BIODIVERSITÉ : UNE LOI DE RECONQUÊTE ?

10 QUESTIONS SUR… -

Quarante ans après la loi sur la protection de la nature, c'est à un enjeu vital que s'attaque la loi biodiversité du 8 août 2016 : enrayer le changement climatique, protéger l'environnement, sauvegarder la nature et le patrimoine naturel et artificiel. Pourtant, le législateur a validé une simple adaptation du droit de l'environnement : définition de la biodiversité qui entre dans les PLU, ajout de principes directeurs au droit de l'environnement, remaniement de la gouvernance des administrations en charge des politiques de la biodiversité, réparation du préjudice écologique en nature et compensation des atteintes résiduelles notables, ainsi que création d'obligations réelles environnementales. Revue en 10 questions de ces nouvelles mesures dont la mise en œuvre, notamment pour les maîtres d'ouvrage, s'avère ardue.

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1 Comment la loi définit-elle la biodiversité ? (Art. 1 de la loi)

Le droit de l'environnement est doté, à l'article L. 110-1 de son code, d'une définition de la biodiversité, qualifiée aussi par le texte de « diversité biologique ». La biodiversité est la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. L'approche de la loi est interactive : la biodiversité englobe la diversité au sein des espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants.

La loi biodiversité élargit en outre le périmètre du « patrimoine commun de la nation ». Il comprend d'une manière générale « les êtres vivants et la biodiversité », expression qui remplace celle d'« espèces animales et végétales, [de] la diversité et [des] équilibres biologiques auxquels ils participent », précédemment employée. Les « espaces, ressources et milieux naturels » qui le composent sont « terrestres et marins » et intègrent « les paysages diurnes et nocturnes ». La loi reconnaît les services écosystémiques et les valeurs d'usage (lire encadré) générés par ce patrimoine ainsi que le rôle des sols et de la géodiversité.

2 Quels nouveaux principes directeurs intègrent le droit de l'environnement ?

(Art. 2 de la loi) Expression des interactions et des relations des êtres vivants entre eux et avec leur milieu, l'environnement procure les éléments de la vie, l'eau, l'air et la nourriture, mais est également impacté par l'activité et les comportements humains. Dans une optique d'intérêt général et de développement durable, le droit de l'environnement tente de contenir ces agressions en posant des exigences de qualité de l'environnement, de sauvegarde de la nature et du patrimoine naturel et artificiel. Ainsi le droit de l'environnement repose-t-il sur des principes directeurs qui orientent la rédaction des futurs textes de nature législative ou réglementaire. La loi biodiversité complète les principes directeurs figurant à l'.

ACTION PRÉVENTIVE ET CORRECTIVE

Elle gradue d'abord l'objectif à atteindre en matière d'action préventive et de correction des atteintes portées à l'environnement. Cette action doit, par priorité à la source, éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ; à défaut, elle en réduit la portée et enfin, en dernier lieu, elle compense les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées. La loi impose un objectif d'absence de perte nette de biodiversité, sans toutefois aller jusqu'à exiger un gain de biodiversité, laissé à la bonne volonté de l'opérateur.

SOLIDARITÉ, UTILISATION DURABLE, COMPLÉMENTARITÉ

Quatre nouveaux principes sont en outre intégrés à l'.

- Le premier est celui de solidarité écologique, qui repose sur la prise de conscience de l'interdépendance des êtres vivants entre eux et avec leurs milieux. À ce titre, toute décision publique ayant une incidence notable sur l'environnement des territoires concernés doit prendre en compte les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés.

- Le législateur consacre le principe de l'utilisation durable, « selon lequel la pratique des usages peut être un instrument qui contribue à la biodiversité ». Il s'agit d'une alternative au principe de conservation de la nature par une stricte mise sous protection. Il signifie que les éléments constitutifs de la diversité biologique peuvent être utilisés d'une manière et à un rythme qui n'entraînent pas leur appauvrissement à long terme et qui sauvegardent leur potentiel à satisfaire les besoins et les aspirations des générations présentes et futures. La chasse et l'agriculture font partie de ces modes d'usage.

