Fin 1995, les résidants de l'immeuble « Champagne », à Sotteville-lès-Rouen (76), signalent la chute de nombreux cailloux qui ont pour origine les panneaux préfabriqués habillant cet ouvrage de type R + 10. Après mise en place d'une structure de protection provisoire l'Opac, qui gère les deux tiers des 210 logements du bâtiment, commande une mission de diagnostic auprès du Centre expérimental de recherches et d'études du bâtiment et des travaux publics (CEBTP).
Le problème rencontré, sur les 6 000 m2 de façade, porte sur la carbonatation à coeur entraînant la corrosion des armatures, et donc une friabilité de surface provoquant le déchaussement des silex. Pour Jean-Luc Arquin, du cabinet Ataub, « le faible enrobage des granulats et le vide de 4 cm non ventilé séparant la façade porteuse des panneaux de 7 cm d'épaisseur ont favorisé le phénomène ». La situation est assez catastrophique, la corrosion active des fers de fixation risquant d'entraîner la chute de panneaux entiers.
Respecter l'architecture existante
Les solutions potentielles se heurtent à une exigence de la ville qui est l'obligation de conserver l'esthétique du bâtiment. L'immeuble, réalisé après guerre par l'architecte Marcel Lods, témoigne des méthodes de l'époque, tant au niveau technique de préfabrication qu'au plan conceptuel. « Il s'agit d'un des derniers exemples illustrant les idées de la charte d'Athènes », précise Jean-Luc Arquin. D'où l'idée de lancer un appel d'offres sur performances, « afin de capter un maximum d'ingénierie » et d'explorer tout ce qui est possible, du moins cher au plus sophistiqué.
Résultat : toutes les entreprises naviguaient, grosso modo, dans la même fourchette de prix, de 3 à 18 millions ! Les solutions minimales, qui consistaient simplement à stopper le phénomène et à recouvrir les panneaux d'un bardage, étaient incompatibles avec les desiderata esthétiques, tandis que les options techniques visant à une réfection à l'identique se révélaient évidemment trop lourdes au plan économique.
Un inhibiteur de corrosion
Après un délai de réflexion supplémentaire de deux mois, accordé par l'Opac à l'ensemble des entreprises, la difficile équation économico-esthétique est résolue. Rufa propose une technique réalisant la synthèse parfaite entre les différents critères, moyennant un montant global de 5 millions TTC, soit moins de 25 000 francs par appartement. La solution passe par l'emploi de Ferrogard 903, l'inhibiteur de corrosion lancé par Sika en début d'année. Manuel Corralo, ingénieur d'affaires chez Rufa, explique sa démarche : « Forts de notre culture de préfabrication, nous nous sommes d'emblée orientés vers une solution de rénovation, en contactant la plupart des laboratoires hexagonaux et internationaux. »
La réponse la plus prometteuse semble provenir de Sika, via le Ferrogard 903. La difficulté consiste à trouver le dosage optimal en produit afin d'assurer une bonne imprégnation des armatures. Il faut en effet garantir une charge minimale d'au moins 400 g/m2, alors que la grosseur des agrégats réduit la surface d'absorption. A la suite d'une nouvelle intervention du CEBTP, la méthodologie est affinée. Il est nécessaire de pulvériser en deux étapes, à raison de 400 g/m2 à chaque opération. Pour ce faire, le laboratoire a mis au point une méthode d'analyse spécifique, par chromatographie ionique, permettant de caractériser la présence de l'inhibiteur par essence invisible.
La dernière étape porte sur un traitement classique par passivation et reconstitution du parement pour les aciers apparents grâce à l'application du Sikagard 680 S sur l'ensemble de la façade. Thierry Guet, responsable technique chez Sika, précise que « ce revêtement monocomposant, à base de méthacrylate, agit comme une peau protectrice mille fois moins perméable au CO2 qu'un béton nu, et diminue les risques de délavement de l'inhibiteur ».
FICHE TECHNIQUE
Maître d'ouvrage : Opac de Seine-Maritime (représentant du syndic).
Maître d'oeuvre : Ataub Architectes :
Entreprise : Rufa.
PHOTO :
1. Le parement de façade est constitué de panneaux préfabriqués à base de silex concassés 30/60 mm.
2 et 3. Les aciers apparents sont traités classiquement : mise à nu, brossage, passivation, reconstitution du parement et scellement des cailloux.