"Cela fait 25 ans que je recrute des apprentis, c'est un investissement pour l'avenir. Mais abaisser l'âge à 14 ans peut être dissuasif, en créant des contraintes sur les horaires ou la sécurité": Dominique Métayer, patron d'une petite entreprise de maçonnerie et président de l’UNA-Maçonnerie-carrelage (Capeb), reste perplexe devant les annonces du gouvernement.
"C'est naturel de recruter des apprentis si on veut donner envie à des jeunes de choisir nos métiers", lance avec conviction ce chef d'entreprise de 50 ans, rodé à la formation depuis des années.
Dans sa PME des Yvelines, il emploie cinq salariés et recrute environ un nouvel apprenti tous les deux ans, qui reste "en moyenne 6 à 7 ans" dans l'entreprise, "voire plus pour certains".
"On participe à des journées de communication dans les collèges, pour se faire connaître. Puis on choisit les élèves, un peu au +feeling+, en discutant avec eux, pour voir ce qui les attire dans le métier du bâtiment", explique-t-il.
"En général, on les prend à 16 ans, lorsqu'ils sortent de l'école et s'engagent dans une formation d'apprentissage", poursuit-il.
Principal avantage pour l'entreprise, "les jeunes apprentis s'adaptent tout de suite à l'état d'esprit de la société. Comme ensuite on les garde, leur intégration est plus facile", explique M. Métayer.
Mais devant la proposition du gouvernement d'abaisser l'âge de l'apprentissage de 16 à 14 ans, il s'interroge: "Je voudrais savoir ce qui va entourer cette mesure au niveau de la réglementation".
Car les apprentis mineurs "n'ont pas le droit de tout faire", explique M. Métayer. "Par exemple, au niveau des horaires, ils doivent normalement travailler un maximum de 35 heures par semaine et pas plus de 7 heures par jour, contre huit pour les autres salariés".
Et avant d'obtenir des dérogations, "les apprentis devaient quitter le chantier une heure plus tôt que les autres, ce qui posait des problèmes matériels, et ce qui était incompatible avec l'exercice du métier", relève-t-il.
"Pour qu'ils puissent terminer en même temps que les autres, ou pour qu'ils aient finalement le droit d'accéder à certains outillages ou aux échafaudages, j'ai dû me bagarrer pendant des années", raconte-t-il.
"Alors, pour des enfants de 14 ans, j'imagine que les problèmes administratifs vont être multipliés par dix !", redoute ce chef d'entreprise.
"Or je recherche des jeunes qui présentent le moins de handicaps possibles", ajoute-t-il.
Attention aussi à que l'apprentissage "reste un choix", prévient M. Métayer. "Si les jeunes, à 14 ans, ont la chance de savoir ce qu'ils veulent faire, pas la peine en effet qu'ils perdent leur temps". En revanche, ils ne doivent pas se tourner vers l'apprentissage "par dépit, ou parce qu'ils n'ont pas trouvé ailleurs", juge-t-il.
"Mais si des jeunes ont la maturité à 14 ans de venir vers nos métiers, tant mieux", souligne-t-il aussi, en martelant: "Ce qui compte avant tout, c'est la motivation".
Isabelle TOURNE (AFP)