au regard de ces dispositions (CE 29 juin 1998, « Chouzenoux », n°160256, BJDU 4/98, p. 303. ; BJDU 2/2000, p. 89).
En conséquence, le SAR qui précise dans ses orientations les conditions d’application de l’article L.146-6 du Code de l’urbanisme est directement opposable aux demandes de permis de construire. Seuls sont donc autorisés les aménagements légers limitativement énumérés à l’article R. 146-2 du Code de l’urbanisme.
Le cas des lotissements. Le SAR, en tant que document d’orientation, n’est donc pas, en principe, opposable aux autorisations d’occupation et d’utilisation des sols, sauf lorsqu’il précise les dispositions de la loi « Littoral ». Doit-on étendre ce principe aux lotissements ?
Deux articles du Code de l’urbanisme doivent être mis en parallèle. Aux termes du dernier alinéa de l’article L.111-1-1 du Code de l’urbanisme : « Les dispositions des directives territoriales d’aménagement, qui précisent les modalités d’application des articles L. 145-1 et suivants sur les zones de montagne et des articles L. 146-1 et suivants sur les zones littorales, s’appliquent aux personnes et opérations qui y sont mentionnées ». L’article L.146-1 du Code stipule, quant à lui : « Les directives territoriales d’aménagement précisant les modalités d’application du présent chapitre ou, en leur absence, les dites dispositions, sont applicables à toute personne publique ou privée pour l’exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, installations et travaux divers, la création de lotissements et l’ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l’établissement de clôtures, pour l’ouverture de carrières, la recherche et l’exploitation de minerais. Elles sont également applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement ».
En application de ces articles, le tribunal administratif de Nice a jugé (13 décembre 2001, « Indivision Collin-Lehembre-Levere c/commune de Grimaud », n° 975262) qu’il appartient à l’autorité compétente de refuser l’autorisation de lotir concernant un terrain inclus dans un espace caractéristique du patrimoine naturel du littoral. Cette décision s’inscrit parfaitement dans la lignée de la jurisprudence s’agissant des permis de construire.
Par conséquent, dès lors que les dispositions du schéma d’aménagement précisent les conditions d’application de la loi « Littoral », elles doivent être considérées comme directement opposables aux lotissements. Saisie d’une demande d’autorisation de lotir ou d’un permis de construire, la collectivité dont les dispositions du PLU ne sont pas compatibles avec le SAR, devra refuser de délivrer l’autorisation sollicitée. A défaut, en cas de recours, il pourrait être invoqué par la voie de l’exception d’illégalité, l’incompatibilité du PLU avec le SAR pour ainsi obtenir l’annulation de l’autorisation et l’illégalité partielle du PLU.