Quelles sont les missions de la Société de livraison des ouvrages olympiques ?
Créée fin 2017, la Solidéo est un établissement public de l’Etat présidée par Madame la maire de Paris, Anne Hidalgo. Elle est chargée de garantir, quoiqu’il advienne, que les ouvrages olympiques seront livrés dans les temps, dans les enveloppes financières et suivant les bons programmes, c’est-à-dire en respectant le très haut niveau d’exigence du Comité international olympique (CIO). Notre mission ne porte que sur les équipements et aménagements pérennes. Les pavillons provisoires seront installés par le Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo) Paris 2024.
De combien d’ouvrages destinés aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 la Solidéo a-t-elle la charge ?
Quarante, du plus petit — un cheminement piéton le long de la RN2 — au plus gros — le village olympique. Ils seront réalisés par 29 maîtres d’ouvrage différents. Le budget d’investissement — y compris le foncier — s’établit à 3,2 milliards d’euros (valeur 2016) dont 1,37 milliard d’euros apporté par l’Etat et les collectivités locales. Le président de la République nous a demandé de respecter à l’euro près cette enveloppe d’argent public.
La Solidéo va superviser 29 maîtres d’ouvrage
De quels moyens la Solidéo dispose-t-elle pour s’assurer de l’achèvement en temps et en heure de tous ces ouvrages ?
La Solidéo va superviser tous ces maîtres d’ouvrage, ce qui constitue une novation dans la sphère publique. Certains sont publics — essentiellement des collectivités locales —, d’autres privés, comme les promoteurs. Nous les rencontrerons une fois par mois pour faire le point sur l’avancement de leur projet. La loi nous donne aussi cette faculté extraordinaire de pouvoir nous substituer à un maître d’ouvrage défaillant. La Solidéo porte une forme de souveraineté nationale : nous ne pouvons pas rater le rendez-vous de la livraison des ouvrages. Il en va de l’image de la France.
Pourquoi avoir choisi ce dispositif alors que Londres, organisateur des Jeux olympiques de 2012, avait opté pour un seul maître d’ouvrage chargé de la construction d’une soixantaine d’équipements ?
Si nous nous sommes inspirés de Londres pour opérer la distinction entre « ouvrages en dur » et équipements temporaires, ce n’est effectivement pas le cas pour la construction de ces objets. Nous avons opéré ce choix pour trois raisons. D’une part, les collectivités locales concernées — les Villes de Paris, de Marseille, le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, etc. — sont des maîtres d’ouvrage qui ont l’habitude de construire.
Nous avons aussi pensé qu’en les associant à la fois au conseil d’administration de la Solidéo et à la réalisation des projets, cela permettrait de concevoir des ouvrages « justes », répondant à leur fonction olympique et bien adaptés à la phase « héritage », l’objectif étant d’éviter les éléphants blancs. Enfin, ce modèle est calqué sur l’organisation administrative et politique française. Un autre pays aurait probablement opté pour une solution différente.
Quels équipements la Solidéo doit-elle réaliser elle-même ?
Elle aménagera le village olympique et paralympique et le cluster des médias, tous deux situés en Seine-Saint-Denis. Inscrits en opération d’intérêt national — les permis de construire seront donc délivrés par l’Etat —, ils verront le jour dans le cadre de ZAC en cours de création.
La Solidéo interviendra selon un schéma très classique avec vente des charges foncières à des promoteurs et réalisation des espaces publics. Elle construira aussi la piste de VTT, une passerelle au-dessus de l’A1 et plusieurs équipements publics.
"Nous maîtrisons plus de 50 % des terrains"
Où en est le projet de village olympique ?
Cet ensemble immobilier accueillera 3 500 logements afin d’y héberger 17 000 athlètes et accompagnateurs le temps des Jeux. Il sera ensuite reconverti en un quartier mixte de 6 000 habitants et 6 000 emplois. Nous avançons à marche forcée sur ce projet. Nous menons plusieurs dossiers simultanément : la finalisation de la conception du village avec notre équipe de maîtrise d’œuvre urbaine pilotée par Dominique Perrault Architecture ; la mise au point des cahiers de cession des charges foncières ; la définition de l’ambition environnementale des constructions ; la poursuite des procédures administratives (l’enquête d’utilité publique s’est achevée le 31 janvier) et des acquisitions foncières.
A ce jour, nous maîtrisons plus de 50 % des terrains soit directement, soit à travers l’établissement public foncier d’Ile-de-France.
Quelles seront les grandes étapes de construction de cet équipement emblématique ?
Le village des athlètes, comme tous les ouvrages pérennes, doit être achevé au 1er janvier 2024 afin d’être mis à la disposition de Paris 2024, le comité d’organisation des Jeux olympiques. Pour y parvenir, nous avons établi un calendrier très cadencé : lancement des consultations auprès de groupements d’opérateurs immobiliers le 12 mars au Mipim à Cannes ; choix des équipes lauréates en septembre-octobre ; dépôt des permis de construire au premier trimestre 2020 en vue de leur délivrance à l’été 2020 ; et enfin, début des travaux au premier trimestre 2021. Les dispositions prises par le législateur vont nous aider à tenir ce planning.
De quelles dispositions s’agit-il ?
La première porte sur l’expropriation d’extrême urgence qui nous permet de prendre possession des terrains même en l’absence d’accord sur le prix. Une autre mesure concerne le permis à « double détente » ou « double état » qui sera délivré pour une construction ayant deux objets distincts dans le temps.
