Le ZAN bientôt réduit à peau de chagrin ? Il en prend le chemin. Le Sénat a débuté mercredi 12 mars en séance, l’examen de la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, dite « Trace ». Les débats d’ores et déjà animés, continuent ce jeudi 13 et s'étireront jusqu'à un vote solennel prévu mardi 18 mars.
Changer de méthode
La majorité sénatoriale, une alliance entre Les Républicains et les centristes, ne cesse de fustiger les contraintes pesant sur les élus locaux dans le cadre du ZAN, qui fixe un objectif très ambitieux depuis la loi Climat et résilience de 2021 : stopper l'étalement urbain d'ici 2050. A cette date, toute nouvelle surface urbanisée devra ainsi être compensée par la renaturation d'une surface équivalente.
« Une logique planificatrice et dirigiste des gouvernements successifs », s'alarme le sénateur LR Jean-Baptiste Blanc, qui a appelé en ouverture des débats à « changer de méthode, changer cette planification descendante ». Avec le centriste Guislain Cambier, il porte cette proposition de loi pour suggérer divers aménagements, après de premiers assouplissements déjà votés en 2023 avec la loi du 20 juillet « visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux ».
Objectif intermédiaire différencié en 2034
Le jalon intermédiaire, prévu par la loi Climat et résilience qui prévoyait de réduire de 50% l'artificialisation des sols en 2031 par rapport à la période 2011-2021, a été supprimé ce jeudi par les sénateurs. Cet objectif national « contraignant » est remplacé par un jalon intermédiaire « différencié » en 2034. Son chiffrage sera à la main des collectivités territoire par territoire, et pourra donc, selon les cas de figure, être inférieur aux 50% actuellement en vigueur.
« Il faut tenir compte des rythmes des uns et des autres et non pas avoir une borne arithmétique qui s'imposerait à tout le monde », s'est justifié Guislain Cambier, qui prône « le dialogue et la territorialisation ».
Courroux de la gauche et de l’exécutif
Si la rapporteure du texte Amel Gacquerre a répété que ce jalon aménagé demeurerait « crédible » au vu de la trajectoire 2050 de sobriété foncière, la gauche s'est vivement opposée, craignant un « renoncement ». Le socialiste Simon Uzenat a fustigé une « prime au moins disant » : « Comment des élus qui sont volontaires pour réduire de 50% à l'horizon 2034 pourront-ils accepter que dans le territoire d'à côté, il ne soit pas fait autant d'efforts ? » s'est-il interrogé. « On ne peut engager la différenciation qu'à partir du moment où il y a un objectif clair, simple, vérifiable, mesurable », a-t-il ajouté.
Le ministre de l'Aménagement du territoire François Rebsamen s'est dit du même avis, estimant « indispensable » le maintien d'un objectif intermédiaire global. « La liberté totale laissée à chaque région de fixer son propre objectif ne garantira pas l'atteinte d'un objectif global de réduction au niveau national », a-t-il constaté. Son amendement de « compromis » visant à repousser de 2031 à 2034 l'objectif intermédiaire du ZAN a été rejeté.
Bye, bye « ZAN »
Les sénateurs souhaitent également exclure du décompte du ZAN, jusqu'en 2036, les implantations industrielles, les infrastructures de production d'énergie renouvelable et les constructions de logements sociaux dans les communes qui en sont déficitaires.
Plus symbolique, les sénateurs proposent de supprimer l'appellation du ZAN – « devenue un repoussoir » selon eux - au profit de l'acronyme « Trace ».
« Détricotage complet du ZAN »
Autant d'aménagements qui inquiètent au plus haut point une partie de la gauche, et notamment le groupe écologiste, qui a tenu mardi une conférence de presse pour dénoncer une « loi de détricotage complet du ZAN ». « Nous dénonçons cette capitulation par rapport aux enjeux essentiels de sobriété foncière », a fustigé le sénateur de Paris Yannick Jadot.
« Recréer de l’incertitude », une fausse bonne idée
L'initiative du Sénat va rapidement être éclairée par une mission parlementaire de l'Assemblée nationale, menée par la députée Renaissance Sandrine Le Feur et dont les conclusions, attendues fin mars, « s'opposeront à la proposition de loi du Sénat », selon l'entourage de la présidente de la commission Développement durable de l'Assemblée.
Les associations d'élus aussi accueillent diversement cette initiative. « Changer toutes les règles alors que tout le monde s'est mis au travail, recréer de l'incertitude chez les élus, je ne sais pas si c'est la meilleure des choses », s'est interrogé Sébastien Martin, président d'Intercommunalités de France.