Les accidents survenus à l’occasion de la rupture de canalisations enterrées illustrent la connaissance imparfaite, de la part de beaucoup d’acteurs de la construction, des mesures de prévention imposées en la matière depuis 1976. Or l’omission de ces mesures entraîne des responsabilités – qui retombent aussi bien sur les exploitants que sur les maîtres d’ouvrage publics ou privés, les maîtres d’œuvre et les entrepreneurs – dont chaque intéressé peut faire état après avoir accompli les tâches qui lui incombent.
Il convient, en particulier, de tuer d’abord l’idée répandue que tout pèse sur l’entrepreneur et que la seule démarche à opérer consiste en l’envoi, par ce dernier, de la déclaration d’intention de commencement de travaux (Dict). Cette tâche n’est, en effet, que l’avant-dernière d’une série de mesures qui commencent bien avant le début des travaux et dont l’ensemble constitue une chaîne de prévention visant à écarter toute rupture de canalisation. A chaque étape correspond une responsabilité.
1er maillon
Le dépôt aux mairies des « plans de zonage », ou plans des zones d’implantation des canalisations et des coordonnées détaillées des exploitants de ces dernières
• Responsables : les exploitants des ouvrages souterrains, aériens et subaquatiques (et pour la conservation des plans, les communes).
• Texte : arrêté du 16.11.1994 (JO du 30.11.1994).
2e maillon
La recherche, par interrogation des mairies, puis l’identification, par « Demandes de renseignements » adressées à chaque exploitant, du tracé des canalisations enterrées
• Responsables : tout maître d’ouvrage public ou privé et, pour l’identification au stade du projet, également les maîtres d’œuvre.
• Textes : décret n° 91.1947 du 14.10.1991 (JO du 09.11.1991) ; arrêté du 21.12.1993 pris pour l’application de la loi MOP, annexe III (JO du 13.01.1994).
A noter que les « demandes de renseignements » sont normalisées et font l’objet d’un document Cerfa n° 90-0188. Il en est de même du « récépissé de demande de renseignements » à envoyer en retour par les exploitants.
3e maillon
La communication à l’entrepreneur des renseignements obtenus
• Responsables : les « personnes responsables des marchés » (1) ou leur maître d’œuvre.
• Texte : CCAG de 1976 art 27.3.
A noter :
– certains services, particulièrement compétents, communiquent les renseignements obtenus des exploitants au stade de l’appel à la concurrence, dans le dossier de consultation des entreprises (DCE), sans attendre l’ouverture du chantier. C’est d’ailleurs ce que préconise fortement la circulaire-guide du Premier ministre du 19.10.1976, § n° 2.4 (brochure n° 2009 du JO) ;
– il est normal que l’entrepreneur demande, en première réunion de chantier, les plans de réseaux enterrés du maître d’œuvre, du fait de l’obligation de piqueter qui pèse sur lui (4e maillon ci-après). Pour les maîtres d’ouvrage la recherche de ces plans est une obligation réglementaire (2e maillon) et leur fourniture une obligation contractuelle (3e maillon) ;
– dans les marchés privés, la fourniture des plans en cause, généralement non prévue contractuellement, semble néanmoins obligatoire en vertu des obligations de recherche réglementaires qui incombent aux maîtres d’ouvrage privés (2e maillon) et de « l’obligation générale de renseignement » qui pèse sur eux (2).
4e maillon
Le piquetage contradictoire sur le terrain du tracé des canalisations reçu et le procès-verbal de ce piquetage
• Responsables : l’entrepreneur pour l’initiative du piquetage et sa réalisation (à ses frais) ; le maître d’œuvre pour l’assistance au piquetage, la rédaction du procès-verbal de celui-ci et sa notification par ordre de service.
• Texte : CCAG de 1976 art. 27.3, 4 et 5.
Soulignons que :
– le piquetage n’est pas à confondre avec la Dict ;
– le piquetage (signalisation superficielle) gagne beaucoup à être accompagné par des sondages de reconnaissance pour vérifier le tracé et, surtout, les cotes d’altitude fournies par l’exploitant. Cette opération, qui peut prévenir beaucoup de ruptures et qui est faite dans l’intérêt de tous, n’est pas organisée par les textes. Pour éviter des dommages, lors de son accomplissement, les services de certains départements demandent aux entreprises de présenter une « première Dict » aux exploitants. Mais il vaut mieux convoquer à cet effet les responsables des divers réseaux sur place pour qu’ils donnent toutes directives pour ces sondages. Cette convocation doit être effectuée par le maître d’œuvre, comme le recommande la directive-guide du 19.10.1976 § n. 2.4 (brochure n° 2009 du JO). Le déplacement des exploitants sur le lieu des travaux, pour effectuer le repérage des ouvrages enterrés, est d’ailleurs évoqué dans la « Charte de bon comportement » conclue entre divers exploitants et syndicats d’entrepreneurs (informations marchés FNTP n° 30 du 15.03.2001). Il devrait être généralisé, au moins dès que l’exploitant ne peut s’engager sur les plans qu’il fournit ;
– si l’entrepreneur relève des omissions ou des erreurs dans le PV qui doit lui être adressé par ordre de service, il doit présenter des réserves sur ce dernier dans les conditions contractuelles (art. 2.5 et 5 du CCAG de 1976).
5e maillon
L’envoi des Dict qui doivent parvenir aux exploitants dix jours avant le début des travaux
• Responsable : l’entrepreneur titulaire ou sous-traitant dont les travaux intéressent les canalisations.
• Texte : décret précité du 14.10.1991 – document Cerfa n° 90-0189.
Si cette opération est bien connue des entreprises, celles-ci négligent trop souvent les opérations qui précèdent. Aussi prennent-elles de ce fait en charge l’essentiel des responsabilités.
6e maillon
La réponse à la Dict par un « récépissé » avec toutes les précisions possibles sur l’emplacement des ouvrages et les recommandations utiles pour la conduite des travaux
• Responsables : les exploitants d’ouvrage.
• Texte : décret précité du 14.10.1991.La « Charte de bon comportement » précitée vise à améliorer également cette réponse.
Plus d’information : voir, sur ce thème, les deux articles de Jean-Pierre Babando publiés dans « Le Moniteur » : « La prévention des dommages, un dispositif en voie d’amélioration », 6 février 2009 (p. 92) ; « Le partage de responsabilité en cas de dommages », 13 février 2009 (p. 86).