Chandigarh, la cité indienne à l’heure de la maturité

Feuilleton 4/9 -

Créée au début des années 1950, la capitale du Penjab, au nord de l’Inde, est une œuvre majeure de Le Corbusier. Soixante ans après sa création, son plan en damier et son règlement d’urbanisme restent en vigueur et le succès de la ville, qui compte désormais deux millions d’habitants, ne se dément pas.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
PHOTO - 570565.BR.jpg

«Ma principale tâche a été de poursuivre l’œuvre de Le Corbusier », explique Manmohan Nath Sharma, l’architecte en chef de Chandigarh, de 1965 à 1979. Le vieil Indien a accompagné le maître suisse, son cousin Pierre Jeanneret, et les architectes anglais Jane Drew et Maxwell Fry dès leur premier voyage dans le nord de l’Inde en 1951. Le Corbusier est au faîte de sa gloire. A son retour en France, ses collaborateurs s’imaginent déjà bâtir la ville radieuse au pied de l’Himalaya. Mais le maître entend faire quelque chose de différent de ce qu’il a jusqu’ici théorisé, car selon lui, les Indiens dorment sur le pas de leur porte ou sur les toits. Ainsi, dans la capitale du Penjab, devenue en 1966 également celle de l’Haryana, les bâtiments n’excèdent pas le R 3, utilisent la brique locale et font la part belle aux espaces publics. A l’origine de la ville, un plan en damier dessiné en quatre jours. L’unité de base est « le secteur », inspiré d’un premier projet des architectes américains Albert Mayer et Mathew Novicki. Le Corbusier le structure par un système hiérarchisé de sept voiries (7 V). Les 47 secteurs au total (il n’y a pas de numéro 13), de 1 200 m × 800 m chacun, possèdent habitations et équipements nécessaires. Plus le numéro s’élève, plus le secteur est populaire : treize typologies d’habitat ont été définies selon le rang social des occupants. A l’extrémité nord-est, le secteur 1, le Capitole accueille les principaux bâtiments administratifs de la ville dessinés par Le Corbusier : la Haute Cour de justice, le Palais des assemblées, le Secrétariat…

« City beautiful »

« A la différence de Brasilia, les proportions à Chandigarh sont aussi conçues à l’échelle du piéton », remarque l’architecte Rémi Papillaut, docteur en histoire et administrateur de la fondation Le Corbusier. Pour le Capitole, Stéphane Herbert, photographe et auteur de livres sur la ville, explique même que Le Corbusier y a trouvé « l’espace indicible », cette sensation d’harmonie qu’il avait théorisée. Partout de généreux espaces verts : au nord, a été créé un lac artificiel pour rafraîchir la ville ; au centre, la « vallée des loisirs » forme une coulée verte faite de parcs thématiques qui ne désemplissent pas. Le succès de Chandigarh auprès des Indiens reste entier : « city beautiful », « green city », « clean city »…Les appellations locales sont flatteuses. « La ville arrive à maturité et se développe de manière optimale, poursuit Rémi Papillaut. Elle vit une période d’intensification, dont Le Corbusier avait donné les pistes : système des 7 V, secteurs, arborisation, règlement d’urbanisme… » L’appropriation continue : des V 8, pistes cyclables parallèles aux voies d’origine, ont été inventées ; progressivement, les secteurs se construisent. La ville dessinée pour 150 000 puis 500 000 habitants en compte maintenant 2 millions. Sous la pression démographique se développe au sud-ouest le nouveau quartier de Mohali, qui contredit la vision platonicienne voulue par Le Corbusier d’une ville finie dans l’espace et ceinturée de zones naturelles. Mais l’extension urbaine prolonge la grille de l’architecte, poursuivant son œuvre dans le temps. « En cinquante ans, les Indiens ont toujours appliqué les règles définies par Le Corbusier. C’est un exemple de continuité remarquable », résume Rémi Papillaut. Ce règlement historique pourrait servir de charte de sauvegarde pour le classement de la ville par l’Unesco. Mais il faudrait au préalable que l’Inde dispose d’un cadre juridique pour classer le patrimoine du XX siècle. Ce qui n’empêche pas Manmohan Nath Sharma de regarder vers le futur : « Chandigarh est un message pour le monde. Si, à l’avenir, la ville n’était pas inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, il y manquerait un des plus importants chaînons de l’histoire de l’architecture moderne. »

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 570565.BR.jpg PHOTO - 570565.BR.jpg

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 569234.BR.jpg PHOTO - 569234.BR.jpg

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 569206.BR.jpg PHOTO - 569206.BR.jpg

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 569202.BR.jpg PHOTO - 569202.BR.jpg

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 569205.BR.jpg PHOTO - 569205.BR.jpg

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 569204.BR.jpg PHOTO - 569204.BR.jpg

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 569203.BR.jpg PHOTO - 569203.BR.jpg
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires