Urbanisme - Révision du PLU parisien : davantage de logements, moins de bureaux

Emplacements réservés, mixité sociale renforcée, surperformance… Les dispositifs qui seront imposés aux opérateurs sont censés rééquilibrer la capitale, mais leur efficacité est sujette à caution.

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Le 5 juin, le Conseil de Paris a adopté le projet de plan local d'urbanisme (PLU) bioclimatique, qui doit à présent être soumis - pour avis - aux personnes publiques associées (région Ile-de-France, métropole du Grand Paris, Ile-de-France Mobilités, SNCF Réseau…) avant de faire l'objet d'une enquête publique, vraisemblablement à l'automne 2023.

L'un des axes majeurs de ce document est la lutte contre le réchauffement climatique en faisant de la capitale une ville « en transition », « vertueuse » et « résiliente ». Il poursuit également d'ambitieux objectifs en matière de logement social et abordable, et tend à un rééquilibrage territorial de l'habitat et de l'emploi.

A cet égard, l'orientation 21 - « Endiguer les dynamiques d'exclusion et de spéculation immobilière » - du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) a l'ambition de « rééquilibrer la répartition des surfaces dédiées au tertiaire à l'échelle de la métropole et diminuer à terme la surface globale de bureaux à Paris tout en soutenant le rééquilibrage économique entre l'est et l'ouest ». Pour y parvenir, le futur PLU comporte plusieurs règles visant à limiter drastiquement, pour ne pas dire empêcher, le développement des bureaux.

Nouveau secteur de développement de l'habitation et mixité fonctionnelle

Le PLU définit un nouveau secteur de développement de l'habitation, qui couvre presque tout l'Ouest parisien, dans lequel « la SPE [surface de plancher liée à l'activité économique] après travaux ne doit pas excéder la SPE initiale […]. Cette disposition ne s'applique pas aux surfaces situées en rez-de-chaussée dans la bande de constructibilité principale et aux surfaces en sous-sol » (art. UG. 1.4.1 3°).

Cette disposition signifie qu'il n'est plus possible d'augmenter la SPE d'un immeuble existant. Seule la surface de plancher pourra évoluer, en particulier en transformant des niveaux en infra, étant rappelé qu'un agrément bureau peut, en fonction des caractéristiques des travaux, s'avérer nécessaire (cf. ).

Mixité fonctionnelle. Dans ce secteur, le règlement introduit également une nouvelle règle de mixité fonctionnelle : « Toute construction neuve, restructuration lourde, extension, surélévation ou changement de destination ou de sous-destination doit comprendre après travaux une surface de plancher destinée à l'habitation supérieure à 11 % de la SPE créée, restructurée ou objet du changement de destination ou de sous-destination, avec un minimum de 500 m². »

Exceptions. Toutefois, cette règle ne s'applique pas lorsque la SPE projetée est inférieure à 4 500 m², lorsque l'immeuble a donné lieu à une autorisation de changement d'usage avec compensation (1) à hauteur de la surface d'habitation à réaliser, ou lorsqu'il existe une « stricte incompatibilité » entre le bureau et l'habitation, notamment « au regard de la sécurité ou de la salubrité ».

Par ailleurs, le projet de règlement prévoit un mécanisme singulier de « compensation » permettant de prendre en compte « la transformation de SPE en habitation de tout ou partie d'un autre immeuble situé à proximité, […] portant sur une surface de plancher supérieure ou égale à la surface de plancher minimale des locaux relevant de la destination habitation ».

Interprétation incertaine. Cette règle de mixité fonctionnelle, à la lecture malaisée et à l'interprétation incertaine, interroge, tant dans son fondement légal et ses conditions d'application que dans sa pertinence. En effet, comment imaginer le propriétaire d'un immeuble de bureaux dans le quartier central des affaires en affecter une part significative à l'habitation alors que, bien souvent, les caractéristiques de l'immeuble ne s'y prêtent pas, voire que le propriétaire ne peut statutairement pas être propriétaire de logements ?

