Jurisprudence

Quand le droit à l’information environnementale percute le secret des affaires

Dans le cadre d’un contentieux portant sur une centrale nucléaire, le Conseil d’Etat estime que les informations relatives aux émissions de substances dans l’environnement ne sont pas protégées par le secret des affaires… sauf s’il s’agit d’émissions hypothétiques.

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Le Conseil d'Etat estime que les informations relatives aux émissions "effectives et prévisibles" de substances dans l’environnement sont protégées par le secret des affaires.
Environnement
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2023/03/15N°456871

Alors que l’effectivité du droit à l’information environnementale suscite depuis plusieurs années nombre de réserves dans toutes les strates de la société, la décision du Conseil d’Etat du 15 mars 2023 ne pouvait qu’être la bienvenue. Les juges de la Haute juridiction donnent le LA en matière de conciliation de deux principes tout aussi fondamentaux : le secret des affaires et le droit d’information en matière environnementale.

Spécificité des rejets de substances dans l’environnement

L’association « Sortir du nucléaire » avait exigé d’EDF la communication d’un dossier d’option de sûreté concernant un projet de piscine centralisée d’entreposage de combustibles nucléaires usés. La firme française avait alors transmis des documents tronqués, invoquant que les parties manquantes (teneur des outils de surveillance utilisés, température de l'eau et implantation du système de refroidissement et d'apport d'eau) relevaient du secret des affaires.

Dans le cadre d’un pourvoi en cassation à la suite du rejet de la requête formée par l’association devant le tribunal administratif, le Conseil d’Etat rappelle d’abord les dispositions des articles L. 124-4 du Code de l'environnement et L. 311-6 du Code des relations entre le public et l'administration, en vertu desquelles l’autorité publique peut rejeter la demande d'une information relative à l'environnement dont la consultation ou la communication porte atteinte, notamment, à la sécurité publique ou au secret des affaires.

En revanche, poursuit-il, s’appuyant sur le II de l'article L. 124-5 du Code de l'environnement, « lorsque la demande porte sur une information relative à des émissions de substances dans l'environnement, celle-ci peut être rejetée si sa consultation ou sa communication porterait atteinte à l'un des intérêts énumérés par ces dispositions, au nombre desquels figure la sécurité publique, mais non le secret des affaires ».

Ainsi, la première partie du raisonnement des juges exclut la possibilité d’un refus d’accès à une demande d’information concernant le rejet de substances dans l’environnement sous couvert du secret des affaires. Mais les résidents du Palais-Royal ne s’arrêtent pas là.

Emissions effectives et prévisibles

Au terme d’une analyse de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne s’agissant notamment des notions centrales d'« émissions dans l’environnement » et d’ « informations relatives à des émissions dans l’environnement » (Arrêt C-442/14 ; 23 novembre 2016), le Conseil d’Etat en déduit que si le secret des affaires est au nombre des motifs pour lesquels l’exploitant peut refuser, après une appréciation au cas par cas de son intérêt, la communication d’informations, il n’est pour autant « pas opposable lorsque les informations demandées se rapportent à des émissions dans l’environnement effectives ou prévisibles dans des conditions normales ou réalistes de fonctionnement de l’installation, ce qui n’est pas le cas des émissions susceptibles de résulter d’un accident éventuel, lesquelles présentent un caractère purement hypothétique ».

En l’espèce, le tribunal administratif pouvait à bon droit juger que les informations occultées relatives à la teneur des outils de surveillance utilisés dans la piscine d'entreposage et à la température de l'eau « n'étaient pas relatives à des émissions de substances dans l'environnement ». Et que « ces informations, relatives à des équipements et méthodes destinés à empêcher des émissions accidentelles, ne constituaient pas des informations relatives à des émissions dans l'environnement ». Ces passages occultés pouvaient donc être couverts par le secret des affaires.

CE, 15  mars 2023, n°456871, mentionné aux tables du recueil Lebon

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