Dans quel contexte le congrès des 23 et 24 juin à Reims va-t-il se dérouler ?
La conjoncture reste bonne : nous avons revu légèrement à la hausse nos prévisions d’activité pour 2005, à 3,5 %, avec une construction record de près de 400 000 logements et 6,3 mois en carnets de commandes. Globalement, tout va bien, grâce aux taux d’intérêt et à un bon environnement institutionnel : l’amortissement de Robien a permis de produire 62 000 logements l’an passé ; le prêt à 0 % donne entière satisfaction dans le neuf et l’ancien ; la TVA à 5,5 % continue à profiter aux travaux d’entretien.
Mais nous craignons que ces dispositifs ne fassent les frais de la rigueur budgétaire. Ce serait une catastrophe ! Revenir sur la TVA à 5,5 % se traduirait par la suppression de 70 000 à 85 000 emplois en six mois ! Modifier en profondeur le prêt à taux zéro et le dispositif de Robien serait tout aussi dramatique.
Vous entamez, lors de ce congrès, votre second mandat de trois ans. Quel est votre programme ?
Je souhaite mener avec mon équipe une politique très volontariste. Notre étude « Prospective 2015 » (1) montre qu’il faut amener les chefs d’entreprise à maîtriser leur avenir pour éviter de subir des évolutions voulues par d’autres.
Maîtrise de leur information, d’abord. Il faut que, d’ici à cinq ans, nos 55 000 entreprises adhérentes aient accès à l’offre globale e-bat, actuellement expérimentée en Seine-et-Marne, afin que tableaux de bord et gestion prévisionnelle de trésorerie deviennent monnaie courante.
Maîtrise de leur métier ensuite et pour cela nous devons faire vivre la réforme de Qualibat. Il est temps de redonner à la qualification toutes ses lettres de noblesse. De même, nous allons nous impliquer sur la certification, en promouvant le label NF Services Bâtiment. Le client doit être l’élément essentiel de la politique de l’entreprise. Il doit être assuré de la qualité et des délais de ce qui lui sera livré et des procédures mises en œuvre lors des travaux.
Maîtriser l’offre sera aussi un thème essentiel. Aujourd’hui, les entrepreneurs sont pris en tenaille entre des cahiers des charges très stricts et des industriels qui lancent des produits que les entrepreneurs sont contraints d’utiliser s’ils veulent être garantis en cas de sinistre. Si nous ne prenons pas notre avenir en main, nous allons devenir des poseurs ou de simples exécutants. Nous ne pouvons l’accepter. En l’espace de vingt ans, nous avons déjà perdu 11 % de notre valeur ajoutée ! D’où l’idée de développer une stratégie d’offre : un certain nombre de PME se sont déjà engagées dans les baux emphytéotiques administratifs ; d’autres participent à des opérations de conception-construction, notamment via les appels d’offres lancés par la Foncière Logement…
Les chefs d’entreprise doivent aussi jouer le rôle d’ensembliers, allant jusqu’à proposer à leurs clients des formules de financement. C’est à nous de donner envie à nos clients de consommer du bâtiment !
Maîtriser les recrutements, enfin. Cela passe par plus de lisibilité dans l’apprentissage et la volonté de redonner à la filière une véritable identité, par exemple en développant le concept d’université professionnelle du bâtiment. Et encourager l’intéressement et la participation, notamment capitalistique, pour fidéliser les salariés, même si c’est un sujet un peu tabou…
Dernier thème : maîtriser la pérennité de nos entreprises et pour cela nous travaillons sur un fonds d’investissement spécifique bâtiment, qui pourrait voir le jour d’ici à la fin de l’année. Enfin, des clubs d’anciens entrepreneurs aideraient les repreneurs pendant les trois ou quatre premières années.
Cette politique est ambitieuse mais elle nous permettra de faire face au fameux « plombier polonais » ou au « peintre slovaque ». Le meilleur moyen de se protéger, c’est de pratiquer une véritable politique de l’offre en satisfaisant nos clients. Le chef d’entreprise, qui était jusqu’ici technicien, doit évoluer vers un métier de conseil, d’ensemblier incluant le volet financier. L’avenir du bâtiment passe par cette nécessaire évolution culturelle.
N’est-ce pas un combat perdu puisque le « plombier polonais » est déjà là ?
C’est à nous de nous mobiliser pour que la directive de 1996 sur le détachement des salariés soit appliquée, que les entreprises européennes se déclarent, respectent la législation sociale, les minima…Nous l’avons demandé à France Télécom, Constructel ou Viatel. Ce n’est pas en brandissant des banderoles aux frontières que l’on empêchera d’autres salariés européens de venir travailler chez nous, mais en amenant nos entreprises à se repositionner sur d’autres marchés, là où les entreprises européennes ne seront pas compétitives.
En dehors de la prestation de service, quelle est votre position sur l’immigration « choisie » de salariés ?
Nous faisons tout pour favoriser le retour à l’emploi des chômeurs et je salue les dispositions annoncées par Dominique de Villepin. Mais un point de blocage n’a pas été levé : le refus répétitif d’offres de travail acceptables par les chômeurs.
Dans les départements dans lesquels nous avons épuisé toutes les solutions, il faudra faire appel à de la main-d’œuvre ciblée, c’est-à-dire qu’il faudra identifier les besoins et les faire gérer exclusivement par les directions départementales du travail. Sinon, on ouvrirait les vannes, ce qui serait catastrophique et conduirait à la destruction de tout le système que nous avons mis en place : la formation continue, l’apprentissage…
Quelle est votre position dans le débat sur la taxe professionnelle ?
Dans le cadre interprofessionnel, il faut rechercher le consensus. Le bâtiment a profité de la réforme Strauss-Kahn, qui a supprimé la part salariale dans l’assiette de la taxe. Mais le fait d’envisager une assiette fondée sur la valeur ajoutée revient à taxer les entreprises de main-d’œuvre.
Nous voulons bien accepter une réforme de l’assiette, mais à la condition que cela ne se fasse pas au détriment de notre secteur. Il n’est pas question que certains payent plus pour que d’autres puissent payer moins. C’est pourquoi, avec le Medef et la CGPME, nous disons que c’est à l’Etat d’absorber les réductions de charges correspondantes. Les dernières déclarations du gouvernement semblent indiquer que notre message a été entendu.
Que pensez-vous de la contestation par certaines professions de leur inclusion dans le régime des Caisses de congés payés ?
Ceux qui s’agitent veulent en fait bénéficier des avantages du bâtiment sans en payer les charges. Certes, comme nos entreprises, les Caisses ont, elles aussi, besoin d’évoluer. C’est ce qu’elles font, comme par exemple avec le dispositif de responsabilisation sur les « petits risques » intempéries, et elles réfléchissent à d’autres améliorations. La remise en cause des Caisses mettrait en difficulté toute la population des entreprises, en faisant régresser les dispositifs de couverture tout en aggravant les coûts. Nous devons donc nous y opposer avec la plus grande fermeté.