Depuis 1961, « Le Signal », créé par le sculpteur Henri-Georges Adam, occupe le parvis du musée d’art moderne André-Malraux, au Havre (Seine-Maritime). Très familière aux Havrais, cette sculpture monumentale en béton armé - baptisée « l’Œil » en raison de sa forme évocatrice -, longue de 22 mètres pour un poids d’environ 22 tonnes, est posée sur le front de mer. Elle y subit de plein fouet les assauts des embruns marins et s’est dégradée avec le temps, notamment du fait d’infiltrations salines contenant des chlorures.
« L’attaque des aciers [qui structurent l’ouvrage] par les chlorures peut s’avérer pernicieuse puisqu’elle ne génère pas forcément d’effet en surface - tels que le gonflement ou l’éclatement du béton - mais entraîne pourtant la dissolution des aciers qui peut conduire à la ruine de l’ouvrage, explique Carl Redon, directeur technique de Rénofors, entreprise spécialisée dans la restauration des bétons. En l’occurrence, la lente migration, pendant cinquante ans, des ions chlorures (Cl?) dans le réseau capillaire du béton du Signal les avait menés jusqu’à moins de 1 cm des armatures en acier. »
Il était donc urgent de remédier à ce mal invisible, potentiellement dévastateur. Objectif : extraire les ions chlorures de la masse de béton. Pour respecter l’intégrité de cette œuvre patrimoniale, Rénofors a choisi une méthode douce, non destructive mais redoutablement efficace : la « déchloruration par anode temporaire », un procédé d’électrolyse à l’échelle de la structure consistant à inverser la course des ions Cl? pour les ramener en surface et les piéger (lire ci-contre).
Au bout de six semaines de traitement, les ions avaient été extraits. Restait à traiter les fissures et épaufrures à la surface de l’œuvre, à redonner à l’ouvrage sa patine et sa teinte d’origine à l’aide d’une lasure minérale, puis à appliquer un hydrofuge (à base de polysiloxane) afin d’interdire pour toujours aux ions chlorures de pénétrer dans cet « Œil » de béton.




