Ils portent des noms aussi joyeusement énigmatiques que Bruit du frigo, Echelle inconnue, Saprophytes ou Encore Heureux et leurs membres se présentent volontiers comme les pratiquants d’une architecture plus raisonnable, artisanale, démocratique ou même festive. Mais au-delà de leur réputation de saltimbanques de la construction, que sont vraiment les collectifs d’architectes ? « L’hypothèse collaborative », ouvrage réalisé sous la direction des paysagistes, urbanistes et architectes d’Atelier Georges et de Mathias Rollot, lui architecte indépendant, permet de mieux comprendre cette pratique alternative apparue dès les années 1990.
Portée par des maîtres d’œuvre et autres professionnels désireux de prendre part d’une manière moins individuelle à la fabrique de la ville, elle favorise l’expérimentation, la concertation réelle avec les usagers et le partage des connaissances, mais encore l’appropriation de l’espace public ou le recyclage de l’existant.
Militants et marginaux ?
Publié en mai dernier, au moment même où, à la Biennale de Venise, le pavillon français mettait à l’honneur le travail de tels collectifs, ce petit livre rouge compile des entretiens avec une vingtaine de formations françaises. En complément, les auteurs ont collecté les témoignages d’acteurs plus « classiques » de la construction qui, désormais, cherchent à collaborer avec ceux qui ne sont « plus seulement des amuseurs qui installent des ballons gonflés à l’hélium » pour reprendre la formule de Nicola Delon d’Encore Heureux.
Le livre pose aussi quelques questions essentielles. Ainsi l’architecte-sociologue Elise Macaire s'interroge : « le lien à l’économie sociale et solidaire va-t-il s’affirmer ? (…) La commande publique qui vise ces pratiques a-t-elle la possibilité de soutenir leur professionnalisation ou va-t-elle les maintenir dans un certain niveau de précariat ? » En somme, les collectifs sont-ils voués à demeurer l’affaire de quelques militants un peu marginaux ?
« L’hypothèse collaborative – Conversation avec les collectifs d’architectes français » aux Editions Hyperville, 288 pages, 25 €.