Le dispositif « éco énergie tertiaire » fédère les mécontents. En juillet dernier, quatre organismes professionnels représentant le commerce, l’hôtellerie-restauration et la blanchisserie avaient formé un recours contentieux contre l’arrêté du 24 novembre 2020 dit valeur absolue I dédié aux bureaux et écoles notamment, modifiant celui du 10 avril 2020 portant sur la méthodologie, jugé « inachevé » et « inapplicable ».
Le 24 novembre, le Conseil du commerce de France (CdCF), l’association des commerçants et centres commerciaux Perifem, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) et le Groupement des entreprises industrielles de service textiles (GEIST) ont été rejoints par la Fédération française des pressings et blanchisseries (FFPB) dans leur action contre le ministère de la Transition écologique, avec le dépôt d’un nouveau recours contentieux. Cette fois-ci, contre l’arrêté du 29 septembre 2021, modifiant l’arrêté du 10 avril 2020, qui décale d’un an, au 30 septembre 2022, l’obligation de déclarer les données de consommations énergétiques des bâtiments tertiaires.
« Que l’Etat nous paie s’il manque de datas ! »
Pour quel motif ? « L’arrêté oblige toujours à collecter et à renseigner dans Operat les données de consommation des années 2020 et 2021, écrivent-ils dans un communiqué commun. L’article 16 de l’arrêté valeur absolu I indique pourtant que les consommations d’énergie de l’année 2020 sont considérées comme non représentatives en raison de la crise sanitaire, qui a occasionné de nombreuses fermetures d’établissements ou une baisse d’activité pour ceux restés ouverts. Nous considérons que l’année 2021 n’est pas plus représentative pour les mêmes raisons » à cause, notamment, de la fermeture des centres commerciaux de février à mai.
Pour rappel, les données 2020 et 2021, deux années marquées par les fermetures administratives et, à l’inverse, l’élargissement des horaires d’ouverture de certains établissements dits essentiels, n’entreront pas dans les calculs d’objectifs de baisse des consommations énergétiques des bâtiments tertiaires.
Insuffisant pour calmer Franck Charton, délégué général de Perifem : « L’objectif d’Operat, ce n’est pas de faire des statistiques pour le ministère ! Que l’Etat nous paie s’il manque de datas ! Imaginez Intermarché qui doit faire remonter les informations de consommations énergétiques de 3 000 sites… Nous sommes obligés de passer par des entreprises spécialisées. C’est du temps et de l’argent. »
« Le ministère n’est pas prêt »
Contexte : l’arrêté valeur absolue II, qui doit indiquer la marche à suivre aux commerces ainsi qu’aux hôpitaux, gares et aéroports, n’est toujours pas sorti. Sa mise en consultation publique devait intervenir entre fin septembre et le 15 octobre dernier.
D’où l’inquiétude de Franck Charton : « Nous n’avons pas nos seuils, pas nos indicateurs d’intensité d’usage… Par ailleurs, les réunions auxquelles nous participions avec le ministère, nous n’en avons plus depuis un an. Le découpage en rondelle de décrets, qui tardent à arriver, montre que le ministère n’est pas prêt. »
Autre point noir, à l’origine du recours de juillet dernier : « La base Operat ne permet pas la modulation des objectifs, qui est pourtant vitale pour nous », explique le DG de Perifem. En témoignent les particularismes des 35 000 entreprises représentées, du bricolage à l’hypermarché, soit près de 100 millions de m² de surfaces tertiaires.
« Entre la digitalisation, les modes de ventes qui évoluent constamment ou encore l’installation de meubles à sushi, le commerce alimentaire voit sa consommation énergétique augmenter, témoigne-t-il. Avant Noël, de grandes enseignes sont obligées de mettre la climatisation en raison de l’affluence pour éviter que les clients s’évanouissent sous la chaleur. Nous ne sommes pas à périmètre constant. »
Selon lui, la consommation énergétique d’un magasin représente en moyenne 30 % de son résultat net. « Il est donc dans notre intérêt de la réduire », assure-t-il. Et d’insister : « Nous sommes légalistes, nous voulons nous mettre en conformité de manière raisonnable et raisonnée. » Le plan B, plus simple, qu’il suggère : instaurer une obligation de résultat. Par exemple, « baisser tous les ans sans donner de chiffres », illustre-t-il.
Les assujettis qui ont saisi le Conseil d’Etat proposent de « fixer au 30 septembre 2023 la date limite pour renseigner les données de 2022 afin de la faire correspondre avec la date de mise en ligne complète et opérationnelle de la plateforme Operat annoncée par le ministère de la Transition écologique ».
Au fait, des nouvelles du recours de juillet dernier ? « Aucune. Le Conseil d’Etat étant bien chargé, nous pensons que ce dossier sera traité après les élections », confie-t-il. A moins qu’un éventuel troisième recours, pour attaquer le très attendu arrêté valeurs absolues II, fasse bouger l’institution.
Sollicité, le ministère de la Transition écologique n’a pas été en mesure de répondre.