Ce n'est pas du ciment et ce n'est plus du plâtre. Le Gypcement, ou ciment de gypse, mis au point par Jean Couturier, ingénieur des Ponts et Chaussées et déposant de deux brevets sur ce matériau, fait figure de découverte notable. Avec le concours du laboratoire universitaire de minéralogie et de cristallographie de Toulouse, dirigé par Jean-Pôl Fortuné, cet inventeur est parvenu à traiter le gypse sans former de plâtre. Par un procédé thermique qui associe une déshydratation à une température de 250 à 350 °C pendant une durée de 40 minutes suivie d'une trempe thermique par apport d'air froid qui rabaisse la température à 20 °C en quelques secondes, on obtient de l'anhydrite III, nommé aussi anhydrite (alpha). Cette trempe thermique bloque la reprise d'eau et produit des cristaux d'une structure semblable à celle du ciment. Les résultats de tests obtenus à ce jour rapprochent aussi ce matériau d'un ciment de faible qualité mécanique. La résistance à la compression du matériau brut s'étend de 35 à 45 MPa et sa résistance à la flexion atteint 8 MPa. En mélange pour chapes autolissantes à raison de 30 % de Gypcement et de 70 % de sable, la résistance à la compression est de 15 à 20 MPa, voire 25 MPa. A la différence des mortiers de chape à base de ciment, le niveau de retrait est très faible : de l'ordre de 0,2 mm/m.
Une résistance de 35 à 45 MPa
Autres propriétés annoncées : un délai de prise réglable de quelques minutes à une heure, une promesse d'un niveau d'isolation phonique et d'une tenue au feu élevés, une absence de reprise d'eau et un accrochage fort sur tous les supports. Sa rapidité de prise pourrait aussi en faire un accélérateur de prise pour bétons. Les domaines d'emploi envisagés sont très larges : ils s'étendent de la préparation sur chantier à la préfabrication de produits extérieurs (mobilier urbain), sans oublier la protection incendie des charpentes métalliques ou l'inertage de déchets.
Ses propriétés mécaniques ont fait l'objet d'une première série de mesures mécaniques au département « structures » du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) depuis le mois de septembre 1998. Même s'il reste très réservé en raison de l'exploration encore limitée du Gypcement, Charles Baloche, responsable de ce département sur le site de Champs-sur-Marne, le qualifie de « plâtre de haute performance ». « Ses propriétés vont bien au-delà du plâtre courant et il est susceptible de devenir un vrai nouveau matériau » ajoute-t-il. Des essais indispensables, à la fois mécaniques, de fluage, de compatibilité chimique avec d'autres matériaux et de durabilité, sont programmés pour le premier semestre 1999. Des résultats attendus pour se prononcer sur la rupture technologique introduite par cette découverte.
Déjà engagé dans une phase préindustrielle
Pour sa part, Jean Couturier est déjà engagé dans une phase préindustrielle avec sa société Energetic Industries International. Un pilote de production d'une capacité de 400 kg par jour est installé sur le site de production thermique EDF d'Albi (Tarn-et-Garonne) (voir encadré). Il envisage en particulier la définition d'unités d'une capacité minimale de 20 000 t/an, la validité économique étant assurée par un prix de revient estimé à moins de 200 francs la tonne. Il travaille aussi à développer les solutions d'emplois avec des adjuvantiers (Sika) et des préfabricants.
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Une éprouvette du gypcement est présentée par Jean Couturier, titulaire des brevets sur le gypcement et Philippe Mangeard, président de la Seeti, chargé de la promotion du nouveau matériau.