- L' comprend également un principe de complémentarité entre l'environnement et l'agriculture, l'aquaculture et la gestion durable des forêts. Ce principe, appliqué à la lettre de la loi, délivre à l'ensemble des activités agricoles, aquacoles et sylvicoles un certificat positif de biodiversité, sans distinguer entre les pratiques, ce que regrettent certains acteurs associatifs. D'une part, une biodiversité spécifique est reconnue aux surfaces agricoles, aquacoles et forestières. D'autre part, la loi attribue aux activités agricoles, aquacoles et forestières une qualité potentielle de « vecteurs d'interactions écosystémiques » garantissant la préservation des continuités écologiques ainsi que « les services environnementaux utilisant les fonctions écologiques d'un écosystème pour restaurer, maintenir ou créer de la biodiversité ».

- Enfin, un principe de non-régression est intégré au Code de l'environnement (lire l'interview en page 31) .

3 Quelle reconnaissance du préjudice écologique ?

(Art. 4 de la loi)

Après le vote par le Sénat de la proposition de loi du sénateur Retailleau en mai 2013, un groupe de travail avait planché, sous la direction du professeur Yves Jégouzo, sur la notion de préjudice écologique (voir

Opé. Immo. n° 81-82, janvier-février 2016, p. 6 : « Le droit de l'environnement doit-il se réinventer ? »). Le rapport, remis en septembre de la même année à la ministre de la Justice, plaidait pour faire entrer la responsabilité environnementale dans le droit commun, sous la forme d'une responsabilité sans faute. Il s'agissait de répondre aux limites, d'une part du régime de la responsabilité environnementale et du principe du pollueur-payeur de l'article L. 160-1 du Code de l'environnement, et d'autre part de l'indemnisation des préjudices matériels et moraux du désordre écologique, élaborée par le juge à la suite de l'affaire « Erika » (Cour ). Seuls étaient visés en effet les dommages causés à l'environnement par l'activité de toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui exerce ou contrôle effectivement, à titre professionnel, une activité économique lucrative ou non lucrative. La loi du 8 août 2016 fonde ainsi le régime juridique de réparation du préjudice écologique. Elle n'innove pas sur la définition du sens ou sur la portée du préjudice écologique et ne précise pas le fondement de ce nouveau régime de responsabilité. En revanche, elle rend intangible le principe de réparation du préjudice écologique par toute personne qui en est responsable (art. 1246 du Code civil). Cette responsabilité peut concerner un particulier qui, par exemple, aurait dégradé l'écosystème lors de la construction d'un logement. Le préjudice écologique est défini comme l'« atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement » (art. 1247 du Code civil). L'expression d'« atteinte non négligeable » était déjà celle retenue par les juges : la continuité de la jurisprudence ne semble pas devoir être mise en cause dans l'avenir, et seuls les préjudices les plus importants seront réparés.

En outre, le préjudice réparable est étendu à l'action de réduction ou de prévention du préjudice écologique : les dépenses exposées pour prévenir la réalisation imminente d'un dommage, éviter son aggravation ou pour en réduire les conséquences seront incluses au quantum du préjudice (art. 1251 du Code civil). Le caractère « raisonnable » de la dépense n'a finalement pas été retenu comme critère de la « réparabilité » de ce préjudice.

4 Comment s'exerce l'action en réparation du préjudice écologique ?

(Art. 4 de la loi)

La loi biodiversité fixe les règles de procédures applicables à l'action en réparation du préjudice écologique.

LA SAISINE DU JUGE

(art. 1248 du Code civil)

La loi ne reprend pas la proposition du rapport « Jégouzo » de confier la saisine du juge à une institution ad hoc, sur le modèle de la Haute autorité environnementale.

Par ailleurs, elle ouvre l'action en réparation à « toute personne ayant qualité et intérêt à agir ». Suit une énumération, non exhaustive, des personnes morales pouvant agir : l'État, l'Agence française pour la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi que les établissements publics et les associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d'introduction de l'instance dont l'objet est la protection de la nature et la défense de l'environnement. Si cette rédaction vise plutôt les professionnels pouvant avoir un intérêt à la protection de l'environnement, tels que les opérateurs de compensation (pouvant être des entreprises privées) ou un exploitant agricole faisant de l'agriculture biologique et dont le champ serait pollué, l'action n'est pas fermée en tant que telle aux particuliers ayant qualité et intérêt particulier à la protection du milieu endommagé. A priori, la qualité de propriétaire, locataire ou riverain ne serait pas suffisante pour agir, mais il reviendra au juge de trancher et d'affiner les notions d'intérêt et de qualité à agir.

