Labelliser les écoquartiers. Telle est l’intention du gouvernement, annoncée à l’occasion du second appel à projets EcoQuartier en janvier dernier (1). Une volonté née du succès grandissant que connaissent actuellement ces quartiers dédiés au développement durable : 160 dossiers de candidatures avaient vu le jour en 2009 pour le premier appel à projets EcoQuartier ; depuis le 19 janvier 2011, ce ne sont pas moins de 420 dossiers de pré-inscription qui ont été adressés par les collectivités au ministère. Un engouement qui suscite des critiques : « Un écoquartier, ça ne veut plus rien dire. Qui pourrait aujourd’hui se vanter de faire un quartier qui ne soit pas éco ? » remarque Franck Boutté, ingénieur et architecte, directeur du bureau de conception et d’ingénierie environnementale éponyme. Derrière la complexité que recouvre la réalisation de ces écoquartiers, grand est le risque que la démarche promue par le Grenelle ne réduise ces projets à une équation écologique minimale, pire, à un argument de marketing vert. « L’écoquartier est devenu une sorte d’idéal, un modèle », poursuit Franck Boutté. Un modèle certes, mais en quête de critères. Outre les chartes environnementales « quasi bibliques », guides et référentiels se multiplient : HQE Aménagement, HQVie chez Eiffage, certifications Afnor… Nombreux sont désormais les concepteurs à soutenir qu’un quartier durable ne saurait se limiter aux seules considérations environnementales et, plus généralement, se laisser réduire à des grilles de critères reproductibles. « Il n’y a pas de règles pour faire les écoquartiers, la démarche est particulière à chaque programme, à chaque territoire », soutient l’architecte Djamel Klouche de l’AUC. Toujours est-il que le foisonnement actuel d’initiatives marque, selon Taoufik Souami, « une prise de conscience collective » (lire l’interview ci-contre) : l’autonomie énergétique, la gestion de l’eau et des déchets, l’offre de mobilités douces, les objectifs de mixité sont progressivement intégrés dans un projet urbain plus global, qui dépasse le périmètre de l’écoquartier.
Laboratoires
Un saut qualitatif qui permettrait d’envisager l’écoquartier comme une étape vers la ville durable. Dans cette perspective, celui-ci serait avant tout un territoire d’expérimentation fécond. Un moment - que certains qualifient de « période d’adolescence » - appelé à être dépassé. « Les écoquartiers sont des laboratoires qui préfigurent le passage d’un urbanisme de normes à un urbanisme de projet », résume Franck Faucheux, chef de projet EcoQuartier au MEDDTL, qui envisage d’expérimenter les règles de la réforme du Code de l’urbanisme sur certains écoquartiers. Déjà, à Lille, les autorités ne parlent plus d’écoquartier mais d’urbanisme durable. A Dijon, c’est tout le plan local d’urbanisme qui lui est désormais dévolu.
Dans ce foisonnement de projets, les recettes « miracles » génériques sont d’ores et déjà pointées du doigt : standardisation des formes urbaines et des méthodes, îlots déconnectés de leur contexte, référentiels vendeurs mais jamais évalués, créations ex nihilo au détriment de la densification du tissu existant… Auxquelles s’opposent la gouvernance participative, la mutabilité du bâti existant, la programmation innovante au service des quartiers alentours ; mais aussi la modélisation de la ville durable dans toutes ses composantes, l’évaluation en continu. Nancy Grand Cœur, ZAC de l’Union, halle Pajol, caserne de Bonne… Autant d’écoquartiers où ces initiatives se mettent en place, manifestant par l’exemple ce que pourraient devenir des villes durables.
