Urbanisme - Transformer un bâtiment en logements : la fin du parcours du combattant ?

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Dérogations au PLU, permis de construire à destinations multiples… Panorama des principales mesures de la loi Daubié pour faciliter et anticiper les reconversions d'immeubles.

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Victime collatérale de la dissolution de l'Assemblée nationale il y a un an, la loi portée par le député de l'Ain Romain Daubié (groupe Les Démocrates) visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements est enfin publiée au « Journal officiel » du 17 juin 2025 (loi n° 2025-541 du 16 juin 2025). Se limitant initialement aux bureaux, son champ d'application a été élargi par le Sénat afin de ne pas exclure les hôtels, parkings et commerces qui constituent également un gisement immobilier important. Selon la Fédération des entreprises immobilières, la reconversion des zones commerciales en entrée de ville représenterait à elle seule un potentiel d'un million de logements.

Lever les freins juridiques. Si elle ne résoudra pas à elle seule la pénurie actuelle, cette loi ambitionne de lever certains freins juridiques pesant sur les reconversions afin d'aller au-delà des seuls 2 000 nouveaux logements produits chaque année par transformation de bâtiments existants.

Pour ce faire, le législateur a instauré deux mesures majeures intéressant le droit de l'urbanisme : les dérogations aux règles fixées par les plans locaux d'urbanisme (PLU) et le permis de construire à destinations multiples, si souvent appelé de leurs vœux par les professionnels.

A noter que les mesures fiscales que la proposition de loi comportait initialement et qui sont indispensables à la réussite du dispositif ont été supprimées du texte. Elles ont été adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2025.

De nouvelles dérogations au PLU

L'un des principaux freins à la transformation des bâtiments est lié au PLU. En effet, son règlement peut interdire, pour des raisons de sécurité ou de salubrité ou en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables (PADD), les constructions ayant certaines destinations ou sous-destinations (art. R. 151-30 du Code de l'urbanisme [C. urb.]). Ainsi, il n'est pas rare qu'à l'intérieur des zones urbaines, des secteurs plus précis soient délimités, prévoyant l'implantation préférentielle ou exclusive, selon les cas, de logements, de bureaux, d'activités commerciales et/ou industrielles. La transformation de ces actifs en logements nécessite donc au préalable une évolution du zonage et/ou des dispositions du règlement du PLU, laquelle peut s'avérer longue selon la procédure choisie (modification - de droit commun ou simplifiée - voire révision du document d'urbanisme).

Destination principale d'habitation. Pour y remédier, l'article 1er de la loi introduit un nouveau cas de dérogation au PLU. L'autorité compétente pour délivrer les autorisations d'urbanisme (permis de construire comme déclaration préalable) pourra déroger aux règles fixées par le PLU pour autoriser la mutation d'un bâtiment ayant une destination autre que d'habitation en bâtiment à « destination principale d'habitation » (nouvel article L. 152-6-5 C. urb.).

En visant une « destination principale », et non exclusive, d'habitation, le texte permet à la fois d'assurer la mixité fonctionnelle des opérations de transformation concernées et d'améliorer leur équilibre économique. Il sera ainsi possible d'intégrer des commerces en pied d'immeuble, mais également, dans certains cas, des locaux de bureaux, dont les conditions de commercialisation sont généralement plus avantageuses pour les promoteurs que celles des logements.

Extension, surélévation. Cette dérogation s'applique également aux « travaux d'extension ou de surélévation » - souvent utiles pour augmenter la surface de plancher commercialisable et améliorer les conditions économiques de réalisation de l'opération - et non aux seuls changements de destination sans création de surface de plancher. Les promoteurs estiment en effet que la création des parties communes, dans les locaux d'habitation, fait perdre environ 5 % de la surface par rapport à une configuration « bureaux », et que certaines surfaces considérées comme utiles en configuration « bureaux », comme les espaces de stockage d'archives, ne sont pas valorisables dans des bâtiments d'habitation.

Refus. La dérogation peut être refusée pour des raisons limitativement énumérées mais néanmoins assez larges : risques de nuisances pour les futurs occupants, insuffisante accessibilité du bâtiment par des transports alternatifs à l'usage individuel de l'automobile, et conséquences du projet sur la démographie scolaire au regard des écoles existantes ou en construction ou encore sur les objectifs de mixité sociale et fonctionnelle. Le refus doit être motivé.