LES CONDITIONS DE RÉPARATION DU PRÉJUDICE ÉCOLOGIQUE

(art. 1249 du Code civil)

La réparation du préjudice écologique s'effectue « par priorité en nature ». Les communes pourraient ainsi obtenir la remise en état d'origine des lieux, par exemple dévastés par une marée noire. Réparer le préjudice écologique « par priorité en nature » soulève des difficultés d'une extrême complexité juridique et scientifique. Le point sensible sera l'expertise qu'il faudra financer. En outre, peu d'experts indépendants sont compétents pour apprécier techniquement le préjudice, en cours de réalisation ou réalisé des années avant le prononcé de la sanction. Les propositions du rapport Jégouzo pour résoudre ces difficultés n'ont pas été retenues (financement de l'expertise d'organismes experts par la Haute autorité environnementale et agrément par les ministères de la Justice et de l'Écologie).

À défaut de pouvoir remettre les lieux en l'état ou en cas d'insuffisance des mesures de réparation, le juge condamnera le responsable à des dommages-intérêts. Ceux-ci seront affectés à la réparation de l'environnement, au demandeur ou, si celui-ci ne peut prendre les mesures utiles à cette fin, à l'État. Pour éviter le doublonnage de la réparation, l'évaluation du préjudice devra tenir compte des mesures déjà intervenues, notamment dans le cadre du Code de l'environnement. De même, l'administration qui ordonne, sur le fondement du Code de l'environnement, des mesures de réparation du préjudice écologique, devra-t-elle tenir compte des mesures éventuellement ordonnées par le juge ().

Hormis les mesures de réparation du préjudice écologique, le juge pourra prescrire les mesures raisonnables propres à prévenir ou à faire cesser le dommage (art. 1252 du Code civil). Un régime spécifique d'astreinte est créé (art. 1250 du Code civil).

PRESCRIPTION ET ENTRÉE EN VIGUEUR

La prescription court à partir de la découverte du dommage et non de sa réalisation. L'action en réparation du préjudice écologique se prescrit par dix ans à compter du jour où « le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du préjudice écologique » ().

Ce nouveau régime de responsabilité est applicable à la réparation des préjudices dont le fait générateur est antérieur à la publication de la loi biodiversité (9 août 2016), mais ne concerne pas les préjudices ayant donné lieu à une action en justice introduite avant le 9 août 2016.

La loi biodiversité attribue aux continuités écologiques un statut spécifique dans le Code de l'environnement, en exigeant notamment que les lois et règlements les préservent et prévoient leur utilisation durable ().

5 Quelle prise en compte des espaces de continuité écologique ?

(Art. 5, 81 et 85 de la loi)

PRINCIPE

Les aménagements liés aux activités humaines et la fragmentation qu'ils produisent nuisent à la biodiversité par destruction des habitats naturels. Une des mesures phares du Grenelle de l'environnement, la trame verte et bleue, vise à préserver et à remettre en bon état les continuités écologiques sur l'ensemble du territoire français pour permettre le déplacement des espèces. La continuité écologique n'est donc pas nouvelle en droit de l'environnement. Elle repose sur des réservoirs de biodiversité, milieu de vie des espèces, et des corridors écologiques, espaces favorables aux déplacements entre réservoirs de biodiversité. Les schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) ont notamment pour objet de les identifier et de les mettre en valeur.

