Code des marchés publics modifié : le point de vue des entreprises (2/2)

A peine remanié par le décret du 25 août 2011, le Code des marchés publics suscite des débats chez les professionnels du BTP. Du 31 août au 7 septembre 2011, la rédaction du Moniteur recueille leurs réactions. Dans cet article, le deuxième opus du point de vue des entreprises.

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Code des marchés publics modifié : réactions des professionnels

«L'accès direct des PME aux marchés publics est de plus en plus menacé » - Renaud Marquié, délégué général du Syndicat national du second œuvre (SNSO)

Il s’agit d’une réforme particulièrement néfaste aux PME ! Depuis plusieurs années, le gouvernement détricote le principe de l'allotissement, seul garant d’une mise en compétition loyale de toutes les entreprises quelle que soit leur taille. En effet, cette procédure permet à chacun de trouver sa place sur la ligne de départ selon ses capacités, en se portant candidat à un, à plusieurs ou à tous les lots.

Le démantèlement a commencé par l’extension de la conception-réalisation, puis le recours inconsidéré aux contrats de partenariat et la dispense d'allotir qui vient d’être accordée aux offices d'HLM. Aujourd'hui, le Code autorise le recours aux marchés globaux dès lors qu'il y a un engagement de performance, avec une rédaction si floue et si large qu'elle généralise la possibilité de déroger en toutes circonstances à l'allotissement. Ce faisant, on écarte de plus en plus les PME d'un accès direct à la commande publique et on les réduit à la sous-traitance, souvent à bas prix et dans des conditions que la morale réprouve. De fil en aiguille, les PME risquent de se transformer en marchands de bras.

L’autre point qui nous préoccupe est la possibilité de proposer des variantes seules. Cela risque d’affecter la transparence des procédures d’attribution. Les maîtres d’ouvrage devront être très précis lors de la consultation sur les exigences minimales requises pour les variantes.

« Nous craignons des dérives suite à l’introduction des contrats globaux de performance » - Sabine Basili, vice-présidente de la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment), chargée des affaires économiques

Certaines de nos craintes sont avérées ! Notre plus gros souci concerne l’introduction des contrats globaux de performance : nous craignons en effet que les marchés de conception, réalisation et exploitation ou maintenance (CREM) et les marchés associant la réalisation à l’exploitation ou la maintenance (REM) permettent de déroger au principe d’allotissement. Les PME perdraient alors leur accès direct sur les marchés concernés, alors qu’elles font tout pour conserver leur autonomie. Nous avons sensibilisé le ministre Monsieur Baroin et la direction des affaires juridiques de Bercy sur nos craintes, en demandant que ces contrats soient limités à des ouvrages complexes et importants.

« L'allotissement doit rester la règle »- Olivier Diard, Délégué général de la Fédération Nationale des SCOP du BTP

Les nouveaux contrats globaux, et plus particulièrement les contrats de performance énergétique, qui constituent l'innovation majeure du texte, nous inquiètent vivement compte tenu des possibles dérives qui remettraient en cause le principe de l'allotissement auquel nos SCOP du BTP sont particulièrement attachées : rappelons que, comme le Code l'indique judicieusement, l'allotissement est un gage de concurrence et d'efficacité économique. L'allotissement doit donc rester la règle. Nous prenons acte, en revanche, avec satisfaction qu'il est clairement rappelé, conformément à l'esprit et à la lettre des lois Grenelle 1 et 2, que ces nouveaux contrats ne peuvent être utilisés que pour des ouvrages existants.

Nous regrettons, en outre, la suppression, à l'article 18, de la prohibition de la partie fixe dans les formules de révision : cela va à l'encontre du souci pourtant affiché par les pouvoirs publics d'une meilleure prise en compte des variations économiques dans les marchés.

Par ailleurs, nous relevons avec intérêt l'introduction, parmi les critères de jugement des offres proposés par l'article 53, des "performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture" : il s'agit pour la première fois de privilégier les circuits courts, ce qui semble cohérent avec les objectifs de développement durable qui font l'objet d'un large consensus des acteurs de notre Profession. A quand une disposition similaire pour les marchés de travaux ?

« Quelques points positifs, comme les précisions relatives aux formules de révision de prix » - Frédéric Grivot, vice-président de la CGPME et président de l’Union nationale des PME

Nous relevons un certain nombre de points positifs dans ce toilettage du Code des marchés publics : le renoncement à l’introduction du critère de diversité, qui aurait rendu encore plus contraignante la réponse aux marchés publics ; l’extension limitée du système d’acquisition dynamique aux services courants, et pas à tous les marchés publics ; et surtout la précision que les formules de révision de prix pourront être basées sur plusieurs références. Cela étant, concernant ce dernier point, la rédaction du texte laisse une grande marge de manœuvre aux maîtres d’ouvrage. Nous aurons des efforts de pédagogie à faire pour les convaincre de bâtir des clauses de révision collant au plus près aux composantes du marché.

Il y a également des motifs d’insatisfaction. Tout d’abord, le seuil du paiement direct des sous-traitants demeure à 600 euros, alors que nous espérions une réévaluation à 2 500 voire 4 000 euros. Le plus choquant est la possibilité nouvelle de présenter une variante sans offre de base. Cela n’est pas acceptable, et frappe de plein fouet les PME qui n’ont pas toujours les moyens de présenter des variantes, en particulier sur les lots techniques. Nous déplorons par ailleurs la création des contrats globaux de performance : la notion même de performance n’est pas définie, et ce dispositif risque de favoriser l’émergence de cabinets en tout genre qui décrocheront les contrats pour ensuite tout sous-traiter. Avec à la clé une baisse de qualité de la prestation pour le maître d’ouvrage et des risques de dérapages sur les prix. Enfin, nous regrettons que le délai de suspension de seize jours avant la signature des marchés n’ait pas été étendu aux Mapa comme nous l’avions demandé.

Demain, les réactions des sociétés de l'ingénierie / économistes.

Lire le décryptage du décret modifiant le Code des marchés publics

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