ALSACE « Financer en partie une mosquée par nos impôts ne me heurte pas »

Entretien avec Joseph Doré, archevêque de Strasbourg

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L'archevêque de Strasbourg multiplie les signes d'ouverture aux débats qui, au-delà des catholiques, intéressent tous les citoyens. En cette fin 2003, dans la capitale alsacienne, sa participation aux manifestations culturelles qui accompagnent Noël en témoigne, de même que ses réponses aux questions du « Moniteur » sur la construction et l'entretien des lieux de culte dans les régions concordataires.

Les contributions publiques de 10 % au financement des lieux de culte semblaient faire l'objet jusqu'ici d'un consensus en Alsace et en Moselle. Quels commentaires vous inspire le débat suscité à ce sujet par le projet de grande mosquée de Strasbourg ?

Concernant la part de financement public pour la construction d'une église catholique ou protestante, la pratique est habituelle en Alsace-Moselle. Pour les mosquées, cette pratique est, à l'heure actuelle, moins établie ou moins connue. Les salles de prière sont souvent non seulement discrètes, voire cachées, mais misérables et même indignes de recevoir nos compatriotes musulmans. Le fait que nos impôts, par le truchement des taxes locales, financent en partie la construction d'une mosquée ne me heurte pas. Au contraire. L'Islam est une religion importante en France, et il n'est pas choquant de permettre à nos compatriotes musulmans, ou aux étrangers musulmans résidant sur le territoire national, de prier dans des conditions dignes, respectant la sécurité, en conformité avec les règlements, et même en soignant la beauté extérieure et intérieure des lieux.

Le débat sur le financement de la future grande mosquée de Strasbourg ne me semble pas exempt d'ambiguïtés, qui sont sans doute, pour une part, le fruit de certaines peurs et, peut-être aussi, de courants « laïcs intégristes » qui ne veulent pas comprendre que la laïcité n'est pas l'exclusion des religions du champ social, mais le cadre exigeant d'un respect mutuel de toutes les composantes de la société française.

Lors de l'inauguration récente des nouveaux locaux des amis de la cathédrale de Strasbourg, le président Jean-Paul Lingelser a souhaité une reprise des réunions du comité scientifique réunissant les spécialistes de la restauration de ce monument. Vous associez-vous à cette demande ?

La cathédrale Notre-Dame de Strasbourg est d'abord un lieu de prière et de célébration, un lieu de foi partagée et de rassemblement d'un peuple. C'est le coeur du diocèse d'Alsace. Comme son nom l'indique, elle est le lieu où l'évêque a son siège (la cathèdre). Mais notre cathédrale est aussi un monument extraordinaire par son histoire, ses dimensions, sa charge esthétique, ses problèmes techniques et ses exigences, lourdes à bien des égards. Enfin, la cathédrale dépasse et son affectataire, l'archevêque de Strasbourg, et les habitants de la ville de Strasbourg qui l'ont voulue et construite, et les paroissiens ou diocésains qui la fréquentent aujourd'hui, et même les touristes - près de 3 millions chaque année - qui s'y arrêtent un instant. La cathédrale appartient au patrimoine symbolique de l'humanité. A ce titre, et comme chef-d'oeuvre architectural et culturel, elle mérite l'attention des scientifiques et de beaucoup d'autres amoureux de ces « vieilles pierres » qui montrent si bien le chemin aux hommes, pour peu qu'ils veuillent bien la regarder, la contempler, l'habiter. Un comité scientifique peut certainement, dans ce contexte, apporter sa pierre à l'édifice !

La baisse des pratiques des religions chrétiennes dans nos régions a-t-elle un impact sur l'entretien du patrimoine concerné et sur la construction de nouvelles églises ?

Paradoxalement, la baisse de pratique n'entraîne pas un abandon des édifices cultuels ou une désaffection à l'égard de leur entretien. En Alsace, les mises en conformité, les rénovations, les travaux de réhabilitation intérieure, la restauration des orgues ou leur construction, l'entretien des cloches, la mise en place de vitraux d'art ou leur réparation n'ont peut-être jamais été aussi nombreux. Je suis très reconnaissant aux collectivités territoriales, aux fabriques d'églises, aux curés et aux nombreux et généreux donateurs qui, non seulement rendent ces actions possibles, mais permettent qu'elles soient si réussies. Enfin, c'est pour moi l'occasion de féliciter, pour leur travail remarquable, les patrons, artisans, compagnons ou ouvriers de tous les corps de métiers qui mettent leur savoir-faire, leur habileté et leur passion au service de nos églises et de nos chapelles.

PHOTO : Joseph Doré : «La baisse de pratique n'entraîne pas un abandon des édifices cultuels.»

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