Il n’est pas de véritable preuve d’amour sans acte. Si Emmanuel Macron, est souvent décrit comme « le président des villes », les métropoles et grandes aires urbaines ne le ressentent pourtant pas de cette façon. Lors des Journées de France urbaine, à Toulouse (28-29 mars 2019), elles n’ont pas manqué de le signifier.
C’est notamment le cas de Jean-Luc Moudenc, président de l’association et hôte de ces deux journées, plus habitué aux discours mesurés et à la recherche de dialogue avec le gouvernement qu’à l’affrontement. Or, les choses n’avancent pas selon lui : « pouvez-vous me citer une seule mesure qui, ces 22 derniers mois, ait donné davantage de moyens à nos grandes villes et intercommunalités ? », interpelle-t-il.
Il s’étonne par ailleurs que « le chef de l’Etat et le gouvernement [redoublent], depuis des mois, d’attention envers les associations d’élus les plus contestataires [AMF, ADF et Régions de France, réunis depuis septembre au sein de Territoires unis, NDLR]. Aussi, le monde urbain a-t-il été ignoré. Curieux paradoxe », souligne-t-il.
François Rebsamen, président de la métropole de Dijon, va plus loin, estimant que « les villes sont en train de perdre la bataille de l’opinion », à mesure que se diffuse l’idée « qu’elles vont bien, qu’elles sont riches, qu’elles appauvrissent voire vident le monde rural ».
L'alliance des territoires au coeur des débats
France urbaine espère donc rééquilibrer la balance, et mettre fin à la « vision manichéenne » opposant métropoles et territoires périphériques et ruraux. Pour cela, l’association a insisté, au cours de ces deux journées, sur la nécessité de créer des alliances entre les territoires.
A la tête du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), Serge Morvan a commenté les enseignements d’une étude sur la coopération interterritoriale, publiée quelques jours auparavant par le CGET. Il en ressort que 173 conventions entre 21 métropoles et les EPCI voisines ont été établies, principalement sur des questions de mobilité ou de tourisme. « Dans les EPCI les plus proches, 80% se disent satisfaites de ces partenariats. C’est moins vrai en deuxième couronne où l’on se heurte à des problématiques spécifiques et où il est plus difficile de mettre en place des conventions ». Il faut cependant persévérer, estime-t-il, car « le monde rural a besoin des métropoles et vice-versa ».
Des coopérations à systématiser
Des exemples sont venus illustrer cette alliance des territoires. Hormis Toulouse métropole avec le département du Gers, ou Nantes qui a mis en place un partenariat avec les territoires ruraux autour de l’alimentation et de la mobilité, la métropole de Tours a signé tout récemment des contrats de réciprocité avec les 10 autres EPCI d’Indre-et-Loire. « Un devoir envers ceux qui nous ont soutenus pour la création de la métropole, et un partenariat qui se veut gagnant-gagnant », assure Philippe Briand, son président.
France urbaine aimerait que ce type de coopération soit systématisé, « institutionnalisé », pour reprendre le terme de Jean-Luc Moudenc. Le but : diffuser le dynamisme économique des métropoles vers les territoires périphériques et ruraux, trouver des relais complémentaires. Car urbain et rural sont interdépendants, a-t-on pu entendre lors de ces deux jours, il faut savoir tirer le meilleur des deux mondes. "S'ils vont mieux, nous irons mieux aussi", insiste Jean-Luc Moudenc.
Encore beaucoup d’attentes
Si l’association se félicite de quelques avancées, comme « la relance de l’Anru », ou encore la création d’une délégation à l’Assemblée nationale consacrée aux collectivités et à la décentralisation, elles restent relativement peu nombreuses au regard des attentes. Parmi elles, une nouvelle étape de la décentralisation, avec la possibilité de mettre en œuvre plus de différenciation et de d’expérimentation. "Il faut nous laisser les clés du camion", s'exclame le président de France urbaine, faisant part ici d'une demande récurrente, et assez consensuelle auprès de toutes les associations d'élus.
La réforme de la fiscalité locale se fait elle aussi attendre. Espérant que cette remise à plat permettent de redonner plus d’autonomie financière, France urbaine ne bouge pas de sa ligne, et souhaite voir émerger une véritable corrélation entre outils fiscaux et compétences des collectivités locales. Aussi, l’association espère que le produit départemental de la taxe foncière soit affecté au bloc communal, et que le manque à gagner des intercommunalités soit complété par une part de CVAE.
Quant aux départements, ils pourraient être compensés par une part de CSG. « Au début de l’été, le Premier ministre s’est déclaré favorable à cette idée. Mais depuis, plus de nouvelles », regrette Jean-Luc Moudenc.
Contractualisation, mobilité : peut mieux faire
De même du côté de la contractualisation. Le gouvernement a promis, d’ici à cet été, une clause de revoyure pour réajuster le système mis en place l’an dernier. Mais à ce jour, les collectivités locales impliquées dans une contractualisation financière avec l’Etat, imposant en moyenne une hausse de 1,2% de leurs dépenses de fonctionnement, n’ont « aucune nouvelle, aucun signal nous permettant de connaître les intentions gouvernementales », se lamente Jean-Luc Moudenc.
Sans compter les efforts encore à faire en termes de transition écologique, d’eau et de mobilité. A cet égard, le président de France urbaine tacle la loi d’orientation des mobilités, qui sera votée au Sénat le 2 avril : « Quand le gouvernement a annoncé sa préférence pour la mobilité du quotidien, nous avons compris que les grandes infrastructures, dont nos centres urbains ont pourtant besoin, seraient renvoyées aux calendes grecques. Mais nous pouvions espérer un engagement étatique à nos côtés pour doper le financement de nos projets de métro, de tramway ou de bus performants. » Or, comme dans les autres domaines, «nous l'attendons toujours»...
Si aucun membre du gouvernement n'était présent pour entendre ses revendications, France urbaine les a compilées dans sa contribution au Grand débat national. Déclinée en 14 thématiques, elle sera remise au président de la République le 9 avril, jour où il doit recevoir une délégation de l'association.