Sans même évoquer ici la différence de valeur importante entre les surfaces de bureaux et celles d'habitation, qui devront d'ailleurs très vraisemblablement être cédées à un tiers, s'agissant au moins des surfaces à affecter à du bail réel solidaire (BRS) ou du logement social. Cette mesure conduira inévitablement à éviter la « restructuration lourde » des immeubles de bureaux, dont les propriétaires pourront préférer l'obsolescence à la mixité.

De nouveaux emplacements réservés

Le projet de PLU comporte 611 nouveaux emplacements réservés pour la réalisation de logements aidés (BRS et logement social [LS]), majoritairement dans les arrondissements de l'Ouest parisien (8e , 9e , 15e , 16e et 17e ), ce qui porte le total des emplacements à 947.

Critères cumulatifs. Selon le rapport de présentation, « les emplacements réservés […] ont été actualisés et complétés sur la base de plusieurs critères cumulatifs visant à assurer la bonne mise en œuvre ultérieure de la réserve : nombre limité de propriétaires, parcelles ou unités foncières d'au moins 100 m² environ, permettant le développement potentiel d'au moins 500 m² de surface de plancher de logement. Dans le cas de constructions existantes, ont été retenus des immeubles de logement sujets à une vacance durable ainsi que des garages, parkings silos ou immeubles de bureaux pour lesquels les études préalables ont conclu à l'existence d'un potentiel de transformation en logement sans nécessiter leur démolition. »

Régime juridique. Le projet d'article UG.1.5.2 fixe le régime juridique des immeubles grevés d'un tel emplacement : « tout projet de construction neuve, restructuration lourde, extension, surélévation ou changement de destination (que l'opération relève du permis de construire ou de la déclaration préalable) doit affecter une part de sa surface de plancher à la destination habitation. Cette surface doit en outre comporter une proportion déterminée de logement locatif social ou de logement en bail réel solidaire. » Il existe ainsi deux types d'emplacements réservés pour du logement, repérés dans les documents graphiques du projet de PLU, sous la légende « LS » ou « BRS ». Cette dernière est suivie de deux nombres fixant les obligations à respecter. Le premier indique le pourcentage minimal de surface de plancher (SP) habitation que doit comporter la SP de l'immeuble. Le second indique le pourcentage minimal de cette surface qui doit être affecté à du « LS » ou du « BRS », étant observé que certaines surfaces ne sont pas prises en compte.

Sont ainsi exclues les surfaces situées en rez-de-chaussée dans la bande de constructibilité principale - 18 m par rapport à la voie - ; les surfaces en sous-sol ; celles relevant de la destination « équipements d'intérêt collectif et services publics » ; les locaux en rez-de-chaussée bénéficiant de la protection du commerce et de l'artisanat.

A noter que ce projet d'article dispose que « lorsque la règle impose la réalisation d'une part minimale de logement locatif social (légende LS), le reste de la part minimale de surface de plancher des locaux destinés à l'habitation est obligatoirement affecté au logement en bail réel solidaire, au logement locatif intermédiaire ou au logement locatif social, à l'exclusion du logement libre ». Ainsi, pour un emplacement réservé « LS 100-50 », toute la surface de plancher doit être affectée à de l'habitation, dont 50 % à du logement locatif social, les 50 % restants ne pouvant être affectés à du secteur « libre ».

Droit de délaissement. Ceci étant, le propriétaire d'un immeuble grevé d'un emplacement réservé aura toujours la faculté d'exercer son « droit de délaissement » pour solliciter de la Ville de Paris qu'elle fasse l'acquisition de son immeuble ().

A défaut d'accord entre les parties, le prix est fixé par le juge de l'expropriation, au regard de la valeur réelle de l'immeuble, sans tenir compte de son inscription en emplacement réservé. Le propriétaire a toujours la possibilité de renoncer à la vente après fixation judiciaire du prix, avant que la décision devienne définitive. Si la Ville de Paris refuse d'acquérir l'emplacement réservé, la réserve n'est alors plus opposable.

