Pour ester en justice en tant que personnes morales, les associations déclarées doivent habiliter une personne physique afin de les représenter devant les juridictions judiciaires ou administratives. Le juge a défini les conditions auxquelles doit répondre cette régulière représentation qui s'apprécie au regard des statuts. Vu le contrôle et la sanction du juge, la liberté laissée aux associations pour se constituer et fonctionner ne saurait les dispenser d'une rigueur minimale dans la formalisation des pouvoirs conférés à leur représentant.
LA REFERENCE AUX STATUTS
En principe, les associations sont libres de déterminer, dans leurs statuts, les modalités de leur organisation et de leur fonctionnement. En pratique, le juge s'assure des conditions suivant lesquelles une association peut agir et se faire représenter en justice suivant la répartition des rôles entre ses organes, telle que prévue dans ses statuts (1). Concrètement, cela conduit à verser aux débats les statuts et, le cas échéant, les documents ou décisions prises par les organes de l'association susceptibles de justifier d'une habilitation régulière de son représentant. A propos du recours d'une association agréée pour la protection de l'environnement contre un permis de construire 124 logements, la cour administrative d'appel (CAA) de Marseille a conclu à la recevabilité de son action aux motifs que « suivant les statuts de l'association, le conseil d'administration était compétent pour décider d'engager une action devant les juridictions administratives et que, par délibération en date du 22 juin 2001, ce conseil d'administration avait confirmé le mandat à son président pour interjeter appel du jugement » (2).
Identification
Une association peut librement identifier, dans ses statuts, la personne pouvant la représenter en justice, qu'il s'agisse d'une personne physique - en général un dirigeant - ou d'un organe collégial de direction. Dans ce dernier cas, cet organe devra donner ensuite un pouvoir spécial à une personne physique pour agir en justice au nom de l'association.
Autorisation de l'assemblée générale
Si les statuts n'identifient pas la personne ou l'organe pouvant recevoir une telle habilitation, les organes de l'association compétents pour le faire peuvent désigner la personne de leur choix pour la représenter en justice. Sauf indications statutaires contraires, pour agir en justice, l'assemblée générale, organe souverain de l'association, peut toujours régulièrement y procéder. Examinant la recevabilité d'un recours engagé par une association contre la décision du président de la Courly d'exercer son droit de préemption urbain sur un immeuble vendu par cette association, la CAA de Lyon a considéré que « en l'absence, dans les statuts, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge, celle-ci n'est régulièrement engagée que par l'assemblée générale, seule compétente pour habiliter le président à agir et à représenter l'association devant le juge » (3). De même, lors d'un recours dirigé contre un arrêté d'autorisation d'extension d'une installation classée jugée incompatible avec le plan d'occupation des sols, l'association intervenante a été déclarée irrecevable, « faute d'autorisation de l'assemblée générale donnée à son président, son conseil d'administration ne pouvant l'habiliter dans l'instance en cause » (4).
Opportunité d'agir
Les statuts distinguent parfois le pouvoir de représenter l'association de celui de décider en opportunité d'agir en justice. Ainsi, l'association peut définitivement désigner son président pour la représenter devant le juge, mais donner le pouvoir de décider d'engager une action contentieuse en son nom à un autre organe. Celui identifié pour représenter l'organisme ne peut alors le faire sans que cet organe ait préalablement délibéré pour l'habiliter. En revanche, suivant la jurisprudence constante du Conseil d'Etat sur ce point, la CAA de Marseille a considéré, à l'occasion d'un recours d'une association de défense de l'environnement contre un permis de construire délivré en violation des règles de protection du littoral, que, « dans le silence des statuts et en l'absence de dispositions statutaires contraires réservant à un organe de l'association un tel pouvoir, la qualité dévolue au président pour représenter l'association en justice ou pour ester en justice, lui donne aussi celui de décider de l'opportunité de l'action ». Dans cette espèce, le président qui avait le pouvoir pour représenter l'association en justice et diligenter toute action devant le tribunal avait donc qualité pour former ledit recours, malgré la production, à titre superfétatoire d'une délibération du conseil d'administration (5). De même, concernant le recours d'une association contre un arrêté prenant acte de la déclaration de créer une déchetterie, le juge a estimé que la disposition suivant laquelle « le président est doté du pouvoir de représentation de l'association dans tous les actes de la vie civile» et qu'il a qualité pour ester en justice au nom de celle-ci, « était à elle seule suffisante pour habiliter le président à agir devant la juridiction administrative » (6). A contrario, le président d'une association ne disposant, selon les statuts, d'aucun pouvoir particulier si ce n'est celui d'assurer son fonctionnement en convoquant le conseil d'administration et l'assemblée générale et qui n'est investi d'aucun pouvoir de représentation en justice, n'a reçu aucun mandat spécial pour ce faire (7).
LE FORMALISME DU POUVOIR DE REPRESENTATION
Les associations doivent respecter un formalisme minimal dans l'établissement des actes susceptibles d'attester d'une habilitation donnée à leur représentant.
Devant le juge administratif
Le juge administratif vérifie la régularité de la décision au regard des statuts de l'organisme. Ainsi, à l'occasion d'un recours contre un arrêté de permis de construire initié par une association de riverains, le Conseil d'Etat a vérifié que la délibération du conseil d'administration, compétent pour habiliter le président pour représenter l'association en justice, avait bien été prise conformément aux règles de quorum et de majorité prévues aux statuts (8). Il n'appartient pas, en revanche, au juge de contrôler les conditions d'adoption de ces statuts, comme cela a été relevé lors de l'examen de la recevabilité du recours d'une association demandant le sursis à exécution d'une construction incompatible avec les règles d'urbanisme (9).
Devant le juge judiciaire
Le juge judiciaire s'abstient, en général, d'apprécier si le représentant de l'association a été désigné conformément aux statuts. Dans un arrêt circonstancié, il a néanmoins conclu au défaut de pouvoir du représentant d'une association, après analyse du processus complet d'adoption de ses délibérations qui révélait une désignation irrégulière de ce représentant (10).
LA SANCTION DU DEFAUT DE QUALITE POUR AGIR
Irrégularité de fond
Devant le juge judiciaire, le défaut de pouvoir régulier de la personne représentant une association constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte de procédure. Ce vice de forme conduit à la nullité de l'acte introductif d'instance qui ne peut être régularisé que si aucune forclusion n'est intervenue, si cela ne cause pas de préjudice ou encore si la cause de l'irrecevabilité a disparu lorsque le juge statue. Ainsi, le juge admet des cas de régularisation a posteriori, par la production de nouveaux statuts modifiés ou par l'intervention en cours d'instance de personnes compétentes, pour ratifier les actes irréguliers de la procédure.
Vérification du juge
En revanche, le juge pénal vérifie l'existence d'un pouvoir de représentation lors de la mise en marche de l'action publique. Saisi de l'examen d'infractions aux Codes de l'urbanisme et de l'environnement, il admet que le président d'une association de protection d'un site a régulièrement reçu mandat pour représenter l'organisme en justice, par une délibération du conseil d'administration antérieure au dépôt de plainte avec constitution de partie civile (11).
Régularisation a posteriori
Devant le juge administratif, à peine d'irrecevabilité du recours, l'association peut justifier sa qualité en produisant un document à tout moment de la procédure, voire après l'expiration du délai de recours contentieux, même lorsqu'une ordonnance de clôture d'instruction a été prise (12). A l'occasion du recours d'une association contre un arrêté déclarant d'utilité publique les acquisitions de terrains et les travaux nécessaires à la réalisation d'une ZAC, le conseil d'administration de l'association requérante, agissant sans mandat de l'assemblée générale, peut faire régulariser a posteriori ce défaut de mandat, par la tenue d'une assemblée générale, postérieure à l'initiation de l'instance et la production de ladite délibération (13). En référé, le juge ne vérifie pas, en revanche, l'habilitation régulière du représentant de l'association. Notons, enfin, que le tribunal administratif ou la CAA ne peut déclarer irrecevable une association, sans l'avoir préalablement invitée à régulariser sa qualité pour agir.
(1) CAA Douai, 25 octobre 2001, « Association Opale environnement » , req. no 99DA00232.
(2) CAA Marseille, 16 mai 2002, « Fédération pour les espaces naturels de l'environnement catalan ».
(3) CAA Lyon, 24 février 2004, « communauté urbaine de Lyon » .
(4) CAA Lyon, 17 novembre 1992, « société Agrishell » , req. no 91LY00362, 90LY00382, 90LY00405, 91LY00838.
(5) CAA Marseille, 18 mars 2004, « M. Leconte » , req. no 01MA00928.
(6) CAA Paris, 5 novembre 1998, « Association de défense de l'environnement du Val de Gally » , req. no 96PA04205.
(7) Cass,1re civ, 19 novembre 2002, « Association des opticiens du Cher » , Dalloz, jur. 2003, no 1, p. 21.
(8) CE, 21 décembre 1977, « SCI îlot B » 10, p. 529.
(9) CAA Bordeaux, 16 novembre 1995, « commune de Balma », req. no 94BX00985, 94BX00987, 94BX00993, 95BX00044, 95BX00081, 95BX00099, 95BX00108.
(10) Cass, soc, 29 octobre 1998, pourvoi no 97-12.667.
(11) Cass, crim, 15 octobre 2002, pourvoi no 01-87.057.
(12)CE, 16 janvier 1998, « Association des amis des vieilles pierres d'Aiglemont » , rec. T. 1081 ; CAA Marseille, 28 décembre 2000, « société Estérel Enrobés » , req. no 97MA05158.
(13) CAA Paris, 19 décembre 1996, « Association seine-et-marnaise de sauvegarde de la nature » , précité ; CE, 28 octobre 1987, « Association pour la défense des sites et des paysages » , Rec. 328.
(14) Art. R. 612-1 et R. 811-13 du Code de justice administrative ; CAA Lyon, 20 décembre 1998, « Association Vellale Environnement respect des sites et de l'eau », rec. 618 ; CAA Paris, 10 mai 1994, « Société Logirep », req. no 93PA00375.
L'essentiel
Pour être recevables à agir en justice, les associations déclarées, agréées ou non, doivent habiliter une personne physique afin de les représenter.
Le juge administratif vérifie toujours la régularité de la décision au regard des statuts de l'organisme.
Les tribunaux n'hésitent pas à débouter une association en cas de défaut d'habilitation régulière de son représentant, sans aborder le fond du litige.
EN SAVOIR PLUS
Ouvrages de référence : « Droit de l'aménagement », sous la direction scientifique d'Yves Jégouzo, 2 classeurs, éditions Le Moniteur ; « Pratique du contentieux administratif », par Jean-Jacques Thouroude, éditions Le Moniteur.
Article du « Moniteur » : « Recours élargi pour les associations agréées », 9 janvier 2004, P. 48.