CNR Logement : des professionnels amers, une Première ministre austère

Des professionnels amers et déçus, une Première ministre accrochée à sa feuille de route et - un peu - applaudie... Chacun était dans son rôle ce lundi 5 juillet à la Maison de l'architecture pour la restitution des conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) sur le logement. Nos journalistes sur place en ont rendu compte en direct.

Elisabeth Borne, lors de la restitution des travaux du CNR Logement le 5 juin 2023
Elisabeth Borne, lors de la restitution des travaux du CNR Logement le 5 juin 2023

15h30 :Ouverture de la restitution du Conseil national de la refondation (CNR) consacré au logement par Olivier Klein, ministre de la Ville et du Logement.

Le ministre commence son allocution en tentant de rassurer les 70 professionnels présents à la Maison de l’Architecture Ile-de-France, à Paris : « Si la Première Ministre nous fait l’honneur de conclure notre CNR, c’est bien que le logement intéresse l’Etat. »

15h40 : Le choix a dû être difficile… Sur plusieurs centaines de propositions, seules 19 ont été retenues, prévient Olivier Klein.

« Ce CNR a produit plusieurs centaines de propositions que vous avez synthétisées en 19 mesures. Pour cette œuvre colossale, mais avant tout cette œuvre utile, je remercie l’ensemble des participants. Elles sont notre doctrine, notre patrimoine. »

Image d'illustration de l'article
Olivier Klein, CNR Logement Olivier Klein, CNR Logement

15h45 : Et attention prévient le ministre de la Ville et du Logement, « nous sommes rentrés dans l’ère de l’argent public rare. Naïfs sont ceux qui croient qu’en 2023 on peut raser gratis ». Les 19 mesures qui ont été retenues «  ne pourront être mises en place sur le champs, qui peut croire que l’état de nos finances publiques peut nous le permettre ? »

15h50 : Olivier Klein esquisse quelques grands chantiers qui s’ouvrent au professionnels du secteur du Logement.

« L’accent sera mis sur la rénovation des copropriétés et en particulier, des copropriétés dégradées. […] Il faudra bouger le système, j’en suis certain. Certes il y a des mesures à prendre dans l’urgence. Il y a un [autre] grand chantier à ouvrir : la gouvernance territoriale du logement. [Il faut] redéfinir la balance entre les collectivités locales et la capacité de l’Etat à reprendre les choses en main quand la situation l’exige. Loi d’exception, opération d’intérêt national… je n’ai aucun tabou.»

Première réaction en marge du discours d'Olivier Klein : "Beaucoup de bruit pour pas grand chose !", Norbert Fanchon (groupe Gambetta)

C'est comme la pièce de Shakespeare : beaucoup de bruit pour pas grand chose ! On a un PTZ qui, selon moi, devait être élargi et qui, au contraire, est restreint. Aucun annonce sur les investisseurs institutionnels ou privés et pour les HLM, pas grand chose. Donc sur les clientèles du logement neuf - accédants, investisseurs et HLM - il n'y a pas d'annonces à la hauteur d'une crise d'une telle ampleur.
Cette restriction du champ du PTZ va impacter lourdement le secteur de la maison individuelle, premier pourvoyeur de logements. Et en tant que promoteur, je suis pour qu'on construise le plus de logements en France.
Le nouveau zonage pour le logement intermédiaire est une bonne nouvelle mais cela ne va pas permettre de produire 10 à 20 000 logements supplémentaires.
Globalement, il manque un geste à l'égard des investisseurs. On supprime le Pinel ? Dont acte. Mais il faut soutenir les institutionnels.

16h : François Bayrou, haut-commissaire au Plan prend la parole.

