Saint-Etienne est en chantier, pas seulement en surface, mais aussi sur les façades des immeubles du centre-ville. Celles-ci se colorent en jaune, au fil des travaux de ravalement, à partir d’un plan couleurs pensé par Bernard Martelet, qui conçoit son intervention comme celle d’un plasticien sur une « grande fresque urbaine ». Il s’agit, pour le coloriste parisien, d’« affirmer l’identité d’une ville moderne », de dépoussiérer l’image de la cité assombrie par un enchevêtrement de rues étroites. A cette perception, il en préfère celle, plus poétique, d’une « ville qui circule tel un fleuve entre des collines ».
Patchwork architectural.Son parti a consisté à travailler sur une seule couleur, le jaune, exploité dans toutes ses nuances. « J’ai voulu éviter l’effet coloriage en valorisant la richesse et la diversité architecturale, pour faire dialoguer des bâtiments de style différent. »
L’ambition de Bernard Martelet est d’ébaucher une « vision contemporaine de Saint-Etienne », de compléter à l’échelle verticale le travail réalisé à l’horizontal sur les espaces publics. Dans cet esprit, et dans un contexte de patchwork architectural, « le jaune était la seule teinte qui pouvait fonctionner », énonce le coloriste, soucieux de « donner du caractère à la ville ». Aucune palette n’a été définie a priori. Bernard Martelet préfère parler d’« ambiance colorée » qui tient compte des ombres et des lumières, des teintes et des pigments, des pierres et des matériaux.
Couleurs de terre. A la demande des élus, ce plan se déploie à partir du centre – rehaussé de couleurs chaudes, lumineuses – et de l’axe central de la Grand’Rue. Il s’étendra progressivement à tous les quartiers, puis sur les collines qui seront traitées avec des couleurs de terre : terre d’ombre naturelle, terre de sienne, gamme infinie de gris…
Reprenant l’expérience de « l’Atelier espaces publics » ouvert à de jeunes architectes et paysagistes, la ville a souhaité initier un « atelier Couleurs », animé par Bernard Martelet, pour mettre en œuvre ce plan. Pour la première tranche de ravalement, il regroupe quatre jeunes coloristes – architectes et plasticiens de formation – qui réfléchissent à la cohérence d’ensemble, imaginent la mise en couleur de chaque immeuble en fonction de son architecture, de l’ensoleillement, de détails ornementaux et des matériaux.
Ces propositions ne sont pas imposées, mais discutées avec les propriétaires des bâtiments. « Des essais in situ sont réalisés sur un bout de façade pour se rendre compte comment la ou les couleurs choisies s’accommodent en fonction du temps, de l’ensoleillement, de l’heure », souligne Bernard Martelet, très sensible à cette concertation.
La ville a aussi lancé un appel d’offres auprès de jeunes créateurs, pour concevoir des modèles de lambrequins destinés à masquer les coffres de volets roulants.
Le coloriste attache aussi beaucoup d’importance aux matériaux utilisés. Ces travaux ne sont pas envisagés comme une simple opération de ravalement, mais comme de « véritables soins de façades ». Certaines ont besoin d’être protégées, nettoyées ou restaurées. Selon les appareillages de pierres, sont utilisés des laits de chaux, des peintures murales moins électrostatiques, moins sujettes à l’encrassement. « La façade doit respirer », insiste Bernard Martelet qui a établi un cahier des charges technique sur les joints en creux, la suppression des parties en saillie ou l’emploi de matériaux de synthèse et d’enduits plastiques.
Des recommandations sont également édictées sur les cheminées, les descentes d’eaux pluviales, les modénatures… « pour faire redécouvrir l’élégance de la ville ».