Bois, l’exemple autrichien (5/5) : la voie étroite de la neutralité carbone

La longueur d’avance apportée par la filière forêt-bois-construction du Vorarlberg ne suffit pas. Au cœur du réacteur qui doit conduire le land autrichien à la neutralité carbone en 2050, l’Institut de l’énergie local identifie les freins à lever, pour réduire l’empreinte carbone par habitant à moins de 2 tonnes par an, au lieu de 10.

Réservé aux abonnés
Menuiserie Kaufmann
Illustrée ici par la menuiserie Kaufmann à Blons, la filière courte bois construction ne suffira pas pour atteindre la neutralité carbone visée par le Vorarlberg en 2050.

La priorité à la réhabilitation passe mal, parmi les 1500 entreprises, les 80 agences d’architecture et les 50 bureaux d’études qui composent les forces vives du bâtiment du Vorarlberg. Et pour cause : « Rénover génère moins de profit que construire neuf », constate Harald Gmeiner, directeur de la construction écologique à l’Institut de l’énergie du Land basé à Dornbirn, capitale économique du Vorarlberg.

Harald Gmeiner
Harald Gmeiner Harald Gmeiner

Directeur de la construction écologique à l’Institut de l’énergie du Vorarlberg, Harald Gmeiner concentre ses efforts sur les rénovations énergétiques.

Le BTP pointé du doigt

Née en 1985 dans la foulée des puissants mouvements antinucléaires des années 1970, cette institution porte le projet d’autonomie énergétique du territoire. Forte d’un budget annuel de 5,7M€ et de 40 salariés équivalent temps plein, elle orchestre la mise en œuvre de l’objectif de neutralité carbone en 2050, approuvé en 2009 par la totalité des 36 députés du Land de 400 000 habitants.

Même si la trajectoire observée jusqu’en 2021 s’écarte peu des simulations modélisées à l’époque, les graphiques projetés par Harald Gmeiner ne souffrent d’aucune ambigüité : le plus dur reste à faire. Et dans la part de responsabilité qui lui incombe, le BTP se montre trop peu réactif, alors qu’il concourt à 50% des consommations de matières premières et à 60% des déchets.

Le tropisme du neuf

« Les 400 rénovations annuelles ne suffisent pas et nous produisons toujours 1500 logements par an, ce qui donne un stock de un à deux ans d’avance », détaille le directeur de la construction écologique. Les indicateurs économiques verts peuvent-ils s’harmoniser avec une limitation de la consommation énergétique à 3500 GWh au lieu de 9500 ? De 2005 à 2021, la population a connu une croissance de 11%, tandis que les surfaces habitables augmentaient de 20% et le Produit intérieur brut de 80%...

Pour refroidir la machine, le conseil et la formation figurent en tête des outils mis en avant par l’Institut de l’énergie, éditeur de nombreux guides de construction écologique. Une plateforme de produits en ligne oriente les bâtisseurs depuis 20 ans. « La guerre en Ukraine a renforcé la volonté de sortir de la dépendance au fossile en s’appuyant sur les matériaux locaux », assure Harald Gmeiner.

Biomasse perdue

L’institut anime un réseau spécialisé dans la rénovation énergétique, composé de 60 entreprises totalisant 600 salariés. « La clé réside dans la coordination entre les lots », affirme le directeur de la construction écologique. L’Institut a délivré des « passeports énergie » à 120 bâtiments communaux exemplaires.

Le relais des collectivités passe également par le programme E5, centré sur l’efficience énergétique des bâtiments. Cinquante des 96 communes y participent. Elles représentant 86 % de la population. La filière bois de la Grande vallée des Valaisans confirme : « La rénovation constitue désormais notre priorité », proclame son porte-parole, le menuisier Gottlieb Kaufmann.

Ces efforts se conjuguent avec ceux des exploitants forestiers et des 30 scieurs qui produisent 240 000 m3/an. Mais les progrès en cours dans l’exploitation du bois local pour le bâtiment n’ont pas encore déteint sur le secteur de l’énergie. « Alors que la demande de biomasse augmente, le Vorarlberg exporte vers le Tyrol 40% de ses sciages, principalement sous les diamètres de 30cm utilisés par les chaufferies », déplore Thomas Ölz, chargé de la forêt à la chambre d’Agriculture du Vorarlberg.

Egalité territoriale

Les espoirs portés par le bois ne peuvent faire oublier l’obstacle majeur constitué par la mobilité, sur la voie de la neutralité carbone. En attendant les changements de comportement, le Vorarlberg a déjà déblayé le terrain dans son réseau de transport : une communauté tarifaire unique et une desserte horaire de toutes les communes donnent corps à l’idée d’égalité territoriale.

Dornbirn Bregenz
Dornbirn Bregenz Dornbirn Bregenz

Le financement de la transition écologique repose sur la solidarité des 80 % d’habitants concentrés sur 17% du territoire, dans la conurbation qui s’étend sur les bords du lac de Constance.

Cette organisation repose sur l’effort des 80% d’habitants du Vorarlberg concentrés dans les 17% du territoire où s’étend la conurbation qui ceinture le delta du Rhin, au bord du lac de Constance. Ils financent la majeure partie de la desserte des montagnes qui couvrent 83% du Land et abritent 20% de sa population. Fondateur de la notion de transition juste, ce principe de solidarité guide la stratégie de neutralité carbone adoptée en 2009.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires