La technologie du béton précontraint a été inventée par l’ingénieur Eugène Freyssinet dans les années 1920. Elle consiste à accroître la résistance du béton par pré-tension de fils d’acier intégrés dans la poutre avant que le béton ait fait sa prise. Le relâchement après durcissement provoque une compression du matériau. L’origine des poutres et poutrelles précontraintes remonte aux années 1950-1960 en pleine période d’industrialisation du bâtiment. Epoque dominée par le logement collectif et l’urgence de la reconstruction qui privilégiaient surtout la préfabrication de composants lourds. La poutrelle annonçait déjà des temps nouveaux, celui du boom de la maison individuelle à partir des années 1970-1980. Ces composants relativement légers sont manuportables. « La vocation de la poutrelle, c’est l’artisan maçon opérant sur le marché de la maison individuelle. Pour les bâtiments plus importants, d’autres solutions de plancher comme les prédalles sont employées mais requièrent l’intervention d’une entreprise générale de gros œuvre », souligne Didier Cachard, directeur distribution grands comptes chez Rector.
Deux acteurs principaux représentent ensemble 60 % du marché de la poutrelle précontrainte : Rector et KP1 (lequel est leader avec 40 % de part de marché). Cette concentration est assez exceptionnelle dans l’industrie du béton, qui compte quelque sept cents producteurs de blocs, dont près de deux cents d’entre eux produisent aussi de la poutrelle treillis. Reposant sur une technologie plus ancienne, ces poutrelles ont leurs atouts que défend le SNPT (Syndicat national du plancher treillis) : plus grande légèreté, et ergonomie (le raidisseur qui surmonte la semelle béton fait poignée). Les hourdis béton sont une production très diffuse : ce sont les mêmes presses qui servent à fabriquer les parpaings. « Il y a une très forte complémentarité entre le bloc béton et la poutrelle. Le fait que l’industrie du béton dispose d’un réseau aussi dense sur le territoire a été notre chance », remarque Jean-Marc Paris, directeur du marketing de KP1. Une force également réside dans l’interdépendance entre les familles de produits constituant le modèle constructif dominant : maison en maçonnerie de bloc béton ou brique avec isolation par l’intérieur et plaque de plâtre. Le plancher poutrelles/hourdis est au cœur de ce dispositif. « Il est très compliqué de changer une pièce du puzzle. Si vous partez sur un plancher bois, vous devez continuer en filière sèche. L’isolation par l’intérieur est corrélative d’un traitement des ponts thermiques par rupteurs au niveau du plancher. L’alternative à nos solutions c’est l’ITE, mais cela implique un corps d’état supplémentaire sur le chantier, c’est plus coûteux, souligne Jean-Marc Paris. Au total, notre modèle constructif est le moins cher de la zone euro. »
Acier : ossatures et bacs collaborants
Les poutrelles en acier sont un débouché classique de la sidérurgie. Il s’agit de produits longs laminés à chaud, avec des profils en I, en H, en U, etc. Il en existe une assez grande variété (soudées, ajourées). Cette famille de produits est distribuée via le négoce en produits sidérurgiques et mise en œuvre par les entreprises de construction métallique, les marchands de fer assurant divers services (découpe, etc.). Ces ossatures primaires sont utilisées sur les marchés du tertiaire et de l’industriel où l’acier dispose de fortes parts de marché (35 % pour le tertiaire, 80 % pour l’industriel), mais pas pour le logement individuel (où la part de l’acier est bien plus modeste, de l’ordre de 2 %). Pour ce segment, la filière acier propose cependant des solutions spécifiques, à base d’ossatures plus légères et de profilés laminés à froid (tôle pliée). Chez Arcelor Mittal Construction, Vincent Birarda évoque notamment les planchers à bacs collaborants comme par exemple le récent Cofraplus 220. Ces produits larges servent de coffrage dans la réalisation de planchers mixtes acier- béton dans le neuf et la rénovation, visant la clientèle des maçons via notamment le négoce généraliste et constituent une alternative aux planchers poutrelles/hourdis. Dans le même groupe, Eric Bonnefond (Arcelor Arval/Profil du Futur) évoque le procédé constructif Styltech pour la maison individuelle et le collectif, notamment en BBC. S’adressant à la prescription, ce système d’ossatures sur mesure avec assistance technique à l’entreprise de pose, intéresse surtout le négoce généraliste pour les produits associés (isolants et plaque de plâtre).
Bois : des solutions multiples
Côté filière bois, on songe d’abord aux solives apparentes en bois massif des demeures d’autrefois. Il s’en pose encore sans doute un peu dans le neuf, mais aussi en restauration de l’habitat ancien et sous les combles. Mais, fait observer Michel Druilhe, PDG d’Abreschviller Sciages, le mot « poutre » n’est pas employé par les scieurs. Au sortir de la scierie, il ne sait pas forcément l’usage qui sera fait par le charpentier d’une pièce de bois : solive, panne, arbalétrier ou autre… Impossible de distinguer les ossatures des planchers du marché de la charpente traditionnelle en général. En revanche, des produits manufacturés comme les poutres dérivées du bois en I sont dès l’origine destinés à servir principalement d’ossature, pour plancher. « En Grande-Bretagne, c’est la principale solution sur le marché du plancher », indique Mathieu Robert chez Metsä Wood (ex-Finn-forest), qui rappelle que plusieurs plusieurs systèmes constructifs bois peuvent être employés pour réaliser des planchers, notamment les panneaux de bois massifs (Leno) ou en lamibois (type Keto).