PRATIQUE DU PLU

Par ailleurs, une nouvelle section, dénommée « Espaces de continuités écologiques », est créée au sein du Code de l'urbanisme. Elle complète l'article L. 151-41 prévoyant que le règlement du plan local d'urbanisme (PLU) peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués des « emplacements réservés aux espaces verts à créer ou à modifier ou aux espaces nécessaires aux continuités écologiques ». Désormais, un PLU pourra également classer en espaces de continuités écologiques des éléments des trames verte et bleue, « nécessaires à la préservation ou à la remise en bon état des continuités écologiques » (). Les instruments réglementaires existants, notamment certaines dispositions du règlement PLU (part minimale de surface non imperméabilisé ou éco-aménageable, localisation des éléments de paysage, sites et secteurs à protéger pour des motifs écologiques, emplacement réservé et servitudes restreignant la constructibilité dans l'attente d'un projet d'aménagement global) et les orientations d'aménagement et de programmation, pourront les protéger spécifiquement (). Les espaces boisés identifiés dans le PLU ne seront plus automatiquement classés. Ils pourront être identifiés et localisés, et des prescriptions pourront les préserver sans que cette identification fasse obstacle au régime d'exception pour les coupes et abattages d'arbres.

6 En quoi consiste l'obligation de compensation écologique ?

(Art. 69 de la loi)

LE MÉCANISME DE COMPENSATION ÉCOLOGIQUE AVANT LA LOI BIODIVERSITÉ

La compensation écologique est définie en 2010 par la Commission générale de terminologie et de néologie (placée sous l'autorité du Premier ministre) comme « un ensemble d'actions en faveur de l'environnement permettant de contrebalancer les dommages causés par la réalisation d'un projet, qui n'ont pu être évités ou limités ». En France, cette obligation a été introduite dans la loi sur la protection de la nature de 1976, au sein de la dernière phase du principe « éviter, réduire, compenser (ERC) ». Le Grenelle de l'environnement, en réformant l'étude d'impact, a fait évoluer la réglementation pour rendre plus efficient ce mécanisme. Toutefois, le Commissariat général au développement durable (CGDD) en 2013, comme le Comité français de l'Union internationale pour la conservation de la nature en 2011, constatent les difficultés pour les aménageurs, dans un contexte de pression foncière importante sur les espaces agricoles et naturels, de trouver des terrains sur lesquels conduire les actions de compensation. De nombreux chercheurs et des organisations non gouvernementales en critiquent la mise en œuvre.

DÉFINITION DONNÉE PAR LA LOI BIODIVERSITÉ

La loi biodiversité introduit un mécanisme de compensation écologique dans le Code de l'environnement par renvoi au principe d'action préventive et de correction de l'(voir question 2) . Il s'agit des mesures rendues obligatoires par un texte législatif ou règlementaire pour compenser, dans le respect de leur équivalence écologique, les atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité qui sont occasionnées par la réalisation d'un projet de travaux ou d'ouvrage, d'activités, ou encore l'exécution d'un plan, d'un schéma, d'un programme ou d'un autre document de planification.

ÉTENDUE DE L'OBLIGATION DE COMPENSATION

En théorie, les mesures de compensation doivent supprimer les incidences négatives des projets d'aménagement, d'équipement ou de production, privé ou public, et, si possible, améliorer la qualité des milieux. L'article L. 163-1 du Code de l'environnement impose un objectif d'« absence de perte nette » de biodiversité, voire de gain de biodiversité. C'est une obligation de résultat qui est exigée du maître d'ouvrage, la compensation devant rester effective pendant toute la durée des atteintes et ne pouvant pas se substituer aux mesures d'évitement et de réduction. Les mesures concernent tous les milieux, qu'ils soient remarquables, dégradés ou menacés, ou simplement de nature « ordinaire ». Elles s'appliquent prioritairement au site endommagé ou à proximité de celui-ci, afin de garantir ses fonctionnalités de manière pérenne. Une même mesure peut compenser différentes fonctionnalités. Elles prennent la forme de restauration ou de création de zones humides ou d'actions de renforcement des populations de certaines espèces, et peuvent en outre être complétées pas des mesures d'accompagnement (études patrimoniales, acquisitions de connaissances, actions de sensibilisation, etc. ).

Par ailleurs, les travaux, ouvrages, aménagements publics ou privés qui, par leur nature, dimension ou localisation, sont susceptibles d'avoir des conséquences négatives importantes sur l'économie agricole doivent faire l'objet d'une évaluation. Celle-ci devra notamment exposer les mesures de compensation nécessaires en cas d'impacts négatifs résiduels (loi « agricole » de 2014 et décret du 31 août 2016). Les maîtres d'ouvrage sont donc possiblement débiteurs de deux types de compensation !