Image d'illustration de l'article
François Bayrou lors du CNR logement François Bayrou lors du CNR logement

Le Conseil National de la Refondation a de beaux jours devant lui… « Il faut pérenniser le CNR pour qu’en temps réel, le réel soit entendu pour pérenniser les mesures. »

16h08 : Du côté de la FNAIM, de la FFB, du Pôle Habitat de la FFB, de la FPI, de Procivis, de l’Unis et de l’Unsfa - qui ont publié une lettre ouverte à Emmanuel Macron pour l’appeler à prendre des mesures fortes face à l’urgence de la crise du logement - c’est la douche froide. En conclusion de son allocution, le Haut-commissaire au plan appelle à trouver « des solutions utiles, efficaces et peu chères ».

Lettre ouverte de la FNAIM, de la FFB, du Pôle Habitat de la FFB, de la FPI, de Procivis, de l’Unis et de l’Unsfa à Emmanuel Macron

"Sacrifier le seul outil d’accession à la propriété dans le neuf, le Prêt à Taux Zéro (PTZ), dans plus de 90 % des communes, c’est accroître la fracture entre ceux qui ont les moyens de choisir leur mode d’habiter et ceux qui seront assignés à résidence. Supprimer le Pinel sans alternative, c’est nier le rôle du parc locatif privé pour la mobilité de nombreux Français. Ne rien prévoir en soutien des travaux de rénovation énergétique, après avoir annoncé qu’il faudrait investir 48 Mds€ de plus par an pour répondre aux objectifs, c’est aller droit dans le mur."

16h15 : Cédric Van Styvendael, co-animateur d’un atelier de travail du CNR Logement remet les pendules à l’heure.

« Investir dans le logement, ça ne coûte pas. Ce sont 52 Mds€ qui sont rapportés à l’Etat chaque année par la politique du logement. Arrêtons de dire que le logement « ça coûte un pognon de dingue ». Non, ça rapporte « un pognon de dingue ». Sans compter ce que ça évite comme dépense de santé. » Autre idée forte portée par le maire de Villeurbanne : « le logement, nous ne pouvons pas en faire un outil de compétition entre les uns et les autres. Il faut une politique généraliste du logement pour proposer un parcours de vie. Nous sommes prêts à travailler avec vous Monsieur le ministre. Il faut juste que l’on accepte de se dire qu’il faut refondre totalement le système. »

"C'est scandaleux", Damien Hereng (Fédération française des constructeurs de maisons individuelles)

C’est scandaleux. En supprimant le PTZ, on fait perdre du pouvoir d’achat Immobilier à 90% des clients ! On peut estimer que 15 à 20 000 opérations seront perdues. Or, 1 logement individuel construit représente près de 2 emplois. Donc 30 à 40 000 emplois sont menacés. Autre remarque : le PTZ rénovation existe depuis longtemps… et n’a jamais marché !

Cédric Van Styvendael  fait quelques propositions :

1/ Oui, il est temps de clarifier la responsabilité entre les acteurs. On est arrivé au bout de la complexité. Il faut que l’on retrouve l’Etat stratège, et faire confiance aux collectivités… pour autant qu’elles soient accompagnées par un Etat stratège.

2/ Il faut un choc de l’offre de logement abordable. Cela suppose soi une remise à plat de la fiscalité, véritablement orientée sur les prix de sortie ou sur l’environnement. Le bail réel solidaire (BRS) a fait ses preuves. Le BRS n’est ni de droite ni de gauche. Avec un objectif de 100 000 à 200 000 unités.

3/ Il faut sauver le soldat HLM. Quel que soit le levier : on n’a pas le droit de jouer avec un outil de cohésion social qui a fait depuis 100 ans la preuve de son efficacité.

4/ Enfin, il faut généraliser le « logement d’abord ».

"L'élargissement du zonage pour le logement intermédiaire va permettre de faire des prix au niveau de ceux du social mais aussi d'élargir les clients potentiels." Benoist Apparu

Le logement intermédiaire est un produit relativement nouveau. Et soutenu par les différents gouvernements depuis, a progressé. On est vraiment en train d'installer cette troisième gamme de logement avec un niveau de loyer intermédiaire. Le nouveau zonage n'est pas du rafistolage. Cela augmente les capacités de ventes des promoteurs. Ca va permettre de faire des prix au niveau de ceux du social mais d'élargir les clients potentiels. Ce n'est pas l'alpha et l'omega mais c'est un outil complémentaire. A court terme pour les promoteurs, il y a une clientèle nouvelle possible.

16h20 : Mathieu Hanotin, maire de St-Denis (Seine-Saint-Denis) : « Plus de 400 000 logements indignes en France, avec une concentration incroyable sur certains secteurs. Dans ma commune, à Saint-Denis, c’est 1% du parc de la commune qui est touché. 1 000 logements qui sont aujourd’hui murés. Pour traiter un immeuble, c’est en moyenne 8 ans. On a besoin d’un nouveau droit, de dispositifs fiscaux. »

Un CNR « humiliant » pour la maison individuelle. 

par Cyril Peter

Le Pôle Habitat FFB, qui a participé au Conseil national de la refondation (CNR) sur le logement, ne s’attendait pas à ce que le gouvernement supprime le prêt à taux zéro (PTZ) pour l’achat d’un logement individuel, dès fin 2023. « C’est brutal. Donnez-nous quelques jours pour chiffrer les conséquences de cette mesure la plus impactante pour nos territoires et nos entreprises », a commenté Grégory Monod, son président. « En 2022, 33 000 acquéreurs de logements individuels ont bénéficié d’un PTZ. Ils étaient 17 000 dans le logement collectif. Depuis 2023, la production de PTZ fléchissait, dans des proportions identiques au nombre de crédits immobiliers accordés (en baisse de 35,1% à fin mai selon Crédit Logement, NDLR), à cause de la remontée des taux d’intérêt depuis début 2022 », développe-t-il.
Mécaniquement, les constructeurs de maisons individuelles devront poursuivre leurs efforts dans la restriction des frais généraux, le gel des embauches, la fermeture d’agences et les autres mesures pour faire à la baisse des ventes. « A fin avril, 84 000 maisons individuelles ont été vendues sur douze mois glissants. Cela représente une baisse de 44% par rapport à avril 2022 et de 31% par rapport à la moyenne long terme, depuis 2008. Les craintes pour l’emploi se concentrent dans les zones rurales et périurbaines », assure-t-il.
Autre mesure qui passe mal : l’extinction du Pinel, à destination des investisseurs locatifs. « Les investisseurs institutionnels, comme CDC Habitat, n’interviendront pas dans tous les territoires. Le gouvernement renforce ainsi la fracture territoriale entre les métropoles et les 90% du reste du territoire, où on ne devrait plus produire. » Les métropoles, où le prix du foncier renchérit le prix de sortie payé par les particuliers qui peinent à se loger, ne sont pourtant pas privilégiées : aucune mesure choc comme l’encadrement des prix du foncier n’est prévue par le gouvernement, qui mise plutôt sur un renforcement du bail réel solidaire (BRS), principe de dissociation du foncier et du bâti qui permet de baisser le prix des logements.
« Sidéré » par les conclusions de ce CNR « humiliant » pour les professionnels qu’il représente, Grégory Monod n’assistera finalement pas au discours de conclusion de la Première ministre Elisabeth Borne, ce 5 juin à 17h30 à Paris. « Ce serait incohérent de participer à la politique de salon, alors que j’ai des adhérents à l’agonie, lâche-t-il. Ce CNR, c’est de l’enfumage pour légitimer une volonté politique de stigmatiser la maison individuelle, un logement qui reste abordable pour les primo-accédants. Le gouvernement disait écouter les sachants, les entreprises sur le terrain… Mais rien ne ressort de nos discussions. Nous ne rompons pas le dialogue, mais nous ne participerons pas à un énième débat sur le logement. »

16h25 : Nathalie Latour, directrice générale de la Fédération des acteurs de la solidarité, exprime son « immense inquiétude face à un niveau historique de places d’hébergements d’urgence et pourtant encore beaucoup de ménages sans solution. Il y a 330 000 personnes sans domicile fixe et 2,4 millions qui attendent un HLM, dont 73% ont des problèmes de ressources pour accéder à un logement. Si on se félicite que ce plan logement d’abord puisse se poursuivre il faudrait qu’il ait une ambition. Attention à ne pas refaire un jour sans fin. On attend un pilote dans l’avion pour poursuivre ce travail. »

16h30 : Catherine Sabbah, déléguée générale de l'Institut des hautes études pour l'action dans le logement, donne le ton. Le groupe de travail qu’elle co-anime avec Mickael Nogal, ancien député - « Réconcilier la France et les Français avec l’acte de construire » - a été rebaptisé : « Réconcilier la France et les Français avec l’acte de produire des logements nouveaux », a-t-elle annoncé. « Cela sous-entend que les logements nouveaux ne sont pas forcément des logements neufs. »

16h35 : Les mesures de l'atelier « Réconcilier la France et les Français avec l’acte de produire des logements nouveaux »

1/ Encadrement du prix du foncier. "Si la puissance publique n’intervient pas, on va se retrouver avec un prix du logement de plus en plus coûteux. Une proposition qu’il nous semble importante d’inscrire à l’agenda. Car on a besoin d’avoir des solutions concrètes", estiment Mickael Nogal et Catherine Sabbah.

2/ Inversion de la fiscalité sur la détention du foncier. "Aujourd’hui il est plus avantageux de garder le foncier plutôt que de le céder pour en faire du logement social, libre et intermédiaire."

3/ Partir des besoins des territoires pour fixer un chiffre national.

4/ Généralisation du PLU en 3D : pour donner à voir et embarquer le plus possible la population afin d’éviter les recours abusifs.

5/ Co-construire les documents d’urbanisme : car lorsqu’on y a participé, on a plus de mal à s’y opposer.

6/ Avoir un engagement auprès des maires engagés : une aide de l’Etat auprès des maires bâtisseurs ou qui remettent sur le marché des logements à rénover ou vides. "Basé sur une moyenne, des 3 dernières années ou 3 derniers trimestres, tout cela est à mettre au point, pour financer les équipements supplémentaires. Nous tenons vraiment à cette mesure, Monsieur le Ministre. Il est indispensable d’avoir un pacte de confiance entre les maires et l’Etat. Car il y a de la dépense publique utile. Flécher une partie de la TVA immobilière sur une aide fléchée aux collectivités."

7/ "Nous ne sommes pas arrivés à un consensus sur le statut du bailleur privé, mais il faut simplifier. Est-ce qu’il faut un système de suramortissement ? un changement de fiscalité ? En tout cas le logement locatif est absolument indispensable. Pour ceux qui investissent, et qui sont bénéficiaires d’une aide publique, l’aide doit être conditionnée à une contrepartie sociale ou environnementale. Il ne faut pas 25 niches fiscales mais un statut de droit commun avec des contreparties sociales ou environnementales."

« Il n’y avait pas, au cours de cet atelier la volonté de retourner la table. J’aurais voulu qu’on rase tout, et qu’on reparte d’une feuille blanche. Qu’on mette en avant les nouveaux modes constructifs, et pas qu’on continue avec le lobby du béton. »
Un participant anonyme à l'atelier « Réconcilier la France et les Français avec l’acte de produire des logements nouveaux »

16h40 : Le président de la FFB, Olivier Salleron, en colère.

