Au-delà des inquiétudes légitimes persistantes des élus sur la mise en œuvre du zéro artificialisation nette (ZAN) à l’horizon 2050, le temps est venu de se pencher sur les méthodes pour y parvenir. Lors d’un atelier qui s'est tenu le 21 novembre 2023 à l’espace Adaptation des territoires du Salon des maires et des collectivités locales, trois experts ont apporté leur pierre à l’édifice.
Le ZAN implique de penser la ville différemment, de sortir de l’étalement urbain et donc de densifier. Marc-Olivier Padis, directeur des études du think-tank Terra Nova le rappelle : « Le ZAN est une contrainte mais c’est aussi une opportunité pour les territoires car cela va redonner de la capacité d’agir à des espaces centraux qui étaient en perte de valeur ».
Accompagner la densification du péri-urbain
Mais certains centres villes sont déjà très, voire trop denses, souligne-t-il. « Ajouter des équipements dans le cœur le plus dense des villes entraînera un surcoût car le niveau de densité apporte de la complexité ». C’est donc dans les espaces intermédiaires que la densification est opportune d’un point de vue économique, « là où l’on peut ajouter du logement en utilisant les équipements, les réseaux qui sont déjà en place ».
Révéler le foncier invisible
Un constat que partage Brigitte Bariol-Mathais, déléguée générale de la Fédération française des agences d'urbanisme (FNAU) pour qui il est nécessaire de « révéler le foncier invisible. Dans certaines villes, la dynamique est enclenchée avec les politiques de reconquête des centres villes. Mais dans le péri-urbain, on a moins d’action publique. Il faut donc trouver des modèles économiques permettant une densification intelligente » de ces territoires. Pour la déléguée générale de la fédération, « il s’agit d’un travail de dentelle qui nécessite un accompagnement. Si on laisse faire du démembrement à tout-va, on risque de perdre beaucoup en qualité ». Car la question du péri-urbain est un enjeu non seulement foncier, d’habitat, de qualité de vie mais plus globalement d’aménagement du territoire : « C’est l’occasion d’amener des services, de rapprocher ces territoires des centres urbains en s’appuyant notamment sur le transport ferroviaire avec la mise en place prochaine de RER métropolitains », ajoute-t-elle.
Anticiper
Pour Timothée Hubscher, directeur de la BU Planification et Résilience Territoire chez Citadia (Groupe Scet), le défi du ZAN c’est l’anticipation. « Si on ne travaille pas aujourd’hui sur la capacité à anticiper et à jouer des péréquations entre ce qui va être plus facile à sortir car potentiellement rentable, ce qui ne le sera pas ou difficilement, au bout du compte, il faudra des subventions ». Dit autrement, « il ne faut pas penser aujourd’hui ; on focalise beaucoup sur "va-t-on être capable de faire - 50 % d’ici 2031 ?". Il y a de très grandes chances qu’on n’y arrive pas, mais lançons-nous maintenant pour préparer 2040-2050. »
Faire accepter
L’anticipation permettra en outre d’éviter bien des conflits et de faire accepter ce changement de paradigme qu’implique le ZAN. Marc-Olivier Padis considère en effet que pour mener à bien les projets, il faut une « démarche de co-construction, et pas seulement de concertation avec les habitants ». Ainsi qu'une bonne dose de « pédagogie de la part des élus pour embarquer tout le monde et travailler de manière très étroite avec les habitants et les usagers sur cette nouvelle manière d’habiter et de se déplacer », abonde Brigitte Bariol-Mathais.
Timothée Hubscher considère lui, que « le ZAN a été trop discuté entre sachants sur la manière de faire comprendre ce qu’il impliquait ». Pourtant, les efforts de sobriété ne datent pas d’hier. « Cela fait plus de 10 ans qu’on supprime des zones à urbaniser dans les documents d’urbanisme. Parfois certains territoires ont déjà atteint les -50 %.
Une question de projet de territoire, pas de chiffres
En somme, pour le directeur de Citadia, le ZAN est une « question de projet de territoire. Il ne peut pas se résumer à une équation ». L’enjeu est finalement de savoir « comment on veut vivre dans les territoires en 2050 ? C’est le projet qui permettra d'atteindre l'objectif. Ne s’attacher qu’aux chiffres ce n’est pas de l’urbanisme ».