A l’automobiliste qui expérimentera sa traversée, le pont levant de Rouen ne dévoilera que ses clairs pylônes et ses mécanismes apparents. La durée de la traversée (les travées levantes font 120 m) ne permettra pas à l’usager d’en voir davantage. Il ne verra pas les deux socles elliptiques qui servent d’appuis aux pylônes. Ces structures, qui abritent une partie des mécanismes de levage, sont protégées par 4 gabions de 20 m de diamètre pour résister au choc éventuel d’un bateau. Devant l’impossibilité de construire ces boîtes (35 x 20 m, 2 700 t) à quai, le groupement mené par Quille a commencé par battre 18 tubes en acier avant d’y forer et bétonner des pieux de fondation. Le radier des socles, décomposé en 19 éléments en béton préfabriqués, a été « suspendu » aux tubes avant qu’un complexe dispositif hydraulique ne descende l’ouvrage jusqu’à tutoyer le lit du fleuve après que son voile périphérique a été édifié.
A deux reprises, l’automobiliste croisera les pylônes béton dédoublés de 67 m de hauteur, constitués chacun de deux fûts pseudo-elliptiques. Remarquera-t-il la qualité de fini ? Pour y parvenir, le groupement a conçu un outil métallique coffrant grimpant spécial (sans tiges traversantes) et formulé un béton très spécial. Pour optimiser l’utilisation des coffrages, par ailleurs isolés et chauffés, les équipes de chantier ont surveillé la prise du béton par maturométrie. Le ciment choisi, un CEM III/A 42,5 présentant un indice de clarté élevé, est dosé à 400 kg/m3. Il participe à la teinte claire des fûts.
Moyens exceptionnels. En traversant la Seine, l’automobiliste se doutera-t-il des moyens exceptionnels qu’il aura fallu déployer pour mettre en place les travées levantes ? Du travail réalisé par la grue flottante Taklift 7 bientôt rejointe par sa cadette Matador 3 pour prendre en charge papillons et tabliers. Et au vu des câbles et des papillons, imaginera-t-il que chaque travée est manœuvrée grâce à des treuils et des contrepoids glissés dans les pylônes opposés ? Chaque travée est guidée par des galets Inox dans des rails Inox intégrés au génie civil avec une rectitude de 0,75 mm/m ! Le centre de gravité du caisson métallique est excentré par rapport à la verticale de levage pour obliger la travée à s’appuyer sur le pylône.
Au grand dam des concepteurs, tout cela, l’automobiliste ne le verra pas. Ce qu’il retiendra de sa traversée du sixième pont de Rouen, c’est le temps précieux gagné entre l’autoroute de Normandie (A13) au sud et l’A150 au nord. Mais en juillet 2008, en voyant les tabliers se lever et offrir un gabarit de 55 m aux voiliers de l’Armada, l’automobiliste comprendra.
Maîtrise d’ouvrage : ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement.
Maîtrise d’œuvre général : DDE de Seine-Maritime.
Maîtrise d’œuvre particulier et conception : Arcadis (mandataire), Eurodim, Serf ; Michel Virlogeux ; Aymeric Zublena.
Coordonnateur SPS : Présents.
Entreprises : sous-groupement Quille (filiale de Bouygues Construction) (mandataire), Eiffage TP (génie civil) ; sous-groupement Eiffel-Victor Buyck (charpente métallique et mécanismes) ; Presspali (sous-traitant fondations).