Pendant plusieurs siècles, la vie économique et sociale de Troyes s’est organisée autour d’un incroyable lacis de canaux, de rus, de bondes et de dérivations. Avec, au cœur de cette « petite Venise », les bras de la Seine, domestiqués au Moyen-Age par les Comtes de Champagne, et le canal de la Haute-Seine, creusé au début du XIXe siècle sous la férule de Napoléon.
Mais au cours du XXe siècle, l’eau est devenue progressivement invisible. Le canal, concurrencé rapidement par le rail, a vivoté pour finir comblé, dans sa presque totalité, au début des années 1960. Il en subsiste une petite section – impropre à la navigation – et le bassin de la Préfecture, vaste rectangle de 13 000 m2 enchâssé au centre de la ville où les péniches venaient naguère décharger leur cargaison. A la même époque, la Ville, contrainte d’éradiquer des poches d’insalubrité importantes, s’est employée à boucher ou à buser le reste de son réseau hydraulique : en même temps que l’on rasait les taudis, on obstruait les cours d’eau qui s’étaient petit à petit transformés en égouts à ciel ouvert, incompatibles avec toute idée d’hygiène et de santé publique. Des voiries les ont généralement remplacés, notamment une pénétrante urbaine et de larges avenues qui convergent aujourd’hui vers le centre-ville.
Pourtant, au tournant des années 1990-2000, la capitale auboise semble prise de remords. L’eau redevient un élément d’agrément, les berges de la Seine se rêvent en lieu de villégiature. Les Troyens redécouvrent avec étonnement qu’à leurs pieds, malgré les multiples amputations ou mutilations infligées à la trame hydraulique, courent encore une centaine de kilomètres de rivières et quatorze kilomètres de digues. En 2001, une étude hydrologique et paysagère est lancée dans l’intention de remettre en valeur les bras de Seine. « Elle a révélé que la plupart des ouvrages qui jalonnent le fleuve — vannages et déversoirs — étaient obsolètes ou en piteux état et que 60 % des passes ne fonctionnaient plus », souligne Valéry Denis, président du Savsat (Syndicat d’aménagement de la vallée de la Seine de l’agglomération troyenne).
Confort illusoire
Depuis la mise en service en 1966 du barrage-réservoir du lac de la forêt d’Orient en amont de la ville, Troyes ne vit plus dans la hantise des crues centennales qui l’ont affectée en 1955 et surtout en 1910. « Mais c’est un confort illusoire, relève Valéry Denis, car le barrage et sa retenue visent à protéger avant tout Paris. A Troyes, nous ne sommes pas à l’abri de nouvelles inondations. » Les collectivités locales, soutenues par l’Agence de l’eau et par l’Etat, vont donc injecter 10 millions d’euros sur cinq ans pour remplacer quatre des vingt et un ouvrages hérités du XIXe siècle et en supprimer six.
Le premier chantier de restauration des ouvrages sur la Seine a été confié à un groupement dont le mandataire est EMCC et où figurent Demathieu & Bard et Rouby Industrie. L’objectif consiste à mécaniser les installations pour les gérer à distance. On en profitera aussi pour installer des passes à poissons et à canoës et pour embellir les rives. Il est prévu par exemple d’aménager un belvédère au gouffre des Charmilles, chantier inaugural d’une série de cinq tranches de travaux à venir.