« Je veux souligner le très bon travail qui a été fait depuis 8 mois par les acteurs du logement avec expertise et efficacité. Je vais commenter les conclusions qui vont peut-être être annoncées par la Première ministre puisque nous avons été mis au courant hier par la presse. Je vais lire le communiqué de presse que nous venons d’envoyer. Nous allons continuer à travailler avec vous, à rencontrer l’ensemble des parlementaires, au plus proche des territoires. »

"L'élargissement du zonage pour le logement intermédiaire va permettre de faire des prix au niveau de ceux du social mais aussi d'élargir les clients potentiels." Benoist Apparu

Le logement intermédiaire est un produit relativement nouveau. Et soutenu par les différents gouvernements depuis, a progressé. On est vraiment en train d'installer cette troisième gamme de logement avec un niveau de loyer intermédiaire. Le nouveau zonage n'est pas du rafistolage. Cela augmente les capacités de ventes des promoteurs. Ca va permettre de faire des prix au niveau de ceux du social mais d'élargir les clients potentiels. Ce n'est pas l'alpha et l'omega mais c'est un outil complémentaire. A court terme pour les promoteurs, il y a une clientèle nouvelle possible.

16h50 : Marjolaine Meynier-Millefert et Christine Leconte, co-animatrices du 3e groupe de travail nommé « Repenser la place du logement dans la transition énergétique et écologique » présentent leurs axes de travail.

1/ Rééquilibrage des territoires : pour travailler à une vision stratégique du territoire aujourd’hui, pour donner à chaque Français un lieu pour se protéger des canicules. "Cela passe par un système de datas partagées et directement gérées avec le gouvernement et l’Etat, et en même temps une déclinaison dans les territoires".

2/ Rénovation durable : donner à voir que le BBC, qui est aujourd’hui une exception, est bien la trajectoire. Qu’il devienne la norme et la règle. Passer d’un mono-geste vers un parcours de rénovation efficace.

3/ Formation et transformation des métiers : à tout changement de paradigme on a besoin de se positionner sur la formation. Tous ceux qui sont en contact sur la question de l'aménagement du territoire et d’amélioration du bâti.

4/ Montée en charge des financements : si on a des objectifs très ambitieux, on ne peut pas les atteindre si on n’a pas la montée en charge qui va avec. Une montée en charge pluriannuelle, pour donner de la visibilité aux acteurs.

5/ Passer des dépenses aux investissements : il faut un plan de filière territorial, pour développer les filières locales en lien avec les stratégies industrielles.

6/ Création d’une banque de la rénovation énergétique. Mettons les moyens sur la rénovation dès maintenant !

17h : Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, prend le micro.

« Nous avons un gros travail sur la simplification. Du point de vue du ménage, être financé par un eco-ptz, MaPrimeRenov ou les CEE… finalement cela importe peu pourvu que ça marche. C’est plus facile à dire qu’à faire, mais c’est certainement un enjeu. Je tiens beaucoup à tendre vers le reste à charge zéro pour les ménages les plus modestes. Il faut une contractualisation sur le terrain, qui prendra des formats différents selon les territoires. Il faut avoir la capacité à former. Nous faisons des avancées mais ça ne suffira pas.»

"Le CNR, un lieu utile". Céline Laurens - Déléguée Générale - FIBOIS France

"Il est utile que ce genre de lieux continue à perdurer pour permettre de débloquer un certain nombre de freins. Nous sommes dans un changement de paradigme. Il y a une question de formation initiale, il faut former les ingénieurs, les architectes… à construire autrement. On espère que la loi industrie verte accompagnera la montée en puissance des filières. Il faut avoir une cohérence entre toutes les réglementations, car on n’est plus à l’époque de l’expérimentation mais de la massification."

17h05 : La présidente de l'USH, Emmanuelle Cosse, pousse un "coup de gueule".