7 Quelle mise en œuvre des mesures de compensation écologique ?

(Art. 69 et 70 de la loi)

Toute personne soumise à une obligation de mettre en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité peut y satisfaire soit directement, soit indirectement.

OPÉRATEURS DE COMPENSATION

La mise en œuvre et la coordination à long terme des mesures de compensation peuvent être confiées, par contrat, à un opérateur de compensation, personne publique ou privée. Lorsque la compensation porte sur un projet, un plan ou un programme soumis à évaluation environnementale, la nature des compensations proposées par le maître d'ouvrage doit figurer à l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation. Dans tous les cas, le maître d'ouvrage reste seul responsable à l'égard de l'autorité administrative qui a prescrit ces mesures de compensation. Les modalités de compensation sont mises en œuvre de manière alternative ou cumulative.

UNITÉS DE COMPENSATION

Le maître d'ouvrage peut également acquérir des unités de compensation dans le cadre de « sites naturels de compensation », les ex-réserves d'actifs naturels. Ces opérations de restauration ou de développement d'éléments de biodiversité seront agréées préalablement par l'État selon des modalités à fixer par décret (art. L. 163-3 du Code de l'environnement). Mises en place par des personnes publiques ou privées, elles recevront des mesures de compensation de manière à la fois anticipée et mutualisée. Si les mesures de compensation s'appliquent sur un terrain n'appartenant ni à la personne soumise à l'obligation de compensation, ni à l'opérateur de compensation désigné, des conventions devront être conclues avec le propriétaire du terrain ou, le cas échéant, le locataire ou l'exploitant. Ce contrat définit la nature des mesures de compensation et leurs modalités de mise en œuvre, ainsi que leur durée (art. L. 163-2 du Code de l'environnement).

REPÉRAGE

Un système national d'information géographique géoréférencera et décrira les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité. Cette base sera accessible au public sur internet et alimentée par les maîtres d'ouvrage qui doivent fournir aux services compétents de l'État toutes les informations nécessaires à la bonne tenue de cet outil par ces services (art. L. 163-5 du Code de l'environnement).

Un inventaire national des espaces naturels appartenant à des personnes morales de droit public et des parcelles en état d'abandon à fort potentiel de gain écologique repérera les terrains propices à la compensation. Il sera réalisé par l'Agence française pour la biodiversité, en coordination avec les instances compétentes locales et l'Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers.

8 Quelles sont les différentes sanctions faute de compensation écologique ?

(Art. 69 et 164 de la loi)

Un projet dont les atteintes ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante n'est pas autorisé en l'état. En cas d'insuffisance des mesures de compensation pour respecter l'équivalence écologique, l'autorité administrative ordonne des prescriptions complémentaires. La constitution de garanties financières peut être exigée des aménageurs afin d'assurer la réalisation des mesures de compensation.

Lorsqu'une personne faillit à son obligation de mesures de compensation, l'autorité administrative compétente la met en demeure d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. Elle fixe, le cas échéant, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. Des poursuites pénales peuvent être exercées (art. L. 163-4 du Code de l'environnement).

En l'absence de réaction à l'expiration du délai imparti, des sanctions administratives peuvent être prononcées par l'autorité administrative : - la consignation d'une somme correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser, entre les mains d'un comptable public avant une certaine date ; - l'exécution d'office des mesures prescrites, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais ; - la suspension du fonctionnement des installations et ouvrages, la réalisation des travaux et des opérations ou l'exercice des activités jusqu'à l'exécution complète des conditions imposées, ainsi que la prise des mesures conservatoires nécessaires, aux frais de la personne mise en demeure ; - une amende au plus égale à 15 000 euros, et une astreinte au plus égale à 1 500 euros par jour applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure. Cette amende ne peut pas être prononcée plus d'un an après la constatation des manquements.

L'intéressé peut formuler ses observations sur les mesures envisagées. Faute de régularisation de la situation, la réalisation des mesures initialement prescrites est confiée d'office, en lieu et place de la personne défaillante et à ses frais, par l'autorité administrative à un opérateur de compensation, ou il est procédé à l'acquisition d'unités de compensation dans le cadre d'un site naturel de compensation.

