Prévention (1/2) Associer au plus tôt le coordonnateur SPS

En phase conception, le coordonnateur « sécurité et protection de la santé » (SPS) s’assure que l’ouvrage pourra être entretenu en toute sécurité. Il prévoit la coordination des entreprises exécutant les travaux.

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«Nous prenons souvent le train en marche », déplorent bon nombre de co­ordonnateurs SPS (sécurité et protection de la santé). Leur mission : assurer la coordination d’une opération (construction de bâtiments ou réalisation d’infrastructures) sous l’angle du suivi du chantier (sécurité des ouvriers), mais également de l’entretien de l’ouvrage une fois celui-ci en exploitation. Et ce, dès la phase conception ! Il faut en effet prévoir la coordination des entreprises en amont du chantier et programmer les installations permettant d’entretenir l’ouvrage en toute sécurité, quitte à faire retoucher le projet si nécessaire. Une étape cruciale.

Aussi le Code du travail impose-t-il, depuis 2003, la désignation du coordonnateur par le maître d’ouvrage dès le début de la phase d’élaboration de l’avant-projet sommaire. Rien de tel, cinq ans plus tard, dans de nombreux cas. Le coordonnateur, c’est avant tout l’interlocuteur obligatoire. Un contexte des moins favorisants ! Son intervention est ainsi vécue comme une contrainte réglementaire par le maître d’ouvrage. A tort. « La vision proposée par les textes est vraiment bonne. Elle a placé la barre haut en matière de sécurité », appuie Luc Verny, spécialiste santé et sécurité au travail à la direction techniques, méthodes de Socotec (Saint-Quentin-en-Yvelines, 78).

Diagnostic avant travaux

« En cas de désignation tardive, notre mission est assez tronquée », soupire Patrick François, économiste et coordonnateur SPS, Bureau Site (Meaux, 77).

La marge de manœuvre du coordonnateur, mis devant le fait accompli, se trouve en effet contenue dans de cruelles limites. De quoi dévitaliser le dispositif : depuis les pièces d’architectures déjà ficelées, jusqu’au dossier d’intervention ultérieure sur ouvrage (DIUO) griffonné à la hâte à partir d’un projet déjà bouclé… Une situation inextricable, voire dangereuse, aux dires de Taoufik Maiz, coordonnateur SPS chez Norisko (Paris). Le DIUO, mode d’emploi essentiel pour l’entretien de l’ouvrage en toute sécurité, se nourrit quasi exclusivement de la phase conception… Réalisé trop tardivement il sera incomplet et bien en deçà de la réalité juridique de l’opération.

Autre conséquence d’une association tardive du coordonnateur. Ce dernier n’est pas en mesure, le cas échéant, de suggérer à temps au maître d’ouvrage le lancement du « diagnostic avant travaux ». Une procédure destinée à déceler la présence d’amiante ou de plomb sur les immeubles existants. Un désamiantage rallongera les délais de deux à trois mois.

Un véritable partenariat

Tarder à désigner le coordonnateur SPS, c’est souvent pour le maître d’ouvrage faire l’économie de quelques notes d’honoraires… Un calcul pas toujours très payant. « Intégrer la sécurité en conception représente certes un coût en amont, mais un coût de fonctionnement moindre en aval. Si une terrasse n’est pas prévue avec un garde-corps à l’origine, il faudra bien, pour son entretien, apposer un échafaudage de façade », fait valoir Daniel Palfumier, coordonnateur SPS en libéral à Choisy-en-Brie (77). « Et certains acquéreurs, soucieux de pouvoir entretenir l’ouvrage en toute sécurité, pourraient requérir une baisse du prix si cet élément fait défaut. Il faut trouver des ressorts pour valoriser la coordination SPS. Prendre en compte ce type de valeur devrait y contribuer », envisage de son côté Luc Verny.

Alors ne vaudrait-il pas mieux, en cas d’association tardive au projet, refuser une mission ? « On a des coordonnateurs qui ne savent pas dire non », entend-on souvent. Mais certains s’enhardissent. D’autres sont assez vite parvenus à exercer leur métier dans les règles de l’art, et à travailler en véritable partenariat avec leurs clients maître d’ouvrage. C’est le cas de Jacques Llorca. « Au début, ça n’a pas été facile, reconnaît-il. Il a fallu faire accepter ce nouvel acteur dans l’opération de construction. Au fil du temps, j’ai pu fidéliser mes relations avec plusieurs maîtres d’ouvrage, soucieux de toujours optimiser la sécurité, et très bien m’intégrer aux équipes. »

Gérer les impératifs de chacun

Convié en prescription, cas de figure plus optimiste, le coordonnateur va alors devoir composer avec les différents intervenants… et leurs impératifs respectifs : contraintes architecturales, délais de livraison du maître d’ouvrage, contraintes techniques des entreprises, etc. Le maître d’œuvre et le coordonnateur analysent les risques générés par les interventions ultérieures sur l’ouvrage et réfléchissent aux ajustements nécessaires. Difficile parfois pour le coordonnateur de se mettre au diapason des vues esthétiques de l’architecte. « Certains nous reprochent de dénaturer le bâtiment. Des garde-corps sur une terrasse, ça n’est pas très esthétique en effet, souligne Daniel Palfumier. Mais tout un éventail de possibilités se présente pour intégrer la sécurité dans le respect des contraintes architecturales. » De l’avis unanime des coordonnateurs, un seul mot d’ordre : le dialogue avec, si besoin, le secours des textes réglementaires.

Mais gare à la tentation de s’immiscer dans la conception… Selon maître Patrice Cossalter, avocat au cabinet Legitima (Lyon), plus de la moitié des coordonnateurs ont auparavant travaillé dans la maîtrise d’œuvre. « Ils ne peuvent souvent s’empêcher de faire de la conception et, ainsi, de sortir de leur rôle. Si au cours de ses remarques sur l’avant-projet sommaire par exemple, le coordonnateur va jusqu’à proposer une solution, il franchit la ligne rouge. Il ne faut pas s’écarter de sa mission. »

Conseil, pas prescripteur

Concrètement, un coordonnateur ne saurait être prescripteur. Il peut certes inviter le maître d’œuvre à revoir sa copie, mais sans lui indiquer comment procéder. Reste que la coordination SPS est encore une profession très jeune, toujours en phase de maturation. La route est encore longue pour voir ce métier vraiment valorisé. « En tout cas, les coordonnateurs ne doivent pas relâcher leurs efforts. Car le secteur du bâtiment et des travaux publics accueille assez facilement des travailleurs peu qualifiés d’Europe centrale et orientale. Cela ne facilite pas l’élévation des niveaux de sécurité », alerte Luc Verny. La mission de coordination SPS apparaît ainsi d’autant plus justifiée aujourd’hui.

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