Avis conforme. S'agissant de la procédure d'octroi de la dérogation, le maire doit recueillir l'avis conforme de l'autorité compétente en matière de PLU (président de l'EPCI la plupart du temps). Lorsque l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme n'est pas le maire mais le préfet, elle doit recueillir l'avis du maire de la commune où est implanté le bâtiment.

En revanche, et contrairement au projet qui avait été adopté au Sénat en mai 2024, les modalités pour recueillir l'avis conforme ne sont pas encadrées dans un calendrier. Le texte ne prévoit en effet ni délai pour transmettre la demande de dérogation pour avis, ni délai de réponse.

Taille minimale des logements. Enfin, le maire pourra accorder une dérogation aux règles relatives à la taille minimale des logements fixées à l'article L. 151-14 du Code de l'urbanisme, notamment afin de pouvoir transformer les bâtiments en tous types de logements, comme les résidences pour étudiants (nouvel article L. 152-6-6 C. urb.). Pour mémoire, « le règlement peut délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels les programmes de logements comportent une proportion de logements d'une taille minimale qu'il fixe ».

   La loi permet à la fois d'assurer la mixité fonctionnelle des opérations de transformation concernées et d'améliorer leur équilibre économique.

Le financement des équipements nécessaires à ces nouveaux logements

Instituer une telle dérogation est une chose, mais encore faut-il que les élus locaux disposent des ressources pour développer les équipements nécessaires à l'accueil de nouveaux habitants. A défaut, les opérations de transformation sont vouées à l'échec.

Taxe d'aménagement. Pour répondre à cette difficulté, la loi de finances pour 2025, reprenant l'une des mesures de la proposition de loi, a assujetti les opérations qui ont pour effet de changer la destination de locaux non destinés à l'habitation en locaux d'habitation à la taxe d'aménagement pour ce qui concerne la part communale ou intercommunale (article 1635 quater B du Code général des impôts).

Projet urbain partenarial. Par ailleurs, la loi du 16 juin 2025 modifie l'article L. 332-11-3 du Code de l'urbanisme relatif au projet urbain partenarial (PUP), lequel permet, dans le cadre d'une opération d'aménagement ou de construction, de mettre à la charge des porteurs de projet tout ou partie du coût des équipements publics nécessaires pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions concernées par l'opération. En contrepartie de la conclusion d'un PUP, les opérations concernées sont exemptées de la part communale (ou intercommunale) de la taxe d'aménagement, pour une durée maximale de dix ans. Désormais, il sera donc possible de recourir au PUP pour financer les opérations de transformation et non plus les seules opérations de constructions neuves.

La création d'un permis de construire à destinations multiples

Malgré ces mesures, transformer un bâtiment existant ne sera pas toujours aisé, notamment d'un point de vue technique.

C'est pourquoi il est important d'anticiper les transformations futures et donc la réversibilité du bâtiment. Or, jusqu'à présent, un permis de construire ne pouvait porter sur un bâtiment appelé à avoir plusieurs destinations successives. Aussi, la transformation de bâtiments tertiaires en logements impliquait un changement de destination, lequel nécessitait a minima une déclaration préalable, et le plus souvent un permis de construire si ce changement de destination s'accompagnait d'une modification de la façade ou des structures porteuses du bâtiment.

Outils expérimentaux. Des outils expérimentaux ou très spécifiques avaient déjà été introduits pour des durées limitées. C'est le cas du permis de construire « à double état » mis en place pour les infrastructures liées à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ou encore du « permis d'innover », créé à titre expérimental, pour une durée de sept ans, portée depuis à douze ans par la loi Elan du 23 novembre 2018.

Rappelons que ce dernier permet de déroger à l'ensemble des règles applicables, à condition de démontrer « que sont atteints des résultats satisfaisant aux objectifs poursuivis par les règles auxquelles il est dérogé ». Il n'est applicable que dans le périmètre d'une opération d'intérêt national (OIN), d'une grande opération d'urbanisme (GOU), ou d'une opération de revitalisation de territoire (ORT) (art. 88 II de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine [LCAP]). Ce mécanisme a été notamment utilisé dans le cadre de l'OIN Euratlantique à Bordeaux afin de déposer une demande de permis avec deux destinations alternatives (habitation et bureaux), ce qui va dans le sens de la réversibilité des usages.