Pour les logements du village olympique, par exemple, les promoteurs vont construire des T4 sans cuisine qu’ils mettront à la disposition de Paris 2024 en contrepartie d’une indemnité d’usage. Après les Jeux, ils les reconvertiront en appartements familiaux, résidences étudiantes, bureaux ou commerces, sans avoir à déposer un nouveau permis. Une autre disposition vise à remonter tout le contentieux de l’urbanisme directement à la cour administrative d’appel de Paris.
Sur combien de lots vont porter les consultations de promoteurs ?
Nous avons découpé le village olympique en trois lots d’environ 1 000 logements chacun. L’un d’eux se situe sur des parcelles appartenant à Vinci avec lequel nous avons engagé des discussions. L’objectif est de signer un accord aux termes duquel le groupe de BTP s’engagera à construire un programme correspondant aux besoins des jeux olympiques et paralympiques.
Paris 2024 prendra en charge reconversion des logements du village olympique
Qui prendra en charge financièrement les travaux de reconversion des logements du village olympique ?
C’est Paris 2024 avec lequel nous négocions à la fois le montant de ces travaux de reconversion mais aussi celui de l’indemnité d’usage pour la mise à disposition des immeubles. Les négociations devront aboutir au plus tard le 11 mars à minuit.
Quand lancerez-vous la consultation d’opérateurs sur le village des médias ?
A l’automne prochain. Nous avons décalé la consultation de six mois, car les contraintes logistiques sont beaucoup moins fortes pour la construction du cluster des médias, — qui regroupera 1 300 logements destinés à accueillir 4 000 journalistes — que pour celle du village olympique. A cheval sur Saint-Denis, Saint-Ouen et L’Ile-Saint-Denis, ce dernier se situe dans une zone qui concentrera de nombreux chantiers : la construction d’un échangeur et d’un mur antibruit sur l’A86, le dragage du petit bras de la Seine sur 7 km, la réalisation d’un pont entre L’Ile-Saint-Denis et Saint-Denis et la création de la gare Saint-Denis Pleyel du Grand Paris Express.
Comment allez-vous gérer cette co-activité ?
Depuis six mois, une mission d’ordonnancement, pilotage et coordination (OPC) interchantiers planche sur ce sujet à la demande de l’ensemble des maîtres d’ouvrage concernés. Malgré tous les efforts que nous allons déployer, la réalisation simultanée de ces travaux s’annonce compliquée à gérer.
Quel est le calendrier des autres ouvrages olympiques ?
A l’exception du centre aquatique dont l’avis de concession a été lancé par la métropole du Grand Paris en octobre dernier en vue d’une attribution du marché à la fin de l’année, les appels d’offres s’échelonneront entre l’été 2019 et l’été 2021. Plus de 350 consultations et appels à projets vont être lancés, 25 % du montant des marchés étant réservés à des PME. Les travaux de tous les objets olympiques doivent démarrer en 2021.
Les constructions olympiques devront servir de démonstrateurs de l’innovation
Vous avez évoqué l’ambition environnementale des constructions olympiques. Quels objectifs visez-vous ?
Les JO de 2024 arrivent après ceux de Tokyo en 2020 et ceux d’hiver, à Pékin, en 2022. Ces deux villes y auront affirmé leur puissance technologique sur la scène internationale. D’où la demande du gouvernement français de faire des Jeux de 2024 une vitrine de nos savoir-faire et l’un des moyens de stimuler les filières économiques.
La France est une grande nation de bâtisseurs et la ville au sens large est une filière industrielle clé. Les pouvoirs publics souhaitent donc que les constructions olympiques puissent servir de démonstrateurs de l’innovation face aux enjeux nouveaux de la ville du XXIe siècle.
Quelles sont les premières pistes de réflexion ?
Nous souhaiterions mettre en œuvre des modes constructifs un peu différents, le bois, bien sûr, mais aussi le béton ou le ciment vert. Nous envisageons aussi de réaliser quelques bâtiments entièrement démontables et remontables. Un autre thème porte sur la résilience : comment assurer un fonctionnement autonome des deux villages pendant 48 heures en cas d’orage extrême, d’inondations très fortes, etc. ? Concernant l’accessibilité, nous réfléchissons à la manière de rendre la ville accessible non seulement aux aînés mais aussi aux personnes souffrant de troubles cognitifs.
Comment la Solidéo s’est-elle structurée pour piloter ce sujet de l’innovation ?
Au sein de la Solidéo, nous avons mis en place une direction dédiée à l’innovation. Elle travaille en lien avec les équipes de maîtrise d’œuvre des deux villages, le comité scientifique qui nous accompagne et le Conseil national de l’industrie, qui est organisé en 17 comités stratégiques de filières.
Parallèlement, nous rencontrons les patrons ou directeurs stratégiques des grands groupes susceptibles de rejoindre le projet olympique à travers cette thématique de l’innovation. Nous avons aussi mis en place un fonds doté de 50 millions d’euros. Enfin, les porteurs de projets innovants peuvent venir nous les proposer. Cependant, nous ne parlons pas ici d’innovation de rupture complète, reposant sur un changement radical mais d’innovation robuste capable de démontrer l’excellence des filières françaises et européennes tout en proposant les solutions nécessaires aux enjeux de 2030.