Si l’Europe et l’Asie représentent aujourd’hui les principales implantations à l’étranger des entreprises de taille intermédiaire (ETI) hexagonales, l’Afrique attire désormais un nombre important d’entre elles, dont des constructeurs. Or, de nombreuses opérations d'infrastructures en Afrique, parce qu'elles englobent des missions plurielles, se présentent sous forme de partenariat public-privé (PPP).
Rappelons qu'au sens large, les PPP sont des contrats globaux de longue durée associant les secteurs public et privé pour des opérations de conception, construction, financement, exploitation et maintenance relatives à un projet donné. À l'heure actuelle, de nombreuses initiatives gouvernementales existent pour encourager le recours à ce modèle dans quasiment tous les domaines : énergie, agriculture, transports, santé, développement urbain, infrastructures routières, portuaires ou aéroportuaires, ainsi qu’édifices publics de grande taille. Et conformément aux recommandations des bailleurs de fonds internationaux et régionaux, les États africains tentent d’améliorer le climat des affaires en établissant un cadre légal et réglementaire adéquat visant à encadrer les PPP.
Mais à qui s’adressent ces projets de partenariat ? Ils riment aujourd'hui encore avec grands projets, taillés exclusivement pour les majors du BTP. Si les géants français du secteur, qui sont de dimension internationale, s'intègrent parfaitement dans ce type de structure contractuelle, les ETI françaises et, à un moindre degré européennes, demeurent réticentes.
Les causes en sont multiples :
• la complexité et les coûts de tels projets ;
• la difficulté d'obtenir les financements nécessaires ;
• la difficulté à trouver une place entre les PME et les majors.
Aujourd'hui, plusieurs outils permettent aux ETI de surmonter ces difficultés.
Des outils financiers
De nombreux fonds d'investissement ciblent plus particulièrement les PME et ETI à fort potentiel de croissance à l'instar du West Africa Emerging Market Growth Fund (WAEMGF), d'Investisseurs & Partenaires ou encore du Fonds d’Investissement et de Soutien aux Entreprises en Afrique (FISA). Plus récemment vingt pays africains ont lancé un fonds – Africa 50 – dédié aux projets d'infrastructures sur le continent. Plus généralement, les "Development Finance Institutions" soutiennent le développement des projets en octroyant aux ETI des garanties nécessaires pour se prémunir contre les risques liés au projet et notamment celui du défaut de paiement.
Des outils juridiques
• La création de sociétés locales ou de partenariats inclusifs
Nombre de pays africains élaborent des stratégies de valorisation des entreprises locales de taille moyenne. Celles-ci consistent en la mise en place d'un cadre incitatif favorisant la participation des entreprises locales dans les grands projets. Pour ne citer que quelques exemples, en Tunisie, la Loi n° 2007-69 du 27 décembre 2007 relative à l’initiative économique facilite l'accès aux crédits bancaires pour la création des PME. Au Cameroun, la Loi n° 2010-001 du 13 avril 2010 portant promotion des PME au Cameroun, modifiée en juillet 2015, simplifie les procédures de création des PME.
Au Gabon, enfin, la Loi n°016/2005 portant promotion des petites et moyennes entreprises et des petites et moyennes industries prévoit, en faveur de ce type d’entreprise, la priorité d’accès aux marchés publics, des avantages fiscaux ou encore la bonification des taux d’intérêt par l’État. Les ETI étrangères pourraient donc délocaliser leur actionnariat en créant des structures juridiques locales pour bénéficier de ces mesures incitatives. Ces structures devraient également s'associer aux entreprises indigènes pour augmenter leur attrait. C'est d'ailleurs ce que préconise le rapport "Un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France" qui a été remis au ministre de l’Économie et des Finances en décembre 2013 .
Ce document identifie des secteurs clés pour la mise en place de partenariats industriels : agriculture, énergie, transport, développement urbain, biens de grande consommation, numérique, industries culturelles, santé, tourisme et sécurité. Ces partenariats intégreraient de la sorte la notion de croissance inclusive qui implique la participation accrue des opérateurs économiques locaux.
• La structuration contractuelle du PPP
Si l'intérêt du contrat de PPP est de prémunir l'investisseur privé de tout risque financier en cas d'échec ou d'absence de rentabilité du projet – en tant que financement sans recours – la structuration souvent complexe que sous-tend le contrat de PPP devra être âprement négociée. Modalités de rémunération, d'indemnisation et de résiliation, pénalités et garanties devront être adaptées aux exigences du "security package" des prêteurs. Enfin, et au sein de la société de projet, le "sponsor" de taille intermédiaire peinera à faire entendre sa voix. Le pacte d'actionnaire devra, autant que possible, contenir des clauses permettant de le prémunir contre toute dilution dans le capital de la société de projet, voire des éventuels droits de blocage sur des sujets clés pour l'ETI. De longues séances de négociation attendent donc le "sponsor-ETI" !
• Des "PPP de taille intermédiaire"
Une part importante des projets de PPP en Afrique portent sur des investissements d'environ 50 millions d’euros, tels que par exemple, les projets d'énergie renouvelable solaires. D'une part, la difficulté liée au financement de ces projets PPP est bien moins importante que dans les "grands projets". D'autre part, les ETI – seules ou en consortium – sont mieux positionnées que les majors surdimensionnées pour ce type de projets. Ce type de "PPP de taille intermédiaire" donne ainsi une place nouvelle aux ETI.
Ainsi, contrairement aux idées reçues, la structure du PPP est ouverte aux ETI et peut leur permettre d’accroître leur part de marché sur le continent africain, en tant qu'alternative aux modes de financement classiques. Ainsi, les ETI pourraient bénéficier des avantages qu'offre le contrat de PPP sans avoir nécessairement à devenir locales, à condition de s'entourer de spécialistes en la matière, pour les accompagner dans la structuration de leur projet.