Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, les associés de la célèbre agence japonaise Sanaa, ont bien compris l’humilité des mineurs de fond. Le bassin minier a servi la France en charbon. Le Louvre-Lens, inauguré le 4 décembre 2012, a été construit dans ce même esprit, tant il joue la carte de la retenue et de la discrétion dans ce paysage de terrils et de corons. A l’emplacement de l’ancienne fosse n° 9 des mines de Lens , sur une parcelle de 20 ha recolonisée par la nature, les architectes ont posé cinq bâtiments (28 000 m2 au total) articulés par les angles. Par un jeu subtil de transparence et de réflexion, leur enveloppe se confond avec le ciel laiteux du Nord. « Nous voulions dresser une scène où s’organise la rencontre entre les visiteurs et les œuvres, le bâtiment seul n’est rien », justifient les architectes. Un exercice de modestie pour le plus grand musée du monde qui a séduit son directeur, Henri Loyrette, en 2005 lors du concours : « J’ai vu dans la proposition de Sanaa une idée de variation du palais parisien avec ce pavillon central qui se déploie. » Au cœur de la composition, le hall d’accueil, un carré de verre de 3 600 m² accessible par ses trois côtés. Il distribue de part et d’autre les deux galeries d’exposition, l’une semi-permanente de 3 000 m², la Galerie du temps, l’autre temporaire de 1 800 m². Ces boîtes de béton s’étirent sur le terrain, en suivant la topographie du site. Revêtues d’aluminium anodisé, elles semblent évanescentes. Effet renforcé par la légère courbure des façades. A l’extrémité est, un pavillon de verre (1 000 m²) accueille les œuvres contemporaines et offre un point de vue sur le parc et les terrils jumeaux de Loos-en-Gohelle. A l’extrémité ouest, un théâtre de 300 places (la Scène) complète le dispositif. La rencontre est au cœur du musée. Entre une architecture et un paysage, entre de nouveaux publics et des collections prestigieuses. Et aussi, de manière inédite, dans les coulisses, réserves et ateliers de restauration étant rendus visibles. Une rencontre qui reste à construire sur le territoire pour que le Louvre-Lens apporte au bassin minier l’élan économique et le dynamisme qui lui font encore défaut.
Article paru dans « Le Moniteur » n° 5702 du 08/03/2013, pp. 21-25.