Renforcement de la servitude de mixité sociale

En sus du mécanisme des emplacements réservés, la servitude de mixité sociale prévue aux articles L. 151-15 et R. 151-38 3° du Code de l'urbanisme est très renforcée et son seuil de déclenchement est abaissé de 800 m² à 500 m² :

Pour rappel, dans le PLU actuel, il existe une zone déficitaire où, à partir de 800 m² d'habitation, il faut réaliser au moins 30 % de logements sociaux et une zone non déficitaire où, au-delà de ce seuil, il faut réaliser au moins 30 % de logements intermédiaires.

Renforcement
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Réhabilitation et restructuration lourde

Comme vu plus haut, la règle de mixité fonctionnelle et les emplacements réservés s'appliquent à « tout projet de construction neuve, restructuration lourde, extension, surélévation ou changement de destination ». Les notions de « construction nouvelle » ou de « restructuration lourde » ne sont pas définies par le document d'urbanisme actuel.

Reconstruction. Le projet de PLU vient préciser que la « reconstruction » vise les « travaux consistant à reconstruire une partie d'une construction existante après démolition partielle ou travaux visant à transformer une construction existante et soumis à autorisation d'urbanisme qui suppriment ou rendent à l'état neuf les éléments déterminant la résistance et la rigidité de la construction dans une proportion d'au moins 50 %. La reconstruction est assimilée à la construction neuve. »

Restructuration lourde. La « restructuration lourde » correspond, quant à elle, aux « travaux visant à rénover ou modifier une construction existante et soumis à autorisation d'urbanisme qui suppriment ou rendent à l'état neuf les éléments déterminant la résistance et la rigidité de la construction dans une proportion d'au moins 15 %, sous réserve des travaux qui ressortent de la reconstruction. » Il est permis de s'interroger sur la manière dont les instructeurs vont devoir/pouvoir, au vu des pièces composant la demande de permis de construire, vérifier si les travaux sur un immeuble existant constituent une « réhabilitation » - correspondant aux travaux visant à rénover ou modifier une construction existante -, une « restructuration lourde » ou une « reconstruction », étant rappelé qu'aux termes de l', « aucune autre information ou pièce [autres que celles visées par le code] ne peut être exigée par l'autorité compétente ».

Exiger des projets la surperformance

Le chapitre UG.8 du projet de PLU comprend un nouveau dispositif, imposant au pétitionnaire de renforcer la performance de son projet selon des critères regroupés en trois thématiques : « Biodiversité et environnement », « Programmation » et « Efficacité énergétique et sobriété ». Tout projet de construction neuve ou de restructuration lourde de plus de 150 m² devra cumulativement : - respecter l'ensemble des règles prévues par les autres chapitres du règlement du PLU, ce qui est l'approche juridique habituelle ; - atteindre ou dépasser un seuil dit de « surperformance » pour au moins trois critères, relevant d'au moins deux thématiques différentes laissés à son choix ; ce qui est pour le moins original.

A titre d'exemple, dans la thématique « programmation », le règlement prévoit la possibilité de surperformer en matière de mixité sociale en atteignant une part minimale de logement social supérieure de 5 points à ce qui est exigé par le PLU. Précisons que les critères peuvent sortir du champ strict du droit de l'urbanisme. Il en est ainsi des critères de la thématique « efficacité énergétique et sobriété » qui se réfèrent notamment à la réglementation environnementale 2020 (RE 2020).

Le caractère novateur du futur PLU parisien ne tient pas tant à la vision politique qui l'anime - en particulier s'agissant des objectifs environnementaux et de mixité sociale, qui rejoignent des préoccupations désormais bien ancrées dans le droit de l'urbanisme et la politique de la ville - qu'à l'élaboration de mécanismes contraignants, pour la plupart rigides, et dont la mise en œuvre reste, selon nous, complexe. Il n'est pas évident que la contrainte - plutôt que l'incitation ou la bonification - soit la voie la plus efficace pour parvenir à une régénération du tissu urbain parisien… L'enquête publique à venir sera l'occasion d'en débattre.

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