Proposition de loi promise, proposition de loi déposée. Un mois après la présentation du rapport d'information, issu des travaux du groupe de suivi des dispositions législatives et réglementaires relatives à la stratégie de réduction de l'artificialisation des sols, le Sénat dépose une proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus (Trace) locaux. Malgré les assouplissements apportés par la loi – elle aussi d'initiative sénatoriale – du 20 juillet 2023, « des difficultés et blocages persistent dans de nombreux territoires, notamment ruraux ».
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Le ZAN, « un sigle désespérant »
A tel point que le zéro artificialisation nette (ZAN) est devenu « un sigle désespérant pour de nombreux élus locaux, synonyme de trajectoires de sobriété foncière imposées aux collectivités sans tenir compte des spécificités et des dynamiques territoriales », relève l’exposé des motifs. Le texte, court (cinq articles), entend revoir « avec plus de réalisme et de sens pratique » les modalités de mise en œuvre du ZAN.
Décompte de la consommation d’Enaf maintenu après 2031
Il entend tout d'abord pérenniser la mesure de l'artificialisation par le décompte de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers (Enaf), comme c'est actuellement le cas jusqu'en 2031. « Ce mode de comptabilisation, connu et compris des élus locaux, permet aux collectivités de mieux piloter leur artificialisation à travers leurs documents d'urbanisme et d'assurer un suivi en temps quasi réel des consommations foncières », explique l’exposé des motifs.
La notion d’artificialisation des sols posée à l’article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme est dans ce contexte réécrite et définie plus simplement comme « la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers », celle-ci consistant en « la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés ». Quant à la renaturation ou désartificialisation, il s’agirait de « la transformation effective d’espaces urbanisés ou construits en espaces naturels, agricoles et forestiers. »
Diminution tendancielle de la consommation d’Enaf
Autre assouplissement envisagé : la suppression de l’objectif intermédiaire de réduction de moitié de l'artificialisation à l'échelle nationale sur la décennie 2021-2031 par rapport à la décennie précédente. L’article 191 de la loi Climat et résilience serait réécrit comme suit : « Afin d’atteindre un objectif national d’absence de toute consommation nette d’[Enaf] en 2050, la trajectoire nationale de sobriété foncière se traduit par une diminution tendancielle de la consommation d’[Enaf]. »
La fixation d'objectifs de réduction de l'artificialisation continuerait cependant à relever des régions « à qui il serait loisible de fixer des objectifs plus ou moins ambitieux de réduction de la consommation d'Enaf, sans horizon temporel prédéfini ».
Calendrier encore repoussé
Afin de laisser davantage de temps aux collectivités pour « anticiper la baisse de leurs possibilités d'artificialisation », les dates butoirs de 2027 pour les Scot et 2028 pour les PLU sont repoussées « à respectivement 2031 pour les Scot et 2036 pour les PLU(i) et cartes communales ». De même, les régions pourront procéder à une nouvelle modification de leur Sraddet jusqu'au 22 août 2026 (actuellement la date limite est le 22 novembre 2024).
Décompte séparé pour les Pene
Par ailleurs, le texte « acte l'exclusion et la non-mutualisation des projets d'envergure nationale et européenne (Pene) au sein des enveloppes de consommation d'Enaf fixées aux niveaux régionaux et locaux ». Objectif : s’assurer que ces enveloppes ne soient pas grevées par des projets ne relevant pas de l'initiative de la région ou des collectivités, précise l’exposé des motifs.
En l'absence d'enveloppe nationale de consommation d'Enaf, l'État devra définir « une trajectoire de réduction de l'artificialisation induite par les Pene sous maîtrise d'ouvrage de l'État ou de ses établissements publics compatible avec l'objectif chiffré défini pour l'horizon 2050. »
La conférence régionale, une instance de territorialisation de la sobriété foncière
Enfin, l’actuelle conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l'artificialisation des sols deviendrait la conférence régionale de la sobriété foncière. Outre la modification de son intitulé, sa composition serait également revue afin « d'en faire une véritable instance de dialogue, de concertation et de délibération, à qui il serait conféré un pouvoir décisionnel ». Les communes et EPCI compétents en matière d'élaboration des documents d'urbanisme y seraient représentés.
Et pendant ce temps-là, à l’Assemblée...
Une mission d'information sur le ZAN a été créée mardi 12 novembre, dans un contexte où cette politique visant à lutter contre la bétonisation des terres est remise en question par une partie de la majorité. La présidente de la commission du développement durable, Sandrine Le Feur (Ensemble pour la République - Finistère), devrait être candidate pour être co-rapporteure de la mission, avec un député du groupe centriste Liot, selon son entourage.
La députée se dit « très inquiète des positions de Michel Barnier lors de sa déclaration de politique générale, très inquiète des positions des Républicains et du Sénat sur ce sujet ». « J'entends la difficulté des élus locaux mais en aucun cas je ne souhaite revenir sur les objectifs de la Zéro artificialisation nette », a-t-elle dit. « Aujourd'hui on a assez artificialisé et on est capable de faire avec ce que l'on a », a-t-elle plaidé.
Une fois les co-rapporteurs désignés, dans une quinzaine de jours, la mission aura six mois pour rendre son rapport.
(Source : AFP)