La présidente de l'USH, Emmanuelle Cosse
La présidente de l'USH, Emmanuelle Cosse La présidente de l'USH, Emmanuelle Cosse

« Nous sommes tous unanimes sur la méthode. Je crains que l’on soit unanime dans la déception de la restitution du CNR. Il nous reste à connaître le montant de l’enveloppe et la pérennité de l’aide annoncée pour décarboner le parc social. Et des mesures pour permettre un choc salutaire pour le logement social. Car sans avancée supplémentaire je crains que la crise ne s’aggrave. Nous attendons des aides à a pierre pour le logement social. Sans aides, nous ne sommes pas capables de faire du PLAI, c’est-à-dire, du logement très social, qui est pourtant dans le plan Logement d’abord. Les aides sont divisées par 3 par rapport à nos attentes !

Le gouvernement a annoncé la reconduction du PTZ sous une forme tellement restreinte, que je ne sais pas comment il va être mobilisé pour l’accession sociale. Et je ne parle même pas du refus de parler de la réduction de la TVA. Autre déception, le maintien de la réduction du loyer de solidarité (RLS), qui ponctionne 1,3 Md € chaque année aux bailleurs sociaux. Je ne retrouve pas la proposition de sa suppression dans les travaux. Il manque des mesures pour avoir un pacte de confiance avec les logements sociaux. Je prends ce CNR comme un début et non comme une fin, sinon cela veut dire que la crise va s’aggraver. »

17h10 : Véronique Bédague (Nexity) et Christophe Robert (Fondation Abbé Pierre) montent sur l’estrade.

Véronique Bédague et Christophe Robert
Véronique Bédague et Christophe Robert Véronique Bédague et Christophe Robert

« Dans ce plan, rien ne nous permet de changer la donne sur le marché de la location sociale et privée », se désole Véronique Bédague, qui « ne comprend pas la méfiance envers les investisseurs particuliers ». La patronne de Nexity dénonce « un plan minimaliste et imprécis » et affiche sa déception sur l’absence de mesures sur le foncier. « Il faut que les collectivités soient au cœur de ce plan. Et arrêtons : les bailleurs ne sont pas dans un paradis fiscal. Aujourd’hui, leur rendement tourne autour de 2%. Enfin, disons-nous une chose : le logement est matraqué fiscalement. »

Christophe Robert, délégué général de la fondation Abbé Pierre, co-animateur du CNR Logement

« C’est bien d’avoir un temps d’échange, maintenant il faut des décisions ! Oui Monsieur le ministre du Logement, le Logement intéresse l’Etat : mais comment pourrait-il en être autrement ?! Le nombre de personnes SDF a doublé en 10 ans. C’est le premier poste de dépense des ménages, ce n’était pas le cas il y a 30 ans. Il faut sortir le logement de la technique, sortir le logement de la vision des financiers de la République. Il faut des objectifs chiffrés, pour qu’on ne soit pas à chaque PLF en train de batailler pour tenter d’atteindre les objectifs.

Qu’est-ce que je retiens depuis hier soir ? Ben rien. Ce que nous avons là sur le logement social n’est pas acceptable : on ponctionne 1,3Md€ chaque année avec en plus la TVA à 10%. Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’on a trop fait de logements sociaux.

Sur la maîtrise du foncier : on est tous d’accord sur la nécessité de faire quelque chose. On n’est pas tous d’accord sur la méthode. Alors faisons-le ! Je regrette aussi qu’il n’y ait pas, dans ce qui a été annoncé hier soir, d’aide aux maires bâtisseurs. Le fonds friche reconduit c’est une bonne nouvelle, il faut aller plus loin. Avec ce qui a été entendu hier, peut-on parler de refondation ? Sommes-nous à l’écoute des besoins sociaux et territoriaux. Est-ce qu’on pourra se dire on y était quand on a changé la donne ? Est-ce qu’on pourra se dire ça ? Je sais que ce n’est pas une fin en soi, mais quand même il faut que ce soit le démarrage de la refondation. Et pour l’instant, on n’y est pas encore. »

17h30 : Elisabeth Borne, Première ministre, conclut la restitution du CNR dédié au logement.

