Historiquement, le Mobilier national, dont la charge est l'ameublement des lieux du pouvoir républicain, conserve et entretient de riches collections de meubles et d'objets datant de la Renaissance à nos jours. En 1964 - le design en est à ses balbutiements -, il apparaît comme essentiel de montrer au monde que la France détient de talentueux créateurs n'ayant rien à envier aux Italiens, aux Danois ou autres Scandinaves. L'Atelier de recherche et de création est né.
Rassemblés depuis cinquante ans dans un édifice d'Auguste Perret construit sur les anciens jardins de la manufacture des Gobelins, le Mobilier national et l'ARC œuvrent conjointement à la promotion d'un savoir-faire séculaire, d'une esthétique et d'une technique de pointe. L'équipe de techniciens d'art dirigée par Jérôme Bescond, ancien élève de l'école Boulle, est composée de six ébénistes et de trois spécialistes du métal à la fois chaudronniers, ferronniers et fraiseurs. Ils disposent de trois ateliers - bois, métal et composite -, et d'un bureau de dessin technique. Chaque artisan est polyvalent. Il réalise ainsi chaque élément de mobilier qui lui est confié de A à Z. L'atelier fonctionne comme un bureau d'études faisant appel à des concepteurs extérieurs : « C'est un outil au service du design », rappelle le responsable de l'ARC. Les collaborations, sauf exception, suivent toutes la marche suivante. L'administrateur général du Mobilier national effectue une première sélection de designers appelés à présenter une pièce inédite. Ils soumettent leur projet sous forme d'esquisse à la commission consultative d'acquisition. C'est elle qui confirmera le partenariat. « La commande du Mobilier national gravite autour des besoins de l'appareil gouvernemental », précise Myriam Zuber-Cupissol, inspecteur conseil à la création artistique au Mobilier national. Le designer peut être ainsi amené à réaliser un cabinet complet avec table, chaises et console ; une table de réunion et ses sièges ; un coin salon avec fauteuil visiteur et table basse, etc. Les projets sont destinés à renouveler la collection et répondent rarement à des demandes précises. Il arrive parfois qu'un ensemble de meubles ne trouve pas tout de suite sa destination, à l'instar du bureau Ghion.
Dans un premier temps, le concepteur envoie une ébauche détaillée avec les dimensions et des échantillons de matières. Ces informations sont répercutées sur une maquette échelle 1 pour mieux appréhender la volumétrie, certains aspects techniques ou ergonomiques. Pour Christian Ghion, l'exercice n'est pas commode. On devrait pouvoir tenir compte, selon lui, de « la fonction primaire de l'objet et de la charge humaine » : le bureau du ministre de la Culture sera différent de celui de la Défense. Mais il s'agit ici de dessiner un objet unique dont on ne connaît pas la destination. Le bureau sera « un tableau noir, comme une grande page blanche ». À la fois « dégagé et statutaire », il ne comportera pas de tiroirs « pour ne pas perturber l'esprit ». Le projet initial employait la fibre de verre, une technique composite assez répandue. Sylvain Dubuisson, qui avait conçu le bureau du ministre de la Culture en 1990, lui suggère la fibre de carbone. Mieux vaut profiter de l'opportunité offerte et mettre la barre plus haut. C'est le pôle Plasturgie de l'Est, situé non loin de Metz, qui a guidé Christian Ghion et l'ARC vers la solution : l'infusion. Elle permet de disposer à sec toutes les épaisseurs de fibre avant d'envoyer la résine pour les assembler. L'équipe s'est formée pour répondre aux attentes du projet et après plusieurs étapes en maquette, le prototype a été taillé dans une mousse compacte, recouvert de fibre, bâché et infusé. Pas loin de 24 rencontres en quatre ans, de l'étude à la réalisation des six sièges visiteurs : collaborer avec l'ARC, c'est éprouver la technique dans un échange réciproque entre le designer et les techniciens. Depuis sa création, l'atelier a produit plus de 600 prototypes en partenariat avec une centaine de créateurs. Pour se maintenir à la pointe, il s'est récemment équipé d'une imprimante 3D et continue d'explorer des technologies et des matériaux innovants. Deux réalisations sont en cours : celles de Noé Duchaufour Lawrance, et d'Inga Sempé. Un projet à venir : le bureau gigogne de Mathilde Bretillot. Le Mobilier national organise d'ores et déjà la prochaine commission en vue de l'achat de nouveaux modèles.










