Jurisprudence

Sites pollués : la jurisprudence précise la chaîne des responsabilités

⚠️ HTML Subscription Block Access Rights – IPD Block Test

Pour la Cour de cassation, l’architecte chargé d’une mission relative à l’obtention des autorisations d’urbanisme n’a pas à mener des études de sol. Quant à la responsabilité du propriétaire du terrain où sont stockés des déchets polluants, elle est subsidiaire, estime le Conseil d’Etat.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Pollution des sols

La question des sols pollués nourrit toujours un contentieux aussi divers qu’abondant et trois arrêts récents permettent de préciser les responsabilités des différents intervenants. Dans le premier cas (1), concernant une vente immobilière, la Cour de cassation écarte la responsabilité de l’architecte chargé d’une mission relative à l’obtention des autorisations d’urbanisme. Dans le second, relatif à la détention de déchets polluants, le Conseil d’Etat précise, dans deux arrêts (2), que la responsabilité du propriétaire est subsidiaire par rapport à celle encourue par le producteur ou les autres détenteurs de déchets.

Après avoir acquis un terrain, une société découvre que celui-ci est pollué, entraînant ainsi l’arrêt de la première tranche de son programme immobilier et une nécessaire dépollution. En appel, la cour retient la responsabilité du vendeur professionnel (et non celle du dernier exploitant), ainsi que des architectes et elle les condamne solidairement. La cour d’appel estime que les architectes, en tant que maîtres d’œuvre tenus à un devoir de conseil envers le maître d’ouvrage, auraient dû « effectuer une reconnaissance du terrain et des bâtiments existants et vérifier, avant le dépôt des demandes de permis, si le sous-sol était apte à supporter les constructions envisagées ou, à tout le moins, attirer l’attention de la société sur les risques ». La Cour de cassation annule cet arrêt, au motif qu’il viole l’article 1147 du Code civil, relatif à la responsabilité contractuelle. En effet, souligne la haute juridiction, dans un arrêt du 30 janvier 2013, « il n’appartient pas à l’architecte, chargé d’une mission relative à l’obtention des permis de démolir et de construire, de réaliser des travaux de reconnaissance des sols pour effectuer un diagnostic de la pollution éventuelle, ni d’attirer l’attention de l’acquéreur sur le risque d’acquérir le bien sans procéder à de telles investigations ». Les études de sol n’étant pas prévues dans le contrat de maîtrise d’œuvre, les architectes n’avaient donc pas à s’en préoccuper.

En l’absence de détenteur connu de déchets entreposés sur un terrain, l’autorité titulaire du pouvoir de police peut mettre leur élimination à la charge du propriétaire du terrain. Ce principe, posé par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 26 juillet 2011 (n° 328651), fut, peu après, précisé par la Cour de cassation. Par un arrêt du 11 juillet 2012 (n°11-10478), les magistrats de la troisième chambre civile ont énoncé que la responsabilité du propriétaire n’était toutefois pas engagée s’il démontrait qu’il n’avait pas facilité l’abandon des déchets par sa négligence ou sa complaisance.

Deux arrêts du Conseil d’Etat du 1er mars 2013 affinent encore ces principes. Dans les deux affaires, les requérants contestaient la légalité d’un arrêté municipal les mettant en demeure d’évacuer des déchets abandonnés sur leurs terrains. Pour la cour administrative d’appel (CAA) de Lyon, la seule circonstance qu’ils étaient propriétaires des terrains suffisaient à les rendre détenteurs de ces déchets au sens de l’article L. 541-2 du Code de l’environnement et donc responsables des dommages en résultant. Or cette assimilation n’est pas automatique.

Le Conseil d’Etat consacre la primauté de la responsabilité du producteur,  « élargie » au détenteur, en des termes particulièrement nets : « La responsabilité du propriétaire du terrain au titre de la police des déchets ne revêt qu’un caractère subsidiaire par rapport à celle encourue par le producteur ou les autres détenteurs de ces déchets et peut être recherchée s’il apparait que tout autre détenteur de ces déchets est inconnu ou a disparu ».

Dans l’une des deux affaires, le requérant était le producteur des déchets : il lui incombait de les prendre en charge. Dans l’autre, la société chargée de l’exploitation du site était connue : la CAA aurait donc dû s’enquérir de savoir si elle était ou non à l’origine des déchets abandonnés, avant d’engager la responsabilité du propriétaire.

(1) Pour consulter l’arrêt de la Cour de cassation, civ. 3e, n° 11-27792 du 30 janvier 2013, cliquez ici.

(2) Pour consulter les arrêts du Conseil d’Etat n°s 348912 et 354188 du 1er mars 2013, cliquez ici et ici.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Construction et talents
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires