Commande publique : le délit de favoritisme bientôt réformé ?

Profitant du projet de loi sur la réforme des juridictions financières, le gouvernement pourrait modifier le délit de favoritisme. Analyse.

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Institué en 1991, le délit de favoritisme sanctionne pénalement toute tentative, ou tout acte ayant pour objet de "procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public" ().

Plusieurs gouvernements ont tenté depuis une dizaine d'années, d'assouplir, voire d'abroger ce délit, qui constitue une sorte d'épée de Damoclès sur la tête des élus, des agents publics et des entreprises titulaires de marchés ou de délégations de service public. A la faveur de la mise à l'ordre du jour au Parlement du projet de loi sur la réforme des juridictions financières, le gouvernement tente une nouvelle fois d'apporter des modifications à ce délit.

L'étude d'impact en date du 3 septembre 2009 observe ainsi qu'"une adaptation à la marge du "délit de favoritisme" sera nécessaire () pour préciser le caractère intentionnel du délit. Le Parlement a déjà eu, à plusieurs reprises récemment, l'occasion d'aborder cette problématique. Il l'a fait une première fois lors de l'examen de la loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissements publics et privés (accéder à la loi en cliquant ici ), en examinant, sans le retenir, un amendement présenté par le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale (NDLR : Jean-Luc Warsmann). Il l'a fait une deuxième fois lors de l'examen de la loi de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures (accéder à la loi en cliquant ici), en examinant un amendement présenté à ce sujet par M. Béteille, sénateur, et finalement retiré avec l'accord de son auteur après que le représentant du gouvernement ait précisé, lors de la séance du Sénat du 25 mars 2003 que « le projet de loi sur la réforme des juridictions financières pourrait constituer un vecteur adapté pour traiter de ce sujet »." (Projet de loi portant réforme des juridictions financières, Projet d'étude d'impact, 3 septembre 2009, p. 43).

Eviter un "cavalier législatif"

Les tentatives précédentes de réforme ont échoué, faute d'emprunter la voie législative adéquate. Le Conseil constitutionnel procède en effet a un contrôle serré des "cavaliers législatifs", ces dispositions introduites subrepticement dans une loi qui n'a pas pour objet de les contenir. La réforme des juridictions financières pourrait, cette fois, constituer le support législatif approprié pour une telle réforme. En effet, les contours du délit de favoritisme ont été définis à partir de la loi créant la Cour de discipline budgétaire et financière, en 1948, laquelle est également à l'origine du délit réprimant les fausses déclarations en vue d'obtenir un avantage indu d'une administration. Ce délit était d'ailleurs puni des mêmes peines que le délit de favoritisme (1). Compte tenu des responsabilités, le cas échéant pénales, qui pèsent sur les comptables publics, et sur les comptables de fait (c'est-à-dire les élus et agents publics), une modification du délit de favoritisme à l'occasion du vote de cette loi est tout à fait envisageable.

Naturellement, à ce stade, on peut se demander si, politiquement, il est possible de présenter aux électeurs une réforme ayant tous les traits d'une "amnistie", et ce, à quelques semaines des élections régionales. La désignation probable de Jean Sarkozy à la tête du premier établissement public d'aménagement français (EPAD - La Défense) montre que le pouvoir actuel ne s'embarrasse pas trop de considérations de cette nature à l'heure actuelle. On peut en déduire que, sauf imprévu de dernière minute, un assouplissement du délit de favoritisme est fort probable. Ce sera un soulagement pour tous les élus hantés par la perspective de poursuites pénales, alors qu'ils estiment - souvent à juste titre -, se donner déjà beaucoup de mal pour les collectivités dont ils ont la charge.

1) Aujourd'hui, l'article 441-6 du Code pénal dispose : "Le fait de se faire délivrer indûment par une administration publique ou par un organisme chargé d'une mission de service public, par quelque moyen frauduleux que ce soit, un document destiné à constater un droit, une identité ou une qualité ou à accorder une autorisation est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Est puni des mêmes peines le fait de fournir une déclaration mensongère en vue d'obtenir d'une administration publique ou d'un organisme chargé d'une mission de service public une allocation, un paiement ou un avantage indû."

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