Interview

Pierre Fleck : « Frans Bonhomme mise sur la proximité et sur les hommes »

« Mettre le client au centre ». Tel est l’objectif  du plan stratégique à 5 ans (2018-2023) actuellement mis en œuvre par Frans Bonhomme. Un plan qui accorde beaucoup d’importance à la proximité et à la compétence, donc au réseau et aux hommes. Quelques semaines après l’annonce du projet d’acquisition de DMTP, Pierre Fleck, Président du Groupe Frans Bonhomme, répond aux questions de Négoce.

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Pierre Fleck
Pierre Fleck

Pourquoi un plan stratégique à 5 ans pour Frans Bonhomme ?

P.F. : Parce que l’entreprise en avait besoin. Nous avons l’an dernier initié une réflexion très ouverte sur l’entreprise et ses racines ainsi que sur son environnement et ses attentes. Plusieurs centaines de salariés, de clients et de fournisseurs ont été interrogés et nous ont aidés dans cette démarche. Il en est ressorti clairement d’une part que le positionnement et le projet de Frans Bonhomme devaient être clarifiés et précisés y compris en interne, et d’autre part que les attentes respectives de nos clients et de nos fournisseurs étaient certes globalement satisfaites, mais que la marge de progression était importante. D’où ce plan de transformation en 5 ans qui va nous permettre d’accélérer la croissance de notre groupe et de nous inscrire dans la mutation profonde que connaît le marché de la distribution spécialisée BtoB.

Quelles sont ces « attentes » que vous voulez mieux prendre en compte ?

P.F. : Celles de tout client et fournisseur vis-à-vis de son négoce. Pour l’essentiel, du côté des clients : une offre complète et une logistique puissante ; et du côté des fournisseurs : une capacité à pousser les innovations et à mieux accompagner les plans de vente. Toutes ces attentes, Frans Bonhomme les ressent aujourd’hui, comme sans doute tous nos confrères à des degrés divers. Comment ce secteur de la distribution professionnelle en est-il arrivé là ? Tout simplement par manque d’investissements. Une entreprise et un secteur qui n’investissent pas ne créent pas de valeur. Et cela finit par se voir ! Notre plan stratégique se fonde sur des investissements importants dès aujourd’hui et pour les prochaines années.

Quels sont les principaux axes de ce plan ?

P.F. : Nous voulons miser sur nos forces et les valoriser. Nous disposons de deux atouts essentiels : notre réseau d’abord, qui comprend 358 points de vente. Dans la plupart des cas, nos clients ne sont jamais à plus de 30 minutes de nous. C’est une grande force que nous allons encore parfaire en comblant peu à peu les quelques rares zones blanches qui subsistent dans l’Hexagone. Les hommes et les femmes de l’entreprise ensuite : 2300 collaborateurs dont l’expertise est réelle, mais pas suffisamment mise en valeur par notre modèle actuel.

Qu’est-ce qui va changer concrètement ?

P.F. : La proximité, c’est de la géographie, c’est aussi une offre qui doit arriver là où on a besoin d’elle. Notre réseau est d’ores et déjà en train d’évoluer vers la spécialisation. Exemple avec l’AEP (adduction d’eau potable), un marché en croissance sur lequel Frans Bonhomme a une présence forte. Nous avons sélectionné 188 points de vente qui proposent d’ores et déjà une offre enrichie en AEP. 188 sites notamment sélectionnés en fonction de leur marché local, et bien sûr du potentiel de ce segment. Cela ne veut évidemment pas dire que ces sites ne proposeront plus que de l’AEP. Ils proposeront et disposeront en stock des références qui correspondent au 20/80 de nos métiers. Mais cette offre enrichie en AEP leur permet de développer un positionnement de spécialistes. Le vrai effort qui permet cette évolution relève de la logistique. Cinq plateformes régionales -dont la première est déjà en service à Lyon- vont naître dans les mois qui viennent. Cinq plateformes qui permettront à tout notre réseau de disposer d’une offre considérablement plus importante, quelle que soit leur taille et leur capacité de stockage. Pour améliorer la performance logistique, les fournisseurs ne livreront plus que les plateformes, lesquelles procéderont à la répartition vers les agences ou directement vers les chantiers. Ce nouveau dispositif va donc être à la fois plus efficace pour nos clients, et beaucoup plus simple à gérer pour les fournisseurs.   

