Contrat d'architecte et clause limitative de responsabilité

Construction -

Cass. 3e civ. , 19 janvier 2022, nº 20-15. 376

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Faits

Les propriétaires d'un appartement procèdent à des travaux de rénovation. La maîtrise d'œuvre complète des travaux est confiée à un architecte. Se plaignant notamment de malfaçons, les propriétaires assignent alors l'architecte et son assureur en indemnisation de leurs préjudices.

Concernant les malfaçons affectant les travaux, la cour d'appel de Nîmes retient tout d'abord l'existence d'une responsabilité conjointe des entreprises et de l'architecte. La répartition des responsabilités est retenue à hauteur de 70 % pour les entreprises, pour défaut d'exécution et de 30 % pour l'architecte, pour les fautes commises dans l'exécution de sa mission.

Compte tenu de l'existence, dans le contrat de maîtrise d'œuvre, d'une clause prévoyant que l'architecte ne pouvait être tenu responsable ni solidairement ni in solidum des fautes commises par d'autres intervenants à la construction, la cour d'appel limite la condamnation de l'architecte et de son assureur à la part des dommages correspondant à la part contributive de sa faute, soit à 30 % des dommages.

Un pourvoi en cassation est formé par les maîtres d'ouvrage.

Question

Quelle est la portée, à l'égard du maître d'ouvrage, d'une clause prévoyant que l'architecte ne peut être tenu responsable ni solidairement ni in solidum des fautes commises par d'autres intervenants à la construction ?

Décision

La Cour de cassation censure l'arrêt d'appel au visa de l', dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance nº 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige.

Pour la haute juridiction, la clause aux termes de laquelle l'architecte ne pouvait être tenu responsable ni solidairement ni in solidum des fautes commises par d'autres intervenants à la construction « ne limite pas la responsabilité de l'architecte, tenu de réparer les conséquences de sa propre faute, le cas échéant in solidum avec d'autres constructeurs. Elle ne saurait avoir pour effet de réduire le droit à réparation du maître d'ouvrage contre l'architecte, lorsque sa faute a concouru à l'entier dommage ».

Commentaire

Par cet arrêt, la Cour de cassation se prononce sur les effets de l'une des clauses types fréquemment intégrées dans les contrats d'architecte, visant à limiter la responsabilité de l'architecte à l'égard du maître d'ouvrage.

Cette limitation de la responsabilité de l'architecte ne peut s'envisager que dans le cadre de la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de l'architecte.

En effet, il résulte des dispositions de l' que, en matière de responsabilité légale des constructeurs relevant des , toute clause qui a pour objet de limiter ou d'exclure la responsabilité ou les garanties des constructeurs est réputée non écrite.

En matière de responsabilité contractuelle, la position de la haute juridiction était jusqu'à présent d'admettre la validité des clauses limitatives de responsabilité dans les contrats d'architecte. La Cour de cassation avait ainsi jugé, dans un arrêt inédit du 19 mars 2013 (nº 11-25.266), que « le juge est tenu de respecter les stipulations contractuelles excluant les conséquences de la responsabilité solidaire ou in solidum d'un constructeur à raison des dommages imputables à d'autres intervenants ». Cette solution avait ensuite été reprise par la Cour de cassation, dans des arrêts ultérieurs et cette fois publiés, comme notamment les décisions du 14 février 2019, (nº 17-26.403) et du 19 mars 2020, nº 18-25.585.

C'est dans ce contexte que certains auteurs ont pu voir, dans l'arrêt du 19 janvier 2022 commenté, faisant en outre l'objet d'une très large publication, un important revirement de jurisprudence tendant à désormais invalider les clauses écartant la responsabilité in solidum ou solidaire dans les marchés d'architecte. D'autres auteurs restent prudents quant à la portée de cette décision, laquelle pourrait n'avoir été rendue qu'en considération de la clause telle que rédigée dans le cas d'espèce.

En effet, la clause en question prévoyait que l'architecte « ne pourra être tenu responsable, ni solidairement ni in solidum, des fautes commises par d'autres intervenants à l'opération ». Or, dans sa décision du 19 janvier 2022, la Cour de cassation n'analyse pas « une telle clause » comme une clause limitative de responsabilité : si l'architecte ne peut être tenu responsable des fautes commises par d'autres intervenants selon la clause litigieuse, il reste en revanche responsable des dommages causés par ses propres fautes. Or, la haute juridiction rappelle que « chacun des coauteurs d'un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives comme cela était le cas en l'espèce, doit être condamné in solidum à l'entier dommage, chacune de ces fautes ayant concouru à le causer tout entier. » Les décisions à venir de la Cour de cassation concernant ce sujet récurrent en pratique dans les marchés d'architecte, mais également de travaux, devraient permettre de mieux apprécier la portée de cette première décision rendue en ce sens.

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