Conditions de délivrance. La présente loi va plus loin et permet à l'autorité en matière de PLU de délimiter des secteurs dans lesquels le permis de construire peut autoriser plusieurs destinations successives du bâtiment (nouvel article L. 431-5 C. urb.). Les secteurs ainsi délimités sont annexés au PLU.

Le texte précise que :

- ce permis de construire est délivré dans les conditions de droit commun ;

- il doit comporter la mention expresse des différentes destinations autorisées et, à la demande de l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme, préciser la première destination de la construction ;

- les règles de prorogation et de caducité de droit commun s'appliquent aux travaux autorisés par le permis de construire au titre de l'état initial de la construction.

Deux cas de figure. A la lecture des travaux préparatoires de la loi, on comprend que le législateur a souhaité envisager deux cas de figure : - soit le permis de construire se limite à autoriser plusieurs nouvelles destinations pour la construction, qu'il vise expressément : il ne permet pas de faire l'économie du dépôt d'une autre demande de permis de construire pour réaliser les travaux qui seront nécessaires lors d'un changement ultérieur de destination, par exemple en cas de création de balcons sur un ancien immeuble de bureaux. En revanche, le porteur de projet ne pourra pas se voir opposer un refus en raison d'une modification ultérieure des règles du PLU relatives aux destinations ; - soit les pièces fournies à l'appui de la demande de permis de construire (plan-masse, plan de façade, etc.) permettent de vérifier la conformité des états futurs du projet, propres à ses destinations postérieures, à l'ensemble des règles d'urbanisme applicables au moment de sa délivrance. Dans ce cas, le permis autorise ces états futurs par anticipation, sans qu'il puisse être exigé ultérieurement de nouvelle autorisation d'urbanisme.

Les deux formes de permis de construire à destinations multiples sont valables pour une durée de vingt ans. Dans les deux cas, le propriétaire devra informer le maire de chaque changement de destination, soit au moment du dépôt de la nouvelle autorisation d'urbanisme, soit au moins trois mois avant le changement effectif de destination.

Un décret en Conseil d'Etat devra encore définir les conditions d'application de ce nouveau régime.

   La loi permet à l'autorité en matière de PLU de délimiter des secteurs dans lesquels le permis de construire peut autoriser plusieurs destinations successives du bâtiment.

Autres mesures

Majoration du volume constructible. La loi modifie l'article L. 151-28 du Code de l'urbanisme pour étendre le champ d'application de la majoration du volume constructible aux résidences universitaires. Pour mémoire, ladite majoration, qui ne peut excéder 50 %, s'applique dans certains secteurs et sous réserve du respect des autres règles établies par le PLU.

Servitude de résidence principale. Elle étend également le champ d'application de la servitude de résidence principale issue de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 (dite loi Le Meur). Alors que celle-ci permet d'imposer aux constructions nouvelles de logements d'être exclusivement à usage de résidence principale, la loi modifie l'article L. 151-14-1 du Code de l'urbanisme pour viser également les logements issus de la transformation de bâtiments à destination autre que d'habitation.

Ce qu'il faut retenir

  • Déposée à l'Assemblée nationale en décembre 2023, la loi Daubié visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements a été promulguée le 16 juin 2025.
  • Elle introduit un nouveau cas de dérogation aux plans locaux d'urbanisme. L'autorité compétente en matière d'autorisation de construire pourra s'affranchir des règles fixées par ce document pour autoriser la mutation d'un immeuble en bâtiment à « destination principale d'habitation ».
  • Le texte crée également un permis de construire à destinations multiples, permettant à l'autorité compétente d'autoriser, dans les secteurs qu'elle aura déterminés, plusieurs destinations successives du bâtiment.
  • Il permet de recourir au projet urbain partenarial (PUP) pour financer les opérations de transformation des bâtiments.
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Date de réponse 21/10/2025