Une nouvelle organisation qui repose largement sur les besoins locaux…

P.F. : Oui, effectivement. Parmi nos clients figurent bien sûr tous les grands donneurs d’ordre nationaux qui s’appuient d’ailleurs beaucoup sur notre maillage du territoire. Mais, pour l’essentiel, des artisans aux entreprises de TP, l’offre proposée doit relever d’une analyse locale. Nous avons d’ailleurs mis en place une organisation qui duplique au niveau de chaque région le centre de décision national. Chaque région dispose aujourd’hui de son Comité de direction qui nous permet d’ailleurs de renouer avec notre ADN « entrepreneurial » beaucoup mieux diffusé dans l’ensemble de l’entreprise. 

Concevez-vous la digitalisation de l’entreprise comme l’une des façons de bien prendre en compte cette diversité de clientèle ?

P.F. : Oui, évidemment. On ne parle pas de la même façon à une multinationale des TP et à un artisan. Nous devons faire en sorte de respecter les habitudes et les souhaits de chacun de nos clients. Les uns préfèreront toujours l’agence, les autres ne passent déjà plus que par le on line, avec une conversation téléphonique ou une rencontre quand il le faut avec un commercial. C’est ce qu’on appelle le multicanal et le respect des parcours client. Aujourd’hui, le digital génère environ 5% de notre chiffre d’affaires pour le bâtiment. Il y a fort à parier que ce pourcentage va augmenter.

Les relations avec les fournisseurs vont-elles être impactées ?

P.F. : J’aimerais qu’elles le soient. Je considère qu’industriels et distributeurs peuvent et doivent aller beaucoup plus loin dans leur collaboration pour une commercialisation efficace. Quelles sont l’innovation et la valeur ajoutée, quelle est la cible et le positionnement… Toutes ces questions et d’autres encore comme celle des plans de vente doivent être beaucoup mieux explorées qu’elles ne le sont aujourd’hui.   

Le projet de promouvoir la marque Frans Bonhomme fait-il partie des enjeux ?

P.F. : Evidemment. C’est l’un des aspects de la digitalisation de notre secteur. Frans Bonhomme à la taille, l’histoire, l’offre, les compétences et les clients  pour se présenter en tant que marque. L’évolution est engagée. Elle sera longue mais pourrait par exemple permettre d’enrichir notre offre par l’intermédiaire de MDD.

Frans Bonhomme a annoncé en juillet être entré en négociations exclusives avec Saint-Gobain Distribution Bâtiment France pour l’acquisition de la société de Distribution de Matériaux pour les Travaux Publics (DMTP), plus connue sous le nom de Point.P TP. Pourquoi ce projet d’acquisition et où en est-il ?

P.F. : Nous avons été mis en possession du dossier à Noël 2018. Au premier examen du dossier, c’est d’abord la très grande complémentarité de nos métiers et de nos réseaux qui a suscité notre intérêt. Autant Frans Bonhomme s’enracine dans les zones rurales et les villes moyennes, autant DMTP est très présent dans les zones urbaines et notamment en Ile-de-France. Autant DMTP est fort sur le gros œuvre, le terrassement, la voierie… autant nous sommes forts dans l’AEP, les réseaux secs et les ateliers de produits sur-mesure. Nous nous sommes donc positionnés avec un vrai projet de croissance industrielle, porteur de développement pour les deux parties.

Cette opération nous permettra de proposer à nos clients une offre considérablement élargie et d’améliorer sensiblement notre performance logistique, notamment en Ile-de-France. Elle correspond à la création d’un numéro 1 puissant sur nos métiers et notamment pour les TP. Ensemble, les deux entreprises représentent un réseau de 438 points de vente (en France et en Espagne), un effectif de 2850 collaborateurs et un chiffre d’affaires cumulé d’environ 850 M€… Les deux réseaux ont vocation à se compléter, pas à fusionner.

Le projet est bien avancé. Comme il se doit, la consultation des IRP (instances représentatives du personnel) a été réalisée et nous attendons l’avis des autorités de la concurrence. Une fois la signature officielle intervenue, le projet pourrait être finalisé dès la fin de l’année 2019.

Propos recueillis par Yannick Le Goff et Pierre Pichère

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