L'incroyable métro aérien en chantier à Hyderabad, dans le sud de l’Inde, ressemble à un immense puzzle. C’est en tout cas l’expression qu’emploie M.P. Naidu, le directeur du projet de Larsen & Toubro, le numéro 1 indien du BTP, lauréat en 2010 d’un marché réputé être le plus grand PPP au monde pour les transports urbains : trois lignes de viaducs en béton précontraint représentant un linéaire total de 72 km. A l’inverse des plus grandes métropoles du pays, la capitale de l’Etat du Télangana (8,5 millions d’habitants) a préféré s’équiper avant d’être entièrement congestionnée par les bouchons de circulation. Une infrastructure souterraine aurait été trois fois plus onéreuse, mais la solution en surface pose, elle, de sérieux problèmes logistiques. « Nous devons suivre un tracé que nous n’avons pas choisi, au milieu des grandes artères, sans jamais interrompre le trafic automobile », explique M.P. Naidu.
En termes de conception, le pari était corsé : quand les rues font un angle à 90°, le métro n’a d’autre alternative que de tourner aussi. Ainsi, aborde-t-il parfois des virages très serrés, avec un rayon de courbure de 128 m au lieu du minimum habituellement requis de 300 m, ce qui ramènera sa vitesse moyenne à 34 km/h. L’implantation des 2 500 piles de pont aura été un vrai casse-tête en raison de la présence de nombreux lieux de culte en voirie - temples hindous, mosquées, églises - et à cause surtout de la méconnaissance du sous-sol. « Nos travées mesurent entre 23 et 37 m, selon que nous pouvons ou non déplacer les réseaux enterrés, en accord avec les gestionnaires de l’eau, du gaz et de l’électricité », indique M.P. Naidu.
La phase d’exécution des travaux se révèle encore plus acrobatique. S’agissant des fondations d’abord : Hyderabad est bâtie sur du rocher granitique, mais il n’était pas question d’utiliser de l’explosif en centre-ville pour réaliser les semelles, dont les dimensions vont de 6 x 7 m à 11 x 12 m. C’est donc au marteau-piqueur que le terrain a été attaqué. En outre, le caractère feuilleté du rocher par endroits et la présence de nombreuses poches d’argiles sablonneuses ont nécessité la réalisation de pieux jusqu’à 30 m de profondeur, en limitant autant que possible les nuisances pour les riverains.
Des voussoirs sur mesure
S’agissant de la superstructure, tout est préfabriqué, hormis les piles… et les portiques qui les remplacent lors du franchissement de voies ferrées ou de toboggans routiers. Les tabliers du métro sont constitués de 28 000 voussoirs acheminés exclusivement de nuit par camion à remorque avant d’être collés les uns aux autres à l’aide de poutres de lancement posées à cheval sur deux piles successives, à 8,5 m au-dessus du sol en moyenne. Dix fronts avancent de concert pour respecter le délai de cinq ans de travaux impartis par l’Etat concédant, grâce à un effectif de 13 000 ouvriers.
« Les voussoirs sont tous faits sur mesure, souligne M.P. Naidu. Leurs dimensions sont fonction des courbures horizontale et verticale du viaduc, de leur position sur le tracé et aussi de leur parcours d’acheminement. » Les pièces du fameux puzzle sont fabriquées avec une tolérance de 3 mm seulement. Un pari fou, dans une région où la température passe de 15 °C la nuit à 40 °C dans la journée. L’investissement équivaut à 2,3 milliards d’euros. La livraison est prévue en juillet 2017.


