Quelle idée de vouloir faire un bâtiment à énergie positive pour y loger 80 km de rayonnages d’archives, sur un site contraint au cœur de Lille ! En exigeant une température constante de 19 °C et un taux d’hygrométrie de 50 % (± 10 %), la doctrine française en termes de conservation imposait implicitement, du moins au moment du concours, l’usage de la climatisation. « Nous craignions les pannes et voulions profiter de ce programme pour faire une expérimentation thermique pointue », se souvient André Michel, à la direction des grands projets.
Au même moment, les Archives nationales conçoivent le bâtiment de Pierrefitte-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis (voir « Le Moniteur » n° 5602 du 8 avril 2011, page 30), en se posant les mêmes questions que les Nordistes. La doctrine évolue, poussée par une conjonction d’événements : sinistres plus fréquents, même sur des bâtiments récents, Grenelle de l’environnement et projets ambitieux sur le plan énergétique… La Direction des archives de France révise ainsi, en 2009, ses « règles de base pour la construction et l’aménagement d’un bâtiment d’archives », prônant, avant tout, « l’absence de variations thermohygrométriques brutales ». La porte des bâtiments à inertie lourde est alors ouverte.
« Nous voulions d’abord un bâtiment sobre, raconte André Michel, avec peu d’énergie de compensation. » Facile a priori pour un bâtiment de 14 000 m² de Shon, qui ne nécessite aucune ouverture sur l’extérieur pour ses 49 magasins d’environ 200 m² répartis sur sept niveaux. Vainqueurs du concours en conception-construction, Norpac avec les architectes De Alzua et ZigZag, Betom Ingénierie, Cap Terre et Sodeg (devenue depuis Artelia Nord) proposent ainsi un bâtiment simple à structure poteaux-poutres en béton avec un remplissage en blocs de béton cellulaire. L’isolation sera le point clé, et le chantier, mené en un peu plus de deux ans, révèle de nombreux points singuliers à traiter (voir pages suivantes).
Aucune variation brutale
« Nous ne voulions pas de technologies complexes de ventilation, pour limiter les risques de pannes et les coûts d’exploitation », précise le directeur du projet. Avec deux contraintes de taille : contenir la température entre 16 et 22 °C avec une variation maximale de 1 °C par jour, et garantir une hygrométrie de 40 à 60 % variant au plus de 1 % par jour et 5 % par semaine. Les faibles besoins énergétiques (7 kWhep/m².an en chauffage et 9 kWhep pour l’électricité) permettent de se satisfaire de 300 m² de panneaux photovoltaïques en toiture, et d’une cogénération à huile végétale d’une puissance thermique de 18 kW qui alimentera la machine à dessiccation. Cette dernière permet à la fois de contrôler la température et l’hygrométrie de l’air brassé dans chacun des 49 magasins. Les trésors du Nord sont maintenant en sécurité.
