Durant l’année 2010, les responsables des Nations unies en Haïti avaient expliqué qu’il était important d’avoir un gouvernement légitimement élu avant d’entamer le processus de reconstruction.
En juin 2011, le président de la République légitimement élu, M. Martelly, s’était clairement opposé à cette stratégie de continuer la mise en place d’abris temporaires, en insistant sur la reconstruction pérenne comme une cause nationale Haïtienne. Depuis, les représentants des Nations unies en Haïti nous expliquent qu’il est impossible de construire pérenne. Seule UN-Habitat, l’agence des Nations unies ayant la compétence sur le logement, s’oppose à cette stratégie de l’abri.
En décembre dernier, l’autosatisfaction de bon nombre d’organisations qui œuvrent dans la production d’abris a volontairement occulté ce volet de reconstruction permanente. Pour vider les camps de ses près de 500 000 occupants, tous les moyens sont bons. Je m’oppose fortement aux abris plus de deux ans après le séisme, c’est une erreur magistrale qui va générer du bidonville au lieu de favoriser la reconstruction de la ville.
Les stratégies d’abris de type cabanes améliorées sont proprement et scandaleusement inadaptées au contexte. On peut tout à fait construire des maisons permanentes dans les mois qui suivent une catastrophe. Du reste, depuis le séisme, on estime que les Haïtiens ont reconstruit près de 50 000 logements sans l’aide de personne (soit dix fois plus que les maisons construites par la communauté internationale). Il reste des dizaines de milliers de maisons à réparer et à renforcer, ce qui coûte moins cher que les abris, afin de permettre leur réintégration rapide et contribuer au désengorgement des camps. En cas de cyclone, les conséquences seront identiques à celles des dernières tornades de mars aux États-Unis.
Les abris sont des constructions préfabriquées à l’extérieur d’Haïti, ce qui ne génère pas d’économie locale puisque la main-d’œuvre se trouve dans les pays de production. C’est clairement de l’autofinancement d’entreprises via des fonds blanchis sur le dos des Haïtiens. 80 % des fonds pour des abris sont dépensés dans des pays autres qu’Haïti. Les abris posés ne sont pas transportables, il faudra les démolir lors d’une hypothétique phase de reconstruction. à ce titre, l’urbanisation du camp Corail est l’exemple d’une urbanisation non maîtrisée loin des infrastructures économiques et de transports. C’est une urbanisation du type camp de réfugiés traité comme un camp militaire, alors que c’est la ville que l’on doit construire.
L’incompétence technique n’est pas une bonne raison pour rater la reconstruction et les fonds dépensés en abris ne seront plus disponibles pour la reconstruction permanente.
En mars 2012, soit plus de deux ans après le tremblement de terre, les Haïtiens n’ont toujours pas la main sur la reconstruction de leur propre pays.