9 Qu'est-ce qu'une obligation réelle environnementale ?

(Art. 72 et 73 de la loi)

L'obligation réelle environnementale (ORE), introduite par le nouvel article L. 132-3 dans le Code de l'environnement, est un engagement souscrit par un propriétaire en vue de maintenir, conserver, gérer, restaurer les éléments de la biodiversité. Elle fait l'objet d'un contrat signé devant notaire avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l'environnement. Un rapport sur la mise en œuvre de ce mécanisme et les moyens d'en renforcer l'attractivité, notamment au moyen de dispositifs fiscaux incitatifs, sera remis au Parlement par le gouvernement avant le 9 août 2018.

Le contrat est exonéré de droits d'enregistrement et ne donne pas lieu à la perception de la taxe de publicité foncière. Y sont prévus la durée des obligations, les engagements réciproques et les possibilités de révision et de résiliation de l'accord. Une obligation réelle environnementale peut avoir pour objet une compensation écologique. L'engagement est transmissible aux propriétaires ultérieurs du bien. Sous réserve des droits des tiers, notamment ceux liés à l'exercice de la chasse ou relatifs aux réserves cynégétiques, la mise en œuvre d'une ORE par le propriétaire bailleur d'un fonds rural est subordonnée, sous peine de nullité absolue, à l'accord préalable du preneur. L'absence de réponse pendant deux mois vaut acceptation, et tout refus doit être motivé.

Une ORE peut impacter la fiscalité locale, les communes pouvant exonérer les propriétaires ayant conclu une obligation réelle environnementale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties dès le er janvier 2017.

10 Quelles sont les instances en charge de la biodiversité ?

(Art. 13 à 33 de la loi)

La loi initie une gouvernance rénovée de la biodiversité avec la création de l'Agence française pour la biodiversité et d'un Comité national de la biodiversité.

L'AGENCE FRANÇAISE POUR LA BIODIVERSITÉ (AFB)

Qualifiée de « chantier majeur » de la loi biodiversité, l'Agence française pour la biodiversité « sera opéra-er janvier 2017 » selon la ministre de l'Écologie et du Développement durable. Ses moyens seront « renforcés avec 60 emplois supplémentaires ». Imaginée sur le modèle de l'Ademe, l'AFB est un établissement public à caractère administratif, dont le champ d'action, qui s'inscrit dans le cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité (art. 8 de la loi et L. 110-3 du Code de l'environenment), couvre les milieux terrestres, aquatiques et marins. Elle usionne des établissements publics déjà existants : l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), les Parcs nationaux de France (PNF), le groupement d'intérêt public Atelier technique des espaces naturels (Aten) et l'Agence des aires marines protégées (AAMP).

Ses missions sont extrêmement étendues, depuis le développement des connaissances en lien avec le monde scientifique jusqu'au suivi des mesures de compensation écologique en passant par l'appui technique et administratif aux services, le soutien financier de projets, la formation et la communication, la gestion et l'appui à la gestion d'aires protégées, la contribution à l'exercice de missions de police administrative et de police judiciaire relatives à l'eau et à l'environnement, et l'accompagnement et le suivi du dispositif d'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation. Son conseil d'administration est composé de cinq collèges. Les associations agréées de protection de l'environnement ou d'éducation à l'environnement siègeront dans le deuxième collège, et les collectivités territoriales et leurs groupements, dont un représentant des outre-mer, prendront place dans le troisième. L'AFB se déploiera sur tout le territoire, notamment dans les régions via les établissements publics de coopération environnementale (EPCE), en associant les départements, y compris en outre-mer.

LE COMITÉ NATIONAL DE LA BIODIVERSITÉ

Un Comité national de la biodiversité (CNB) est créé comme instance d'information, d'échanges, de consultation et de concertation où sont représentés tous les acteurs concernés. Il reprend les compétences de l'actuel Comité national trame verte et bleue. Le Conseil national de protection de la nature (CNPN) constituera le pôle d'expertise scientifique. Des comités régionaux de la biodiversité sont de la même manière substitués aux comités régionaux trames verte et bleue. Ces instances participeront à l'élaboration des stratégies régionales pour la biodiversité et à leur suivi et émettront un avis sur les orientations des délégations territoriales de l'AFB.

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