Villemandeur (2/4) : réaffirmation du caractère subsidiaire du recours aux contrats de partenariat

Le juge administratif rappelle que le contrat de partenariat est et doit rester en l’état actuel du droit une procédure dérogatoire. De ce fait, les conditions de recours à celui-ci, notamment l’urgence, doivent être interprétées strictement. Détails.

Une procédure dérogatoire

Le juge cite expressément la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003: " la dérogation au droit commun de la commande publique que constitue le recours au contrat de partenariat doit être réservée à des situations répondant à des objectifs d'intérêt général". Le Conseil constitutionnel a admis la constitutionnalité sous condition de la loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit. L'article 6 a été déclaré conforme à la constitution sous réserve de respecter l'interprétation qui lui est faite par la haute autorité, interprétation qui réduit considérablement l'habilitation du gouvernement à déroger à la loi MOP de 1985.

L' ordonnance prise sur le fondement de l'article 6 ne devra déroger aux règles garantissant l'égalité devant la commande publique, la protection des propriétés publiques ou le bon usage des deniers publics que pour des motifs d'intérêt général tels que l'urgence et la complexité du projet.

Le jugement d'Orléans confirme donc le raisonnement ayant conduit à cette réserve, tenu à l'occasion des décisions du Conseil Constitutionnel de 2003 et 2004. Il s'agit d'un raisonnement en quatre temps. Premièrement, aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle n'impose de confier à des personnes distinctes la conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement d'équipements publics, ou la gestion et le financement de services ; aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n'interdit non plus qu'en cas d'allotissement, les offres portant simultanément sur plusieurs lots fassent l'objet d'un jugement commun en vue de déterminer l'offre la plus satisfaisante du point de vue de son équilibre global ; enfin, le recours au crédit-bail ou à l'option d'achat anticipé pour pré financer un ouvrage public ne se heurte, dans son principe, à aucun impératif constitutionnel. Deuxièmement, le Conseil constitutionnel affirme que ces différentes techniques constituent des dérogations au droit commun de la commande publique ou de la domanialité. Troisième temps, toutefois, la généralisation de telles dérogations au droit commun de la commande publique ou de la domanialité publique serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics. Enfin, dans ces conditions, les ordonnances prises sur le fondement de l'article 6 de la loi du 2 juillet 2003 devront réserver de semblables dérogations à des situations répondant à des motifs d'intérêt général tels que l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé.

Evaluation préalable et condition d'urgence

Le juge administratif rappelle le caractère dérogatoire du recours au contrat de partenariat par rapport aux autres contrats publics (délégation de service public et marché public). Le caractère subsidiaire nécessite donc la réalisation d’une évaluation préalable afin de démontrer notamment l’existence d’une des deux conditions d’éligibilité (l’urgence ou la complexité). Cette obligation résulte directement de l’analyse que le Conseil constitutionnel a faite de l’habilitation conférée au gouvernement pour créer une nouvelle forme de contrat.

La genèse de la notion d'urgence

Toujours, dans le considérant de principe, le juge de 1ere instance, rappelle le considérant 9 de l'arrêt du Conseil d'Etat Sueur et autres du 29 octobre 2004 : "il résulte des termes mêmes de cette décision que, sous réserve qu'elle résulte objectivement, dans un secteur ou une zone géographique déterminés, de la nécessité de rattraper un retard particulièrement grave affectant la réalisation d'équipement collectifs, l'urgence qui s'attache à la réalisation du projet envisagé est au nombre des motifs (…)".

Cette notion d'urgence illustre le mouvement de va-et-vient qu'il y a pu avoir entre les rédacteurs de l'ordonnance et la juridiction administrative et constitutionnelle.

Dans sa décision de 2003, le Conseil constitutionnel précise que la dérogation n'est possible "que pour des motifs tenant à l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable à l'intérêt général". Les rédacteurs de l'ordonnance ont essayé de s'éloigner d'une reprise littérale de la réserve du Conseil constitutionnel dans sa décision précitée en se limitant à dire " ou bien que le projet présente un caractère d'urgence". Le Conseil d'Etat dans sa décision d'octobre 2004 y ramène le texte en le lisant à la lumière et dans la limite de cette réserve : "Suivant en cela les conclusions du commissaire du gouvernement, le Conseil d'Etat a estimé possible d'interpréter les dispositions contestées de l'ordonnance dans un sens conforme aux exigences de la légalité". Ainsi "en réponse au grief tiré par les requérants de ce que les auteurs de l'ordonnance n'avaient pas défini avec précision les contours de ces deux cas de recours au partenariat, fondés sur l'urgence ou la complexité du projet, le Conseil d'Etat a interprété le texte à la lumière de la décision du Conseil constitutionnel. Ainsi, l'urgence vise une " nécessité objective de rattraper un retard particulièrement grave, dans un secteur ou une zone géographique déterminés, affectant la réalisation d'équipements collectifs ". Le Conseil constitutionnel, confirmera cette solution dans sa décision de décembre 2004: "dans un tel contexte, et compte tenu du caractère fort convainquant de la motivation de la décision « Sueur et autres », éclairée par les conclusions circonstanciées du Commissaire du Gouvernement Didier Casas, le Conseil constitutionnel avait tout lieu de s'approprier, avec les adaptations nécessaires, le raisonnement du Conseil d'Etat".

Ce mouvement de va-et-vient ayant conduit à expliciter la notion d'urgence se retrouve aussi dans la mise en œuvre du texte. Certains montages contractuels s'efforceront d'étendre au maximum le champ des contrats de partenariat et le juge administratif s'emploiera à les maintenir dans le cadre ci-dessus évoqué. C'est ce qui s'est passé avec le jugement du tribunal d'Orléans.

Christian Figali

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