« Un moment solennel », glisse un professionnel. Quand la Première ministre a fait son entrée dans cette salle rectangulaire avec toit voûté qui rappelle une nef d’église, accompagné d’Olivier Klein, ministre du Logement, et Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, le silence était complet.

Elisabeth Borne estime que le logement est au cœur de la refondation.

« Depuis septembre, à l’initiative du Président de la République, les CNR se réunissent pour partager des constats, des contraintes, des propositions et faire émerger un ensemble de propositions. Parmi les sujets au cœur du CNR : le logement.

Parler de logement, c’est parler du quotidien de nos concitoyens. C’est un enjeu de dignité. C’est une question de pouvoir d’achat, part du logement dans le budget du ménage n’a cessé d’augmenté. Le logement, c’est une clé pour l’emploi. »

Une convention quinquennale sera signée avec Action Logement dans « les tout prochains jours » selon la Première ministre.

« Je veux saluer l’accord trouvé avec le groupe Action Logement, qui permettra de signer la convention quinquennale dans les tous prochains jours. Nous prenons des engagements communs dans la production et la rénovation de logements, la rénovation urbaine et la revitalisation des territoires. »

Sur les 19 propositions :

« Vous avez défini 19 propositions : nous les avons entendues, étudiées. Elles me permettent aujourd’hui d’annoncer de premières décisions. Des mesures d’urgence, le temps que le marché se rééquilibre. Et des mesures structurelles en lien avec nos ambitions.

Notre premier objectif : favoriser l’accès à un logement pour tous les Français notamment en favorisant l’accès au crédit immobilier. C’est pourquoi nous avons mensualisé la révision du taux d’usure. Cette mesure devait cesser le mois prochain, nous travaillons avec le gouverneur de la BDF pour la prolonger.

Le PTZ devait s’arrêter fin 2023. Le nouveau PLF proposera un PTZ jusqu’en 2027, recentré sur le collectif en zone tendue et ancien dans les zones détendues avec une condition de rénovation. Soit un effort de 600 M€ par an.

Travailler sur les prix des logements : lancement en priorité un chantier sur le développement du bail réel solidaire. Qui permet à un ménage modeste d’accéder à un logement neuf à un prix abordable. Nous allons l’ouvrir à davantage de Français.

Je souhaite privilégier le développement du logement locatif intermédiaire à plus de Français. Je souhaite la signature rapide entre l’Etat et les acteurs du LI pour mettre en œuvre ces objectifs. Ils pourront s’appuyer sur 1 Md € de prêts supplémentaires de la CDC. 

La fiscalité sur les locations favorise les locations de courtes durées. Logiquement, les propriétaires bailleurs choisissent le régime le plus avantageux. Je souhaite une remise à plat. Je souhaite que ce travail débouche dans le prochain projet de loi de finances.

Faciliter l’accès au logement c’est trouver des solutions pour les plus fragiles et les plus modestes. 160M€ supplémentaires seront débloqués sur le quinquennat pour insuffler une nouvelle dynamique du plan Logement d’abord (développement de pensions de familles, résidences…). Olivier Klein détaillera ce plan dans les prochains jours. Le ministre présentera également des mesures pour lutter contre l’habitat indigne.

Notre deuxième objectif : construire de nouveaux logements.Nous avons lancé le rachat de 17 000 logements par la CDC. Nous allons accélérer encore avec l’accord d’Action Logement qui prévoit des rachats supplémentaires (30 000, NDLR). Quand la situation l’impose, nous sommes capables de simplifier certaines lourdeurs. Je souhaite que nous fassions de même dans les zones tendues. J’ai chargé Christophe Béchu et Olivier Klein de faire des propositions dans les prochaines semaines pour lancer des constructions rapides de logements (comme la rédaction d’un projet de loi d’urgence, NDLR).

