Rachat d’entreprises Les fonds d’investissement s’intéressent au BTP

De plus en plus de fonds interviennent dans le capital d’industriels du secteur et d’entreprises du second œuvre. Si les fonds ne définissent pas la stratégie de l’entreprise, ils l’obligent à une grande rigueur de gestion.

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Manifestement, les fonds d’investissement ont jeté leur dévolu sur le BTP français. Durant ces douze derniers mois, des fleurons de la construction hexagonale et de son industrie ont été rachetés par ces structures à objet purement financier, au nez et à la barbe des majors du secteur. Cegelec et Terreal, dont le capital a été acquis par LBO France, ainsi que Materis, repris par la société d’investissement Wendel, sont les exemples les plus marquants. Pour René Maury, membre du directoire de CDC Entreprises, la présence de ces capitaux-investisseurs dans la construction n’a jamais été aussi forte: «Notre regard a changé depuis que ce secteur accumule les bons résultats. » Si les fonds se passionnent pour les entreprises du BTP, c’est avant tout parce qu’elles se révèlent rentables depuis plusieurs années. Autre raison: les fonds ont beaucoup d’argent à placer et sont à la recherche d’entreprises à faire croître (capital développement) ou à racheter via un LBO (reprise d’entreprise avec effet de levier). Cette pénurie de « cibles » les conduit vers des secteurs jusque-là inexplorés et à viser, outre les grands groupes, des PME valant quelques dizaines de millions d’euros.

Ce n’est toutefois pas le BTP dans son ensemble qui les intéresse. Seules certaines filières ont leur préférence et, d’abord, les industriels. Pour Patrick Sayer, président d’Eurazeo, « l’industrie du bâtiment est une activité de proximité, qui génère une zone de chalandise importante à côté des sites de production, et donc un marché stable et pérenne. De plus, les entreprises de BTP clientes sont très attachées à leurs fournisseurs ».

L’intérêt porté à l’installation électrique L’installation électrique devrait également bientôt constituer un des terrains de chasse favoris des fonds. Pour Emmanuel Gravier, président de la chambre syndicale des entreprises d’équipements électriques de Paris et sa région (CSEEE), « cette filière intéresse les fonds, la rentabilité étant bonne et stable. Pour l’instant, seul Cegelec est concerné, mais le mouvement va s’accélérer, car le secteur est atomisé ».

D’autres activités attirent les fonds, comme la construction de maisons individuelles en secteur diffus (Maisons Pierre repris par CDC Entreprises) ou l’intégration de réseaux de télécommunications (Sogetrel repris par Barclays). Toutes les activités de maintenance d’équipements techniques (chauffage, climatisation, éclairage), titulaires de contrats sur plusieurs années, vont également faire le bonheur des fonds. Le gros œuvre est finalement la seule filière à laquelle les capitaux-investisseurs nient tout intérêt, car la rentabilité est jugée faible, voire incertaine.

Pour les dirigeants de PME du BTP, l’arrivée de ces fonds constitue une nouveauté qu’il n’est pas toujours facile d’appréhender. Ces investisseurs qui achètent une part du capital tout en choisissant le plus souvent de garder le dirigeant en place – car il est le garant de la rentabilité – sont-ils des ennemis ou des partenaires? Pour François Mortegoutte, président des maçons parisiens, « l’arrivée d’un fonds ne peut avoir qu’un effet négatif car leur seul objectif est la rentabilité, pas l’animation d’une équipe. Or, dans la construction, la vraie richesse, ce sont les hommes ». Pourtant, les dirigeants concernés estiment que ces investisseurs amènent « un plus » à l’entreprise. Lors d’un LBO, ils peuvent d’abord résoudre un problème de transmission. « Nous étions cinq frères actionnaires, dont trois voulaient partir, raconte François Le Nouy, DG de Le Nouy Fermetures. Mon frère Jacques et moi n’avions pas les moyens de racheter leurs parts. Deux fonds sont arrivés pour les reprendre. » Pour Jean-Bernard Lafonta, président de Wendel, un fonds permet aussi au dirigeant de garder son indépendance: «Dans un grand groupe, on est davantage géré par rapport à ses besoins que ceux spécifiques de l’entreprise. » La trajectoire de Yann Rolland, dirigeant du fabricant de portes Bel-M, est enfin la preuve qu’un fonds permet, à terme, de devenir majoritaire: «L’entreprise était détenue à 58 % par Atria tandis que j’en possédais 38 %. Le deuxième LBO m’a permis de monter à 80 % dans l’entreprise. »

Les fonds ne servent pas seulement à débloquer des situations complexes sur un plan capitalistique. Ils jouent aussi une fonction de veille concurrentielle. « Ils ont accès à des informations dont nous n’avons pas connaissance, y compris dans notre propre filière », indiquent Pierre Jude, président du groupe Maisons Pierre. Enfin, ils font progresser la gestion de l’entreprise. « Par exemple, l’indicateur principal pour le dirigeant est le résultat net/chiffre d’affaires. Les fonds ont amené la notion de résultat net/capitaux investis », note Emmanuel Gravier.

Le dirigeant en danger. Malgré ces apports positifs, les dirigeants craignent toujours de ne pouvoir garder la main sur la stratégie de l’entreprise. Pour certains, la présence de fonds ne change rien (voir encadrés témoignages). Pour d’autres, comme Emmanuelle Gravier, elle a une influence: «Comme les fonds ne restent que peu de temps, au maximum cinq ans, les investissements lourds sont reportés. » Mais le principal changement créé par l’arrivée d’un fonds, en tout cas s’il est majoritaire, reste invisible, ou du moins hypothétique: le droit de révoquer du jour au lendemain le dirigeant. Comme le note René Maury (CDC Entreprises), « si le niveau de rentabilité prévu n’est pas au rendez-vous, nous n’aurons pas d’état d’âme à le licencier. Avoir comme principal actionnaire un fonds reste une expérience stressante ».

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