Le chantier de rénovation-reconstruction de la cité minière 12/14 à Lens sera lancé en début d’année prochaine. Ce sera une des toutes premières déclinaisons du schéma directeur d’Euralens, conçu par Michel Desvigne et Christian de Portzamparc, dans l’une des cinq « écocités » proches du Louvre-Lens inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Cette opération est le fruit d’un premier concours d’architecture organisé par Maisons et Cités Soginorpa, le bailleur social qui détient 60 000 anciens logements miniers. Ce concours, qui a suscité en 2011 une soixantaine de réponses, amorce la réflexion sur le logement au cœur d’Euralens. « Il a aussi été l’occasion de sortir d’un conflit qui opposait le maire et l’architecte des bâtiments de France sur la protection patrimoniale de la cité », explique Dominique Soyer, directeur de Soginorpa.
40 logements à l'hectare
Situées dans un croissant urbain limité par les routes de Béthune et de la Bassée, les cités des Fosses 12 et 14 comptent un millier de logements, dont un tiers occupé par d’anciens mineurs ou leurs veuves. L’équipe Patou-Tandem avait établi en 2009 un schéma directeur pour renouveler ce quartier qui compte plusieurs poches d’habitat à démolir. Aujourd’hui, cette restructuration est une priorité pour Maisons et Cités et la municipalité qui l’ont d’ailleurs présentée en septembre au ministre délégué de l’Égalité des territoires et du Logement, François Lamy. Car l’enjeu est bien ici de refaire la ville sur la ville. Dominique Soyer veut s’inspirer des concepts de Jérémy Rifkin sur la Troisième révolution industrielle qui vont être testés, dans le cadre de son master plan régional, sur une autre éco-cité du Louvre (la cité du 9) : « Nous aimerions sur 100 à 150 logements nous poser toutes les bonnes questions, en termes d’urbanisme, de construction et de développement durable », souligne-t-il. La Soginorpa voudrait explorer aussi bien les matériaux (un chiffrage complet d’une isolation au Métisse, un isolant à base de fibres textiles a déjà été demandé) que l’utilisation du vide minier (les anciennes galeries qui bénéficient d’une température de 34-35°) et souhaite que le PUCA accompagne cette expérimentation qui nécessitera des dérogations aux règles d’urbanisme.
Les six équipes admises à concourir (BNR, Atelier Fernandez&Serres, Pattou-Tandem, Atelier Philippe Madec, MG-AU et Saison-Menu) ont travaillé sur une parcelle de trois hectares entre la rue Cook et la rue Chaplain. Le cahier des charges demandait une densification avec 40 logements à l’hectare, contre 16 sur le reste de cette cité reconstruite après la première guerre mondiale.
Chemins jardinés
Les architectes ont proposé deux scénarios : démolir les douze dernières maisons de la rue Cook et tout reconstruire ou les rénover et construire le reste de l’opération en neuf. C’est le projet BNR (Babled-Nouvet-Reynaud) qui a été retenu sur le second. Le plan-masse décline le concept de chemins jardinés mis en avant par Michel Desvigne. Les voiries des deux rues nord-sud sont réduites pour ne plus circuler qu’à sens unique et le stationnement remplacé par des marges végétales. « J’ai fait basculer les rues Cook et Chaplain d’un ruban linéaire de distribution, à des espaces fuselés ouverts vers des points d’attraction », explique l’architecteThibaud Babled. Ce dernier a inséré entre les deux un troisième fuseau, un espace vert déambulatoire. Ces trois chemins jardinés sont croisés par des sentes qui irriguent d’est en ouest la parcelle. Celles-ci ont été positionnées en quinconce comme les maisons réhabilitées de la rue Cook. « Ces maisons disposées comme des petits soldats, ont été la matrice de tout le projet », dit l’architecte qui évoque la « vibration » du plan-masse liée à cet écheveau tissé entre les sentes et les chemins jardinés.
L’équipe rénovera dans une première phase les 12 maisons de la rue Cook en supprimant leurs extensions. Actuellement réparties en trois logements elles seront reconfigurées en deux. Thibaud Babled propose également deux nouveaux types d’habitat. Il va construire perpendiculairement à la rue Chaplain des maisons mitoyennes groupées 2 à 2 qui utilisent le vocabulaire lié à la tradition de construction locale : la brique de parement de Leers, très texturée. Dans ces maisons de forme très géométrique, il vise à interroger « le plaisir d’habiter des lieux non standard » en proposant des séjours avec trois mètres de hauteur sous plafond.
Le long des sentes, il introduit un concept de longère : « la longère accompagne le tracé de la sente, elle constitue une peau et un seuil vis-à-vis de l’espace public » explique t-il. Il les décline en trois modèles regroupant deux à trois logements (T3,T4,T5). « La mitoyenneté est au cœur de la cité, ici je la propose au cœur du logement ». Ces longères sont dotées d’une toiture à faitage incliné qui englobe avec les lignes de rives les différents logements aux volumétries simplex et duplex dans un seul et même corps de bâtiment. « Pour garantir un vieillissement pérenne du parement bois il faut faire des choses extrêmement simples, de grands aplats sans interruption, sans obstacle » indique le maître d’œuvre.
Enfin trois petits collectifs de dix logements sont répartis aux extrémités de la parcelle sur lesquels Thibaud Babled utilise une teinte de brique blanche pour ponctuer certains encadrements et dessiner sur les pignons des flèches identifiant les entrées : « J’ai eu envie d’interroger cette question de l’ornement modeste, si présent dans les cités et reflet d’une profonde humanité. Avec ces ornements nous sommes respectueux de l’histoire minière ».