1/4 Entretien avec Pierre-Eric Spitz Directeur des affaires juridiques de la Ville de Paris La Ville de Paris va informatiser tous ses marchés

La Ville de Paris est l’un des plus gros acheteurs publics français : elle passe chaque année plus de 12 000 marchés, dont 1 200 à l’issue de procédures formalisées, le tout pour plus de 2 milliards d’euros. Pour maîtriser au mieux ses achats, elle s’est engagée, en janvier 2006, dans un projet ambitieux, dénommé « EPM » (Elaboration et passation des marchés). Pierre-Eric Spitz, magistrat administratif de formation, nous explique le défi que la Ville s’est lancé.

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Quel est le constat qui vous a amené à concevoir le projet EPM ?

Le projet EPM est né de quatre constats. Tout d’abord, la Ville ne disposait pas d’une direction des marchés publics, mais seulement d’un bureau aux finances. Ensuite, les systèmes d’information de la Ville, et en particulier ceux traitant les marchés publics, étaient très anciens. Ces systèmes étaient de surcroît hétérogènes ; ils ne permettaient pas aux directions de travailler entre elles et ne comportaient aucune aide à la rédaction. En troisième lieu, il a fallu se rendre à l’évidence d’une rigueur accrue du droit des marchés publics et s’y adapter. Cela imposait un accompagnement des services. Enfin, le Secrétaire général de la Ville, M. Guinot-Delery, a lancé un vaste programme d’informatisation des services au sein duquel on a inséré le projet EPM pris en charge au sein de la Direction des affaires juridiques par son directeur adjoint Xavier Libert. Ainsi, aux côtés d’EPM, le projet Alize permettra l’informatisation du budget de la Ville à partir du 1er janvier 2008 ; celui du département de Paris est déjà opérationnel depuis le 4 mai. Tout ceci s’intègre dans le programme Sequana, un défi ambitieux que les élus et managers de la collectivité ont décidé de relever. J’ajoute qu’avec EPM, mon objectif est de parvenir à réduire les contentieux liés à la passation des marchés.

Quel est le périmètre d’EPM ?

EPM couvrira toutes les procédures prévues par le Code des marchés publics à partir de 4 000 euros HT, et ce pour toutes les entités de la Ville. Il aidera les utilisateurs dans la rédaction du dossier de consultation des entreprises (DCE) : acte d’engagement, règlement de la consultation et, bien sûr, avis d’appel public à la concurrence. Les documents techniques seront traités séparément, mais l’outil comprendra une bibliothèque de modèles. Il gérera les délais de chaque procédure, avec des alertes, traitera les incidents et ce, jusqu’à la notification du marché. A partir de la notification, c’est le projet Alize qui prendra le relais et traitera tous les aspects de l’exécution : ordres de service, bons de commande, règlement du titulaire. Les factures resteront établies au format « papier » et seront saisies dans Alize. L’archivage des procédures et des marchés est en cours de gestation, mais la fonctionnalité est bien évidemment prévue.

Quelles sont les fonctions attendues ?

Tout d’abord, il s’agit d’organiser un processus de traitement des tâches et des données de chaque procédure de passation. En ce sens, EPM permettra de suivre les procédures en temps quasi réel et d’alerter si nécessaire le responsable. Le système permettra à la direction des affaires juridiques de rentrer des modifications dans les clauses, de manière à ce qu’elles soient immédiatement applicables dans tous les services. EPM évitera aussi les contradictions toujours possibles entre les documents du DCE. Enfin le logiciel vise à favoriser une professionnalisation accrue des quelque 1 200 acheteurs de la Ville. Grâce à la mise en œuvre de ce projet, ils seront mieux documentés, mieux formés, plus productifs.

Y a-t-il d’autres fonctions ?

Oui. EPM prendra en charge les tâches matérielles, notamment les rapports à la Commission d’appel d’offres (CAO), l’envoi des convocations et des ordres du jour et permettra une uniformisation des documents. Cela facilitera leur analyse par les membres de la CAO. L’outil comprend également une fonction de « reporting » : cela nous permettra de connaître nos fournisseurs et d’améliorer notre fonctionnement. Enfin, EPM contiendra des clausiers adaptés en fonction des évolutions.

Quel est le coût du projet EPM ?

Le marché pour la réalisation de ce projet s’élève à 1,5 million d’euros TTC, somme à laquelle peuvent s’ajouter des bons de commande, dans une fourchette de 200 000 à 800 000 euros TTC. Soit un maximum de 2,3 millions d’euros TTC.

Quelle a été la procédure de passation du marché ?

EPM a été attribué à l’issue d’un dialogue compétitif. C’était le premier dialogue compétitif engagé par la Ville de Paris. Il s’agissait d’un projet complexe, pour lequel il était indispensable de dialoguer avec les experts afin d’identifier les solutions envisageables. La procédure a été lancée en janvier 2006. Nous avons auditionné les candidats à trois reprises. Il y avait quatre candidats au début et deux à la fin. L’attribution a été décidée en janvier 2007 et le marché notifié le 23 février. La période de conception s’est achevée fin juillet, et la réalisation proprement dite va s’étendre jusqu’en avril 2008. Nous engagerons alors une phase de test jusqu’en octobre 2008 et le déploiement aura lieu fin 2008. Les formations des personnels auront lieu à partir de septembre. Comme vous voyez, le calendrier est a priori calé !

Pourquoi avoir retenu un projet « Open Source » ?

Dès le début, nous avons indiqué dans le dossier de consultation qu’une solution « open source » serait appréciée, sachant qu’il y avait une volonté politique de privilégier cette solution tout en respectant le principe d’égalité et l’offre existante sur le marché. Pour sécuriser le dispositif contractuel, des clauses de propriété intellectuelle, notamment des obligations de mise à disposition du « libre » de l’ensemble des codes sources constituant la solution ont été imposées. Le titulaire, la société Atexo, s’engage à nous remettre l’ensemble de ses sources, à animer un club utilisateurs et à promouvoir la solution. De son côté, la Ville validera en distinguant ce qui relève d’une « licence libre » et de développements spécifiques dont elle reste propriétaire.

Quid des échanges avec les entreprises ?

C’est l’un des enjeux majeurs d’EPM. En pratique, nous avons opté pour le fonctionnement en mode ASP (ndlr : ce qui évite d’imposer aux entreprises l’installation d’un logiciel). Et nous allons mener une action importante en direction des entreprises. Nous voulons les mobiliser pour qu’elles s’engagent enfin à répondre par voie électronique aux consultations lancées par la Ville.

Quelle est l’efficacité attendue avec EPM ?

La première question à se poser me paraît être la suivante : que coûte actuellement l’achat public ? Et, si je puis me permettre, que coûtent les erreurs de procédure qui obligent à tout recommencer ? Le budget de la Ville de Paris atteint 6,7 milliards d’euros et ses achats s’élèvent à plus 2 milliards. Il est indispensable de professionnaliser l’outil de gestion et d’analyse de ces achats, justement pour en évaluer l’efficacité à long terme.

Comment les entreprises accéderont-elles à EPM pour soumissionner à un marché ?

Très simplement, sur notre site Internet : www.paris.fr. Elles pourront ensuite s’inscrire pour recevoir les consultations qui les concernent. Au-delà, nous souhaitons, sous l’autorité de Mireille Flam, adjointe au Maire chargée des marchés publics, que les autres collectivités intéressées puissent nous rejoindre. Mais Paris ne s’est pas fait en un jour...

Le logiciel EPM couvrira toutes les procédures du Code des marchés publics

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