Anne-Sophie Grave, présidente du directoire de CDC Habitat

« Je veux vous dire que nous avons déjà un tiers des opérations engagées sur ce plan de soutien (17 000 logements doivent être acquis auprès des promoteurs immobiliers par CDC Habitat pour débloquer les programmes bloqués faute de commercialisation, NDLR). Comme il est orienté sur du logement intermédiaire et social, il est fléché sur les zones tendues, B1, A et Abis. On voit bien qu’il y a une évolution forte des marchés résidentiels en France. Il faut travailler sur le zonage, pour faire passer des villes de B2 à B1 et développer du logement intermédiaire. »

Il faut agir en priorité sur les zones artificialisées. Nous allons renforcer et conforter dans la durée le fonds friche. Plus largement, nous allons structurer un programme de renouvellement urbain, pour bâtir des quartiers mixtes et durables.

J’ai entendu la demande du CNR d’enrayer la hausse du prix du foncier. Nous y réfléchirons. Nous allons faire évoluer les règles du Domaine sur le foncier public pour contribuer à réguler les prix.

La construction de logement dans les zones tendues doit se traduire territoire par territoire. Des engagements sont pris dans les PLH. Il est essentiel qu’ils soient tenus. Je souhaite que les préfets engagent un dialogue avec les maires, pour parvenir à lever les blocages. L’Etat est prêt à prendre ses responsabilités si nous n’y parvenons pas.

Je souhaite que soit créée une mission sur l’exploitation des logements. La baisse des prix du logement est une bonne nouvelle pour nos compatriotes. Cela peut pénaliser la promotion immobilière. C’est pour cela que des mesures de soutien sont lancées.

Notre soutien passe par une révision très rapide, dès cet été, du zonage, dans les zones tendues. La refonte du système de zonage devrait être effective d’ici 2024.

Une mission sera lancée pour faciliter plus encore la réforme du CCH à la Transition écologique. Nous devons adapter les modes de construction, notamment grâce à la construction hors-site. Et limiter considérablement l’impact des travaux sur l’environnement.

Adapter les logements à la transition écologique, c’est accélérer la rénovation énergétique. Nous allons simplifier MPR, pour viser 200 000 rénovations globales dès 2024. Je pense à un accès facilité au prêt « avance rénovation ». Nous devons venir davantage en aide au plus modestes : le parcours doit être simplifié et le reste à charge réduit.

Dans le secteur de la construction, la rénovation offre une prévision de croissance forte et durable. C’est la preuve de notre soutien au secteur. L’Etat prend le sujet à bras le corps, nous mettons les moyens là où c’est nécessaire. Le logement est une préoccupation du quotidien. C’est un sujet central de mon gouvernement. »

La Première ministre est applaudie par la moitié de la salle.

"La vérité c'est qu'aujourd'hui, c'est franchement décevant et insuffisant", Olivier Salleron, président de la FFB

%%MEDIA:2339792%%

Ce CNR Logement n'est que l'étape 1 mais les deux rapporteurs généraux l'ont bien dit à demi-mot : c'est la déception. Et nous, hommes du bâtiment, de la construction et de l'immobilier nous n'avons pas l'habitude de mâcher nos mots. Nous avons l'habitude en tant qu'hommes de terrain et de territoire, de dire la vérité. Et la vérité c'est qu'aujourd'hui, c'est franchement décevant et insuffisant. Il faut rattraper ça très vite. Il faut un coup de pouce pour les primo-accédants à la propriété, il faut revenir sur la fin du PTZ, il faut un statut du bailleur privé. de tout cela, pas un mot aujourd'hui. Pas un mot non plus sur l'aide aux maires bâtisseurs. Je suis très heureux d'entendre qu'Action Logement et l'argent des entreprises vont permettre de doubler Visale et de racheter des logements. Les partenaires sociaux sont contents de participer à l'effort commun mais n'oublions pas que cette contribution est volontaire pour le secteur privé. tout est sur la table . On va continuer à discuter avec ce gouvernement et le prochain. avec grand plaisir. Les grandes fédérations comme la FFB sont la pour ça."

 

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires