La cour administrative d'appel de Bordeaux a donné raison, le 10 décembre, aux opposants au projet controversé de contournement routier de Beynac (Dordogne), un des plus beaux villages de France.
Elle a annulé le projet, et a ordonné la démolition des travaux engagés.
Suite d'une saga de plus de trente ans mêlant infrastructures, sécurité routière, environnement et patrimoine, la cour administrative d'appel de Bordeaux a en effet suivi les juges de première instance en annulant un arrêté de 2018 qui autorisait les travaux.
Le chantier, qui prévoit la construction de 3,2 km de rocade, avait bel et bien démarré, mais est à l'arrêt depuis douze mois.
Ce projet de 32 millions d'euros, porté par le conseil départemental de Dordogne, doit contourner Beynac-et-Cazenac Ce village de 550 âmes au pied d'une forteresse classée du XIIe siècle est situé sur un axe routier départemental Bergerac-Sarlat qu'empruntent, en haute saison touristique, jusqu'à 10 000 véhicules par jour.
Un contournement désormais "moins utile"
Comme le tribunal administratif de Bordeaux, avant elle, la cour administrative d'appel a jugé que "le projet ne saurait être regardé comme répondant à une raison impérative d’intérêt public présentant un caractère majeur". Seule cette raison permettrait de déroger à l'interdiction de porter atteinte aux espèces et à leur habitat, aux termes du code de l'environnement.
Or, la décision des juges s'appuie "en particulier [sur] la réalité des atteintes portées par le projet à un grand nombre d’espèces animales protégées et à leurs habitats", ainsi que "l’amélioration des conditions de circulation apportées en 2017 par les travaux de voirie" à Beynac. Ce qui rend "le contournement moins utile", estiment-ils.
Remise en état dans un délai de douze mois
Par ailleurs, la cour confirme "l’obligation pour le département de la Dordogne de démolir les éléments déjà construits [notamment deux piles de pont]" dans un délai d'un mois à partir la notification de l'arrêt. Le maître d'ouvrage doit par ailleurs "procéder à l'ensemble des opérations" ainsi qu'à la "remise en état des lieux dans un délai global de douze mois". La cour n'a toutefois pas assorti l'injonction d'astreinte financière.
L'avocat du département, Me Xavier Heymans, a indiqué à l'AFP qu'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat serait formé "dans les semaines qui viennent", ainsi qu'un sursis à exécution concernant la démolition.
Interrogé par l'AFP, le président PS du département, Germinal Peiro, a déploré une situation "totalement ubuesque". La démolition ajouterait un surcoût de 15 millions d'euros à un projet achevé à 60%, a-t-il fait valoir. Il estime par ailleurs que cela porterait une nouvelle atteinte à l'environnement.
Un soulagement pour les opposants
Du côté des opposants, "après trente ans de combat, c’est une victoire que nous accueillons avec soulagement. Mais que de temps perdu, que de procédures pour faire primer le droit et le bon sens", a réagi Philippe d’Eaubonne, président de l’Association de sauvegarde de la Vallée de la Dordogne.
Il a regretté que le département n'ait pas attendu la justice avant d'engager les travaux "ce qui aurait évité au contribuable de financer les constructions illégales du département, puis leur destruction !". A l'audience fin novembre, l'avocate des opposants, Corinne Lepage, avait fustigé cette "course du bulldozer contre le juge : foncer et construire le plus de choses possibles afin de les rendre irrémédiables".
Avec le pourvoi en cassation qui semble se profiler, la décision de ce 10 décembre, "n'est qu'une étape" supplémentaire, a souligné le président du département, préfigurant de nouveaux épisodes à la saga Beynac.