Pour avoir déboisé des parcelles protégées en zone naturelle par le plan d’occupation des sols et vendu à des entreprises du BTP le droit d’y déposer des gravats, le propriétaire d’un terrain est condamné à réparer le préjudice écologique et environnemental d’une commune. Celle-ci se voit octroyer 12 000 euros par les juges d’appel de Montpellier dans un arrêt du 7 mai 2013.
Dans cette affaire, le maire d’un village de l’Hérault constate la création de remblais sur des terrains boisés récemment incendiés et un chemin communal, ainsi qu’un trafic notable de semi-remorques sur celui-ci. Il interrompt les travaux par arrêté et saisit le procureur de la République. Au cours de l’enquête, le propriétaire évoque son intention de reboiser les sols sans toutefois en justifier. Il est, en outre, avéré qu’il a contracté avec des terrassiers pour remblayer les parcelles et y déposer à titre définitif divers matériaux issus de chantiers. Il n’a demandé ni autorisation de défrichement, ni permis d’aménager, ce dernier étant par ailleurs impossible à accorder en raison du classement des terrains en zone ND du POS. Le propriétaire est alors poursuivi et condamné en correctionnelle pour non-respect du Code de l’urbanisme (remblai et défrichement en infraction des dispositions du POS) et du Code forestier (déboisement sans autorisation). La commune, qui s’est portée partie civile, est dédommagée de son préjudice matériel, mais les juges rejettent ses demandes au titre des préjudices moral et environnemental. Sur appel du propriétaire et du ministère public, la cour réforme en partie le jugement. Elle retient « l’atteinte à l’intégrité du patrimoine naturel et la modification de la topographie des lieux » et indemnise le dommage écologique et environnemental.
La question était de savoir si le préjudice écologique résultant des infractions commises pouvait être réparé de façon autonome, « en raison d’une altération de l’environnement commise dans une zone protégée destinée à assurer la sauvegarde des sites naturels » comme le soutenait la commune.
Une argumentation fondée sur trois piliers
Dans la lignée de la décision « Erika » (Cour de cassation, 25 septembre 2012, n°10-82938), la cour d’appel de Montpellier répond oui. Reprenant la définition du dommage écologique élaborée par les tribunaux, à savoir « une altération de l’environnement », elle élargit la notion de pollution à « l’atteinte non négligeable à l’environnement et au paysage (qui) affecte un intérêt collectif légitime, à savoir la préservation de la qualité des sols, de l’eau, de l’air et du paysage ». S’appuyant sur la Convention européenne du paysage de Florence du 20 octobre 2000 et sur l’article L. 110 du Code de l’environnement, les conseillers retiennent l’intérêt supérieur de la protection de l’environnement et admettent un préjudice écologique, distinct des dommages moral et matériel, ouvrant droit à réparation alors même que le ministère public n’a pas poursuivi le propriétaire des terrains pour infraction au Code de l’environnement.
Une révolution jurisprudentielle à consacrer par la loi
Depuis l’arrêt de la cour d’appel de Paris dans l’affaire Erika (30 mars 2010, n° 08/02278), les atteintes au patrimoine naturel, bien commun et richesse nationale, sont dédommagées indépendamment des préjudices moraux et matériels. Mais cette évolution reste fragile. Pour la sécuriser, les parlementaires examinent une proposition de loi visant à reconnaître le préjudice écologique et à le réparer au titre de la responsabilité civile (lire notre article).
(1) Cour d’appel de Montpellier, 3e ch. correct., 7 mai 2013, n° 12/00086%%/MEDIA:1033989%%