En qualité de président de la filière béton, vous défendez « fermement » le principe d’équité entre les filières de matériaux. En quoi est-il aujourd’hui remis en question ?
En plus de l’équité, nous défendons également la responsabilisation de chacune des filières, selon le principe consubstantiel aux REP de « pollueur-payeur ». En clair, il est nécessaire de prendre en compte le coût global engendré par le recours à chacun des matériaux, dans sa production et dans son réemploi. Le béton atteint un taux de collecte et de recyclage qui est très important et ne cesse d’augmenter ; son recyclage est de 70 % aujourd’hui, quand la seule collecte n’est que de 12 % pour le bois. L’année dernière, nous avons recyclé 10 300 000 tonnes et la tendance qui se dessine pour 2025 est de 12 millions de tonnes à la fin de l’année (80 % de recyclage). Le béton est 100 % éco-recyclable de façon répétée : il peut être démoli pour isoler le ferraillage et ensuite être réutilisé infiniment. Quand on est objectifs, l’on constate que pour les débouchés du bois, selon une étude de la FCBA (Institut technologique Forêt Cellulose Bois-construction Ameublement), 10 % terminent à la décharge et 50 % en valorisation énergétique, et les 40 % restants sont recyclés en panneaux de bois. Au final, il n’y a que 5 % du bois qui est recyclé (40 % des 12 % collectés) : c’est une réalité qu’il faut avoir en tête.
C'est un fait : la tendance actuelle est à la glorification de la construction bois, ce qui entraîne une forme de distorsion de concurrence justifiée, de la part des pouvoirs publics, par la nécessité de bâtir plus vertueux. La situation n'est-elle pourtant pas plus complexe ?
La volonté politique est de pousser la filière bois, c’est indéniable, faisant fi d'une réalité scientifique moins manichéenne que celle rangeant les matériaux nobles - le bois - d'un côté et leur pendant polluant - le béton - de l'autre. Les externalités positives du bois sont d’ailleurs souvent surévaluées par certains biais méthodologiques, et ses émissions carbones en fin de vie minorées. En France, l’on se base sur une ACV (analyse du cycle de vie) dynamique simplifiée, spécifique à notre pays et différente de l’ACV normalisée à l’échelle européenne ; si l’on se réfère à l’ACV européenne, l’empreinte carbone est similaire entre le bois et le béton. La seule différence est que, dans le cas du béton, le CO2 est émis aujourd’hui, alors que pour le bois, les émissions se font 30 ou 40 ans plus tard, au moment de la destruction. Pour résumer, les législateurs ont considéré que les émissions futures ont une plus faible empreinte que les émissions présentes, ce qui est une vision assez court-termiste. Le principe d’équité impose de considérer de manière objective la valeur de l’empreinte carbone selon les critères d’une seule ACV normalisée européenne.
Vous contestez le principe de péréquation entre matériaux. Pouvez-vous préciser ?
Je plaide pour une libre concurrence entre matériaux, et le béton n’a pas à rougir, car il est innovant et permet de décarboner en entretenant la circularité à coûts maîtrisés. De plus, la mixité des matériaux permet de créer des bétons de bois, des bétons biosourcés, intégrant du biochar, etc. Le bois a, quant à lui, des taux de collecte encore faibles. La question qu’il faut se poser, c’est : pourquoi cette faiblesse ? Est-ce un problème de tri sur les chantiers, de coûts de fonctionnement ? Il faut analyser le problème pour pouvoir le résoudre, plutôt que d’utiliser le principe de péréquation en faisant payer injustement et indûment les autres filières.
L'association "Le collectif des éco-organismes" a été créée afin de structurer une action collective et d'accompagner l'évolution des filières REP, pour "davantage de lisibilité, de clarté des objectifs et de collaboration". 22 éco-organismes se regoupent ainsi sous la forme d'une association loi 1901. Le but : fédérer pour parler d'une même voix et être plus audibles de la part des pouvoirs publics et des parties prenantes. Plusieurs éco-organismes de la filière PMCB sont engagées dans le collectif, à l'image d'Ecominéro, Valobat ou Valdelia.